Le patrimoine pour revitaliser les petites villes

Par Aliénor Harzo

Date de publication : 09/07/2020

Temps de lecture : 6 minute(s)

Recréer de l’activité dans les petites villes ? Vaste programme, ambitieux surtout… Qui n’a pas été témoin d’un centre ville qui semble presque abandonné ? Les commerces sont fermés, les logements désertés, les équipements et les services publics se font rares. Les populations leur préfèrent les grandes villes, les métropoles et leurs périphéries. Pourtant, ces petites villes jouent un rôle spécifique dans l’aménagement du territoire et peuvent permettre de conserver un développement territorial équilibré. Conscient de cet enjeu, le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales s’est engagé en faveur d’une mobilisation collective pour les « Petites villes de demain ».

Ce programme national entend renforcer le maillage du territoire, conforter le rôle de centralité des petites villes et leur permettre de faire face aux enjeux démographiques, économiques ou sociaux à venir. Il a été précédé du programme d’expérimentation national « Centres-Bourgs ». Initié en 2014, cet appel à manifestation d’intérêt (AMI) devait révéler et accompagner des initiatives de collectivités autour d’un projet global de redynamisation de leurs centres-bourgs. Ce sont 300 bourgs de moins de 10 000 habitants représentant un lieu de centralité pour leur bassin de vie qui ont ainsi été identifiés ! Et parmi eux, 54 lauréats ont été accompagnés par l’État dans le cadre de ce dispositif pilote qui a mobilisé 230 millions d’euros sur six ans.

Les centres anciens des petites villes sont généralement riches d’un patrimoine remarquable et, souvent, dotés d’un ou de plusieurs outils de protection ou de valorisation de ce dernier. Et il s’avère que le patrimoine peut être un élément levier dans les projets de redynamisation des centres des petites villes. La restauration de plusieurs monuments à Pont-Saint-Esprit (Gard) en témoigne : cela a été un élément déclencheur à la réappropriation du centre ancien par les habitants, qui témoigne par ailleurs du développement d’une conscience patrimoniale chez les élus de certaines communes.

L’association Sites & Cités remarquables de France s’est engagée aux côtés de l’État pour agir en faveur des collectivités. Depuis 2000, elle regroupe les villes et ensembles de communes porteurs d’un Site patrimonial remarquable (SPR), et les villes et pays signataires de la convention « Villes & Pays d’art et d’histoire ». Dans un communiqué de presse du 8 juin 2020, l’organisation a présenté plusieurs propositions pour intégrer le patrimoine à ce nouveau dispositif de revitalisation des petites villes. L’objectif étant d’allier « durablement la valeur patrimoniale et la revitalisation des centres anciens ».

Ces dernières années, le ministère de la Culture a missionné Sites & Cités pour étudier la place et le rôle du patrimoine et de la qualité du cadre de vie dans les processus de redynamisation des territoires. En 2017, une première étude consistait, via un questionnaire rempli par les 54 lauréats du programme « Centre-Bourgs », à établir un premier bilan sur l’avancement et la mise en place des projets sur les différents territoires. En 2018, une nouvelle étude, menée auprès de six territoires du réseau des Sites & Cités lauréats du programme, a permis d’analyser finement la prise en compte du patrimoine et du cadre de vie dans les projets de redynamisation. Les six villes – Lavelanet, Pont-Saint-Esprit, Langres, Saint-Flour, La Réole er Saint-Pierre-de-la-Martinique – ont été choisies pour composer un panel représentatif des lauréats et parce qu’elles se trouvaient à différents stades d’avancement de leur projet. L’étude révèle que, pour attirer les habitants et les activités, tout comme les touristes, il faut s’appuyer sur les spécificités du territoire : patrimoines architectural, urbain et immatériel.

Il semble donc évident que l’enjeu patrimonial est au cœur des projets de redynamisation. Mais comment cela se manifeste-il concrètement ? Quels sont les outils patrimoniaux à développer localement ? Pour s’appuyer sur le patrimoine, il faut s’assurer de sa protection, sa gestion et sa valorisation, tout en mettant en place un outil de gestion et de protection sur le territoire, en parallèle de la réflexion et de la mise en place du projet urbain. Pour Sites & Cités, il est important d’initier dès le début du processus de revitalisation des réflexions autour d’un projet global et précis. Les villes doivent s’appuyer sur la création de SPR, véritable outil de développement local permettant, en théorie, la conservation et la mise en valeur du patrimoine, tout en se servant des outils suivants : AVAP, Ville d’art et d’histoire, Pays d’art et d’histoire, Monuments historiques classés ou inscrits du centre historique. L’association observe cependant que les dispositifs et les politiques publiques de revitalisation des territoires ne prennent pas encore assez en compte les spécificités des patrimoines et du bâti ancien.

Ce programme permet d’envisager un renouveau économique et environnemental pour ces villes et bourgs, ainsi qu’un rééquilibrage territorial entre métropoles, petites et moyennes villes, en évitant l’étalement urbain et en limitant l’artificialisation des sols. Le 29 juin 2020, Martin Marly, président de Sites & Cités remarquables de France, déclarait : « C’est le patrimoine et la culture pris au sens large, nos espaces naturels qui expliquent largement l’attractivité de la France et l’importance de son tourisme. 50 % de la fréquentation touristique y trouve sa motivation. L’économie de la culture comme l’économie du tourisme méritent une place autre dans notre système institutionnel. Nous avons besoin qu’elles soient mieux soutenues, mieux encouragées, plus réunies pour être mieux comprises. » Comme le démontre bien ce programme national, le patrimoine est un facteur économique important que les politiques décident trop souvent de sacrifier, pensant privilégier l’économie…

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