Querelle de route à Florange

Par Victoire Becker

Date de publication : 22/10/2020

Temps de lecture : 4 minute(s)

Le parc et le château de Bétange, près de Florange en Moselle, sont menacés depuis plusieurs années par un projet de construction routière destiné à délester l’axe nord-sud de l’autoroute A31, aussi appelée autoroute de Lorraine-Bourgogne. S’il se fait, ce projet aura des conséquences désastreuses sur le parc à l’anglaise de 65 hectares, son allée de marronniers et sa grille inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques. 

Le château de Bétange et son domaine sont des témoins importants de l’histoire de la grande sidérurgie lorraine. Le nom du lieu date des invasions germaniques des IIIe, IVe et Ve siècles. Cependant, on n’a véritablement de détails sur son histoire qu’à partir du XVIIe siècle. Il passe entre les mains de nombreux propriétaires : Étienne de la Roche-Gyrault au XVIIe, François Bernard au XVIIIe et Louis-Philippe Eugène, comte de Béthune-Pénin, au début du XIXe siècle. En 1834, Victor-François de Wendel et son épouse, ancêtres des propriétaires actuels, rachètent le château. Leur neveu, Théodore de Gargan, en fait l’acquisition en 1856 et donne au lieu son aspect actuel en y installant notamment une statue de la Vierge et un pavillon chinois. 

Situé dans un lieu stratégique, Bétange connaît une histoire mouvementée pendant les deux guerres mondiales. Entre 1914 et 1918, des officiers s’y installent puis il sert de quartier à l’État-major du Corps d’armée colonial en 1939. Il passe ensuite aux mains des Allemands en 1940, puis des Américains en 1944. À la fin de la guerre, le château est rendu à ses propriétaires, Emmanuel et Marguerite de Mitry. 

Le site de Bétange se trouve aujourd’hui menacé par le projet d’autoroute A31bis, qui doit passer dans les alentours de Florange. Parmi les nombreux tracés proposés, trois sont retenus : F4, F4bis et F10. Les tracés F4 et F10 impactent de façon égale le site de Bétange en passant à la lisière du parc, dans le périmètre de protection ISMH, et en coupant l’allée des marronniers. Le tracé F4 coupe également la commune de Florange en deux. Quant au tracé F4bis, l’alternative enterrée du tracé F4, il passerait sous le parc de Bétange et la ville de Florange et apparaît comme le tracé à privilégier. Celui-ci permettrait à la fois de préserver le site de Bétange et la commune de Florange.

Les propriétaires se battent becs et ongles contre ce projet qui, selon eux, serait une pollution sur les plans visuel, sonore et atmosphérique, dans une région déjà très fortement urbanisée. Afin de convaincre les élus et les porteurs du projet, Madame Odette de Mitry, propriétaire actuelle, et ses enfants, Fanny et Philippe Aymer, ont mis en avant deux arguments : la richesse patrimoniale et la préservation de la biodiversité. L’un des tracés passerait à moins de 500 mètres de la grille classée, ce qui s’opposerait à la législation en vigueur. De plus, il détruirait une partie de l’allée d’arbres, longue de 650 mètres et composée de 156 marronniers vieux de 150 ans, portant ainsi atteinte au patrimoine naturel commun. Cette allée accueille une quarantaine d’espèces d’oiseaux et une espèce de chauve-souris protégée.

Devenus en 2020 lauréats du concours « Allées d’arbres », lancé en 2016 par l’association Sites & Monuments, les propriétaires comptent aussi organiser des activités autour du thème de la chauve-souris. Ils critiquent le choix de l’État qui privilégie la solution routière sans envisager de moyens de transport alternatifs, dans un environnement déjà très pollué. Une pétition, signée par plus de 1 300 personnes, circule, demandant la sauvegarde du site.

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