« Non à la cacophonie, pour une transition énergétique acceptée par tous les citoyens ! », titre le communiqué de presse diffusé le 5 mars 2020 suite à la conférence de presse organisée par 9 associations nationales engagées dans la défense de l’environnement et du patrimoine (Demeure historique, VMF, Fédération Environnement Durable, Maisons paysannes de France, Patrimoine Environnement, Rempart, Sauvegarde de l’Art Français, Sites & Monuments, Vent de Colère). Un slogan velléitaire qui les positionne clairement dans le bras de fer engagé avec les autorités étatiques au sujet de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028) et qui advient à la suite des réunions « pour le développement harmonieux de l’éolien » organisées par la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon les 25 février et 2 mars derniers, entrecoupées par l’arrogante riposte pro-éolienne du Syndicat des énergies renouvelables et de France énergie éolienne du 27 février.
De gauche à droite : Jean-Louis Butré, président de la Fédération environnement durable ; Éric Chalhoub, trésorier de Maisons paysannes de France ; Éric Duthoo, membre du conseil d’administration et délégué Centre-Val de Loire de Patrimoine-Environnement ; Nicolas Chaudun, directeur de publication du magazine digital PAJ ; Philippe Toussaint, président des VMF ; Julien Lacaze, président de Sites & Monuments ; Patrice Cahart, vice-président de la Demeure historique. © DR
Le but de ces 9 associations qui ont décidé d’unir leurs forces et de se faire entendre d’une seule voix ? Obtenir de la ministre de la Transition écologique et solidaire qu’elle mette ses actes en accord avec la prise de position du président de la République, à savoir, « que la transition énergétique ne passe plus par le développement de l’éolien, et que le cadre de vie des Français soit protégé par des mesures immédiates ». Madame Borne n’a-t-elle pas elle-même reconnu le 18 février : « Je ne comprends même pas comment on a pu arriver à une covisibilité avec des monuments historiques », déplorant l’existence de « territoires dans lesquels on a une dispersion de petits parcs de taille et de forme variable qui donnent une saturation visuelle, voire une situation d’encerclement autour de certains bourgs qui est absolument insupportable » ? Venant ainsi alimenter le constat opéré par Emmanuel Macron le 14 janvier selon lequel « le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir ».
Pertubant : une éolienne semble s’être imissée entre les tours de la cathédrale Notre-Dame de Coutances (Manche).
N’étant pas à une contradiction près, Élisabeth Borne refuse néanmoins tout moratoire à l’éolien terrestre, ainsi que toute modification de la PPE. Un cap a pourtant bel et bien été passé ces dernières semaines, comme l’a rappelé Nicolas Chaudun, directeur de la publication de PAJ en introduction de la conférence de presse du 5 mars : « Les questions de l’impact paysager, des abords des témoins insignes de notre histoire ou encore du seuil d’acceptabilité ont enfin été soulevées par le principal promoteur du tout-éolien : l’État lui-même. »
Il faut dire qu’on revient de loin. Il en a fallu du temps pour y voir clair : dix ans environ. Dix ans durant lesquels 8 000 éoliennes terrestres ont été implantées de manière anarchique sur le territoire français. Dix ans de désinformation, de mensonges et de petits arrangements. Et autant d’années pour que les avis éclairés se forgent et que la lutte s’organise contre la toute-puissance des industriels et des financiers, confortée par la mauvaise volonté et la mauvaise foi des autorités publiques. Affligé, Éric Duthoo de Patrimoine Environnement s’inquiète à bon droit d’avoir reçu comme préconisation de la part de Madame Wargon, pour la prochaine réunion de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages (CSSPP), en mars, « de dire que désormais les paysages avec des éoliennes sont des paysages nouveaux, les paysages du XXIe siècle ».
Les éoliennes du parc du Miroir vues depuis l’une rues du village de Saint-Ouen (Somme). © Inventaire général du patrimoine culturel des Hauts-de-France
Déterminées, les 9 associations s’engouffrent aujourd’hui dans la brèche ouverte par le président de la République lui-même. Et entendent bien se faire entendre. Elles font savoir d’abord qu’elles refusent le processus délétère de répartition des 6 500 nouveaux aérogénérateurs prévus par la PPE par le biais du système de bonus-malus. Un système malsain par essence, puisque conçu sur la base d’une modulation de l’aide publique en fonction des zones d’implantation. Obligeant les turbines à s’implanter dans des régions peut ventées, avec un matériel à la fois plus volumineux et moins rentable. Et Philippe Toussaint des VMF de rebondir : « Je pense que la question du prix de rachat de l’électricité doit faire partie des mesures clés sur lesquelles nous ne devons pas céder. »
Les associations demandent par ailleurs un accroissement substantiel de la distance minimale entre les éoliennes et les habitations. La règle des 500 mètres ayant été fixée à une époque où les aérogénérateurs mesuraient 130 mètres de haut, alors que les machines de la dernière génération atteignent désormais les 200 mètres, soit la hauteur de la tour Montparnasse. Pour Patrice Cahart de la Demeure historique, « il y a deux solutions, qui peuvent se marier ou pas : le type bavarois, de 10 fois la hauteur de la machine et le type allemand, de la distance minimum de 1 000 mètres » faisant remarquer, « à titre personnel, que si l’on conclut à 9 ou même à 8 fois la hauteur de la machine et si l’on transige à 900 mètres ce sera un grand progrès ! »
Les tours de l’église Saint-Jean-Baptiste, à Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime), en co-visibilité directe avec des éoliennes. © VLC Environnement
Exigée également par les 9 associations, l’obligation de recueillir l’avis de l’architecte des Bâtiments de France pour toute implantation d’éolienne dans un rayon de 10 km des monuments et des sites protégés, ainsi que celui de la commission régionale de l’architecture et du patrimoine (CRPA) en cas de recours devant le préfet de région. Enfin, les associations de défense de l’environnement et du patrimoine exigent que la procédure des appels d’offres, préconisée par Bruxelles pour faire respecter le principe de la libre concurrence, soit appliquée de manière systématique et immédiate à tout projet d’implantation d’éolienne. Ce qui est loin d’être le cas pour l’instant, la réglementation française ne visant que les ensembles de plus de six machines…
Jean-Louis Butré de la Fédération environnement durable le répète à l’envi : « Une des façons de lutter contre la prolifération anarchique de l’éolien en France est d’informer les gens. Quand ils se rendront compte qu’on leur a menti, les Français se révolteront ». D’où la conférence de presse du 5 mars. Lassées des mensonges et des faux-semblants, les associations de défense de l’environnement et du patrimoine feront tout pour se faire entendre. « On ne veut pas que la France devienne une vaste zone semi-industrielle entrecoupée de quelques sites remarquables », déclare Julien Lacaze (Sites & Monuments) et « Il ne faut pas que ce soient des sociétés privées qui écrivent l’avenir énergétique de la France, mais des gens vraiment indépendants », dixit Jean-Louis Butré. Raison pour laquelle « nous allons nous adresser directement au président de la République » car « nous souhaitons que la parole présidentielle soit mise en pratique », prévient Philippe Toussaint…