À vous d’imaginer l’avenir de Clairvaux !

Par Maïlys TRUBERT

Date de publication : 19/03/2020

Temps de lecture : 4 minute(s)

Si Clairvaux est si renommée, c’est grâce à l’aura de son fondateur, saint Bernard, dont la pensée et l’action ont révolutionné l’Europe du XIIe siècle. Mais les murs de Clairvaux cachent aussi une histoire plus sombre : vendue comme bien national en 1792, l’abbaye cistercienne de Ville-sous-la-Ferté (Aube) a été transformée en prison en 1808. C’était même l’une des plus terribles, comme s’en indigne Victor Hugo dans Claude Gueux en 1834.

«  Ô Clairvaux, abbaye dont on a fait une bastille, cellule dont on a fait un cabanon, autel dont a fait un pilori.   »

Victor Hugo

En raison de sa vétusté, la fermeture de la maison centrale est programmée pour fin 2022. Pour assurer un avenir au site, l’État a lancé en juillet 2019 un appel à idées à destination des acteurs de l’économie, de la culture et du tourisme. Afin de laisser le temps aux investisseurs de visiter les quartiers pénitentiaires, il a été prolongé au 15 avril 2020.

Tandis que certains syndicats pénitentiaires voudraient faire de Clairvaux un centre de réinsertion pour des détenus en fin de peine, Jean-François Leroux-Dhuys, président de l’association Renaissance de l’Abbaye de Clairvaux, rêve d’un musée national des prisons. « Il faut avoir le courage de dire que c’est la prison qui a sauvé Clairvaux », revendique celui qui a obtenu du ministère de la Justice en 1985 l’ouverture partielle du site à la visite. C’est en effet le maintien d’une activité carcérale qui a contribué à la conservation des 30 000 m2 de bâtiments, datant du XIIe au XIXe siècle. Parmi ses trésors d’architecture, le bâtiment des convers du XIIe siècle, le grand cloître du XVIIIe (très détérioré) et la batterie de « cages à poule », cellules grillagées utilisées par les prisonniers jusqu’en 1971.

La direction générale des Finances publiques souhaite que le projet de valorisation prenne en compte la double histoire du site, monastique et carcérale. Les liens étroits entre enfermement choisi et subi à Clairvaux ont déjà inspiré le webdocumentaire « Le cloître et la prison, les espaces de l’enfermement », lancé en septembre 2018 par quatre historiens et produit par Lumento. À partir de l’exemple emblématique de Clairvaux, la plateforme interactive, enrichie de nombreux documents d’archives, explore la manière dont les moines ont « inventé » la peine de prison. Une reconstitution en 3D du site permet quant à elle de visualiser les splendeurs passées de l’abbaye, notamment l’église abbatiale, démolie en 1813.

Le caractère exceptionnel de ce patrimoine de la clôture, qui attire actuellement à Clairvaux 20 000 visiteurs par an, est un atout pour redynamiser ce territoire aux confins de la Champagne et de la Bourgogne. Clairvaux pourrait suivre l’exemple de l’abbaye royale de Fontevraud (Maine-et-Loire), prison elle aussi jusqu’en 1963, devenue le Centre culturel de l’Ouest en 1975. Susceptible d’être transformée comme de nombreuses abbayes en établissement de luxe, Clairvaux pourrait également accueillir une résidence d’artistes, à l’instar de l’abbaye de La Prée, par ailleurs maison de vacances des Petits Frères des pauvres depuis 1954. Le retour d’une communauté religieuse est même envisagée.

Alors, quelle sera la troisième vie de Clairvaux ? Entrepreneurs, associations comme particuliers sont invités à rivaliser de créativité pour l’imaginer grâce à la « boîte à idées citoyenne » disponible sur le site Clairvaux 2022. Les idées les plus prometteuses pour faire renaître la clara vallis chère à saint Bernard devraient être dévoilées en mai 2020.

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