Un projet de prison peu populaire au domaine de Lascours

Par Victoire Becker

Date de publication : 25/09/2020

Temps de lecture : 4 minute(s)

En janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme a ordonné la construction de 15 000 places de prison en France d’ici 2027, sous peine de sanctions. Afin de s’y conformer et dans le but de désengorger la prison de Nîmes, la préfecture du Gard a décidé de construire un centre de détenus dans les environs d’Alès, sur le domaine de Lascours.

Dès 2019, à la demande de l’agglomération d’Alès, le sous-préfet du Gard étudie les lieux susceptibles d’accueillir une nouvelle prison. Son choix se porte dans un premier temps sur l’ancien site minier de la ville, mais le projet échoue pour des raisons techniques et économiques. Il opte alors pour le domaine de Lascours, sur la commune de Boisset-et-Gaujac, dont les terres servent aujourd’hui à l’agriculture et la viticulture. Une mauvaise surprise pour ses habitants qui n’apprennent qu’en mai 2020 par une fuite dans la presse qu’une prison accueillant 500 détenus doit être construite sur 15 hectares du domaine.

Les terres de Lascours sont, dans la région, l’un des rares exemples de jardins conçus sur le modèle anglais du XVIIIe siècle, enrichi par l’influence de la bambouseraie d’Anduze, non loin de là. On y trouve, entre autres, une allée de platanes, plantée à la Révolution française et classée « Ensemble arboré remarquable ». Lors de sa visite à l’été 2020, Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Écologie, y a observé des espèces animales et végétales protégées, telles que le lézard ocellé ou l’orchidée de Provence. Ces terres abritent un écosystème fragile qui doit être préservé.

Le domaine de Lascours, ayant appartenu jusqu’à peu aux princes de Croÿ, est un lieu historique. Il abrite des bâtiments datant des XIIIe, XVe et XVIIIe siècles. En 2014, ils ont été rachetés par le galeriste Pierre-Alain Challier et le commissaire-priseur Bertrand de Latour, qui souhaitent y créer un lieu d’échange entre artistes et spécialistes, sur le modèle de la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence. Les archives de l’ancien centre d’art Artcurial y sont installées, des expositions et événements artistiques doivent y être organisés à partir de 2021.

Construire une prison sur le domaine de Lascours nuirait donc premièrement à l’écosystème du lieu, mais aussi à un projet voté par Alès Agglomération visant à mettre en valeur l’image et l’identité du territoire. Cela porterait aussi atteinte au tourisme généré par la région. La prison, qui doit être placée le long du site gallo-romain de Valabiac, redécouvert récemment, créerait des nuisances visuelles et sonores incompatibles avec le développement d’une fondation artistique.

Depuis mai, tout est mis en place pour sauver le lieu. Les propriétaires ont demandé l’inscription du domaine au titre des Monuments historiques, ce qui en théorie empêcherait toute action de l’État. Ils ont fait appel à des grandes figures médiatiques telles que Stéphane Bern qui qualifie ce projet de « calcul politicien révoltant, n’ayant d’autre impact que de ruiner l’économie de la région, son tourisme vert et culturel ». L’association GardonS-Patrimoine-Environnement a été créée dans le but d’informer les habitants de la région et de faire circuler une pétition, signée à ce jour par plus de 3 000 personnes. Le nouveau maire, qui ne partage pas l’avis de son prédécesseur, tente lui aussi de proposer des alternatives. Le combat n’est pas terminé… 

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