Le patrimoine aquatique à la dérive !

Par Agathe Archambault

Date de publication : 16/07/2020

Temps de lecture : 4 minute(s)

Nouvel épisode dans le feuilleton des décrets gouvernementaux menaçant la sauvegarde du patrimoine : un petit nouveau, tout droit sorti du ministère de la Transition écologique et solidaire, vient d’être publié et déclenche la colère des amoureux de rivières. En cause : son impact pourrait s’étendre à une large palette de milieux aquatiques façonnés par l’homme, dont des constructions de notre patrimoine comme les canaux anciens et les moulins. 

L’objectif affiché de ce « nouveau décret scélérat » tel que l’ont déjà qualifié nombre de commentateurs : « restaurer les fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques ». En créant un nouveau type de travaux sur rivière, qui permettrait d’intervenir dans des situations aussi diverses qu’un désendiguement, le rétablissement du cours d’eau dans son lit d’origine, la restauration de zones humides, la remise à ciel ouvert de cours d’eau couverts, ou encore la revégétalisation de berges… Bref, un décret écolo, du moins en apparence. Et urgent qui plus est, si l’on en croit l’agence de l’eau qui explique que l’aménagement sur les rivières est « une des premières causes de la dégradation de la qualité des eaux et de perte de biodiversité aquatique ».

Mais le bât blesse lorsqu’on examine de plus près les nouvelles réglementations qui agrémentent la mise en œuvre de ces « restaurations ». On y découvre une nouveauté qui, elle, sonne beaucoup moins « verte » : la demande d’autorisation normalement obligatoire sur les travaux en rivière y est en effet remplacée par une simple déclaration auprès des autorités, sans limite d’impact ni vraie prise en compte de l’opinion publique. Adieu donc les garde-fous réglementaires ! Que ce soit l’étude d’impact sur l’environnement, les riverains ou les usages, ou encore l’enquête publique et l’information des citoyens – qui permettaient pourtant de protéger ou au moins d’alerter sur la tenue de travaux peu scrupuleux à l’égard des paysages et du patrimoine…

En découvrant ces nouvelles largesses l’association de protection des rivières Hydrauxois n’a pas mâché ses mots, dénonçant une « machine de guerre pour tuer la démocratie des rivières et des bassins versants ». Un cri d’alarme sous forme de long article publié sur son blog et soulignant les dangers de ce décret qui pourrait permettre de « détruire une chaussée de moulin, assécher un bief, un canal ou un étang, effacer un plan d’eau, changer le lit de la rivière » et cela par « simple formalité interne aux administrations, sans lien au public ».

Mais ce n’est pas tout : ce même décret, en affaiblissant ainsi le système de protection des rivières, pourrait, d’un même élan, mettre en danger le patrimoine qui borde nos cours d’eau où en dépendent. Moulins, douves ou bassins, jardins ou fontaines, châteaux d’eaux ou usines, témoins inestimables des relations entre l’eau et les activités humaines au cours des siècles.

Une machine de guerre pour tuer la démocratie des rivières et des bassins versants.

Association de protection des rivières Hydrauxois

Alors comment sortir la tête de l’eau et faire en sorte que le patrimoine ne soit pas le grand oublié à chaque nouvelle politique soi-disant environnementale que nous pond le gouvernement ? Pas simple… Car depuis la loi Elan et ses dispositions relatives à l’urbanisme et à l’éolien, le patrimoine semble être abonné au rôle de dommage collatéral négligeable. Sacrifié sur l’autel de la croissance. Mais surtout d’une dérégularisation à la sauce libérale qui impose de simplifier, raccourcir les procédures, s’affranchir des règles et des normes qui pourraient ralentir l’économie. Nécessaire parfois, quand le poids de la bureaucratie écrase les initiatives, mais incompatible – trop – souvent avec le patrimoine et l’environnement. Bien trop précieux et fragiles pour qu’on les dépouille impunément de leurs remparts réglementaires. Et qui, comme l’expriment mieux que personne les ardents défenseurs de l’association Hydrauxois, « méritent une protection accrue et non une facilitation de leur destruction par des apprentis-sorciers obéissant à des modes sous-informées »

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