Vente aux enchères : sauvetage des diamants royaux de Saint-Malo

Par Juliette Michel

Date de publication : 15/10/2020

Temps de lecture : 3 minute(s)

Le dimanche 4 octobre, le château d’Artigny à Montbazon s’est fait le théâtre d’une vente aux enchères hors du commun. 315 lots étaient présentés lors de la Garden Party organisée par les commissaires-priseurs Philippe et Aymeric Rouillac. Si la vente fut un succès, l’attention de tous était portée sur un unique objet : une boîte à portrait de Louis XIV, ornée de diamants de la couronne et datant de 1695.

Cette commande royale, attribuée au peintre émailleur Jean-Frédérick Bruckmann, avait été offerte par le monarque lui-même au corsaire malouin Alain Porée, fierté de Saint-Malo, en reconnaissance de ses brillantes prises de guerre. Plus proche du pendentif que de la boîte, ce cadeau honorifique présente une double face : un portrait à l’antique du roi en émail moulé au recto, et deux L enlacés se faisant face dans un style presque rocaille au verso. Soucieux de son image publique, le Roi Soleil avait pour habitude d’offrir son effigie à ceux qu’il jugeait méritants.

Le bijou, fort bien conservé, dispose également d’une monture ornée de vingt diamants de Golconde importés d’Inde. Il était jusqu’alors resté dans la famille du corsaire. De cet objet d’une grande préciosité, on ne connaît que trois exemplaires : le premier est conservé au Musée de Bologne, en Italie ; le second a été acquis en 2009 par la Société des Amis du Louvre, où il est actuellement exposé au département des Objets d’art.

Le dimanche 4 octobre, l’ambiance est fébrile au château d’Artigny. Le médaillon est mis à prix à 50 000 euros. Bien que la municipalité de Saint-Malo ait été vivement encouragée à acheter le bijou, c’est Jacky Lorant, entrepreneur malouin s’étant déplacé pour l’occasion, qui lève la dernière main : « Les prix se sont envolés. Pour ma part, je suis d’abord resté dans mon coin, puis j’ai commencé à enchérir à partir de 350 000 euros ». Très vite, les 350 000 se transforment en 450 000. Les enchères se terminent dans un face à face entre l’entrepreneur et un anglais que rien ne semblait arrêter. À 500 000 euros, le silence est complet et le marteau tombe : Adjugé vendu. Le chef-d’œuvre restera à Saint-Malo. Le nouvel acquéreur en parle avec émotion : « C’était un moment intense, extraordinaire. J’ai tout gagné ce jour-là. C’est l’aboutissement de ce que j’ai construit, le point final de ma carrière. »

Ce particulier, très attaché à sa ville, vient de prendre sa retraite et a récemment vendu son entreprise spécialisée dans les projets photovoltaïques ; il a profité de cette rentrée d’argent pour faire l’acquisition du précieux objet pour 620 000 euros frais compris. Longuement applaudi par l’assistance pour cet achat courageux, Jacky Lorant a placé la majeure partie de son capital dans ce joyau de l’Histoire : « Je voulais à tout prix éviter qu’il parte à l’étranger, c’est une merveille qui doit rester dans notre patrimoine. Tout le monde était très heureux et mes proches m’ont soutenu. J’ai dû faire des concessions, je voulais acheter un appartement mais cela attendra. »  Philanthrope, le nouvel acquéreur souhaite faire voyager le bijou dans la région afin qu’il puisse être admiré par tous. Un sauvetage qui aurait sûrement été salué par le corsaire malouin à qui le présent était destiné.   

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