La réunion cruciale d’experts des monuments historiques qui s’est tenue le 9 juillet, lors de la commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) s’est appelée au chevet de Notre-Dame de Paris. Et elle a tiré au clair les grandes orientations du chantier de restauration, quinze mois après l’incendie qui a gravement endommagé le monument.
Durant ces quinze mois, on aura dit tout et n’importe quoi, éveillant des craintes dans le public, notamment quant à l’aspect final auquel aboutirait une « reconstruction » crânement revendiquée au sommet de l’État. Les voix les plus sages semaient le trouble. Celle de Charlotte Hubert, par exemple, alors présidente de la compagnie des architectes en chef des Monuments historiques, qui en juin 2019 se retranchait derrière « la nécessité clairement exprimée de contemporanéité ». Eh bien, ce sera niet !
La commission prône une reconstruction à l’identique de la flèche et de la couverture de Viollet-Le-Duc, en bois de chêne et manteau de plomb donc, que beaucoup d’esprits simples condamnaient au seul chef d’accusation qu’elles dataient du XIXe siècle ! Or, comme le soulignait le 10 juillet sur France Info Philippe Toussaint, président de l’association de sauvegarde Vieilles Maisons françaises (VMF), c’est précisément « un hommage à l’œuvre de Viollet-Le-Duc » qu’ont voulu rendre les experts. L’architecte du sauvetage de Pierrefonds ou des remparts de Carcassonne ne s’était pas contenté d’ériger une flèche extravagante, il avait judicieusement œuvré à la consolidation de la nef, jetant entre autres une chape de plâtre au-dessus des voûtes de manière à les isoler d’un éventuel incendie de la charpente. Quelle prescience ! On rappellera au passage, que l’incendie s’est déclenché sur le chantier même de la restauration de ladite flèche, et que, en prévision de ces travaux-là, on avait déposé les innombrables anges qui l’ornaient. Ceux-ci ont donc été épargnés ; ils reprendront leur place initiale au terme des travaux.
D’autres voix, au soir du 15 avril 2019, plus spécieuses encore, prétendaient que les massifs forestiers de France n’étaient pas en mesure de fournir le bois nécessaire à la restitution de la charpente médiévale, la fameuse « forêt ». C’était, au mieux, méconnaître la question ; au pire, pousser des intérêts industriels bien particuliers. Que ces fâcheux se rengorgent à leur tour : les forêts françaises fourniront bien sa coiffe à la cathédrale. Une décision salutaire à plus d’un titre. Elle stimulera une filière mal en point, mal explorée, mal exploitée. Or le bois est le matériau renouvelable par excellence. Et notre pays en est riche comme peu d’autres en Europe. En outre, cette charpente à réinventer ouvrira des débouchés aux métiers d’art et à leurs artisans, sauvegardant ainsi des savoir-faire incomparables, qu’un relatif tarissement des commandes menaçait d’extinction.
La « restauration » l’a emporté sur la « reconstruction ».
Enfin, il fallait donner des gages à Jupiter. Lui épargner Canossa. Lui ôter le chapeau de la bouche. Oui, Notre-Dame sera rendue au culte – et aux tongs des touristes – en 2024 ! Mais cela ne signifie pas que le chantier sera achevé. La flèche notamment viendra plus tard. Le temps est ici un allié précieux, que les calendriers politiques voulaient comprimer. La raison l’a emporté, au prix d’un compromis acceptable.
L’essentiel est là : la « restauration » l’a emporté sur la « reconstruction », et avec elle, la raison sur l’emphase, le métier sur le discours. Car c’est une vérité maintes fois vérifiée : le cours des choses va plus droit, plus vite et plus limpide quand on le laisse aux mains des gens de métier.