Bâtie sous l’égide des moines bénédictins de l’abbaye Saint-Aubin d’Angers au XIe siècle, l’église Saint-Jean-Baptiste domine la ville de Château-Gontier, en Mayenne. En 1940, suite à la découverte de peintures murales datant de l’époque romane dans la nef et le transept, l’édifice est classé Monument historique pour la seconde fois, ayant subi un premier déclassement pour modifications outrancières au XIXe siècle. Aujourd’hui, les fresques qui font la singularité de l’édifice ont retrouvé leur aspect d’antan, après une longue restauration achevée en octobre 2019.
Les moines de la fin du XIe siècle ont sans doute fait appel à l’un des plus grands artistes de leur époque pour réaliser ces fresques, parmi les plus grandes œuvres de l’époque romane.
Les illustrations sont réparties en deux catégories. La première, constituée de personnages et de scènes, concerne le décor figuré ou historié. C’est à travers lui qu’est transmis la majorité des messages. La seconde se rapporte au décor ornemental, dont le rôle est de souligner les lignes de force de l’architecture, mais aussi de structurer l’ensemble des décors. L’axe faîtier de la voûte et les arcs doubleaux sont ainsi ornés de motifs inspirés du monde végétal et de figures géométriques.
Réservé aux moines, le décor historié se concentre uniquement dans les parties auxquelles ils avaient, seuls, accès : le chœur et le transept. La nef servait alors d’église paroissiale, les deux communautés ne pratiquant pas les mêmes rites dévotionnels.
Les scènes peintes dans l’église Saint-Jean-Baptiste présentent aujourd’hui de nombreuses lacunes. Elles sont moins intenses, du fait de l’érosion qui a amoindri l’épaisseur des couches picturales, elles ont perdu en partie leurs détails, et leurs couleurs se sont ternies.
Si ces décors possèdent plusieurs niveaux de lecture, ils racontent d’abord une histoire. Dans le bras nord du transept, les peintures représentent le cycle de la Faute (de la création du monde à la malédiction de Caïn), le Massacre des Innocents, la Déposition de croix, le martyre et la mort de sainte Catherine. Les scènes peintes dans le bras sud du transept relatent les histoires de Noé, Moïse, Abraham et le cycle du Jugement dernier. Au sommet de la voûte, on découvre l’histoire de Noé telle que racontée dans la Bible, depuis l’ordre donné par Dieu de construire l’arche jusqu’à la plantation de la première vigne. Les scènes se suivent en formant une boucle, démarrant et finissant côté ouest. La construction de l’arche et la représentation de celle-ci flottant sur les eaux du déluge sont les mieux conservées. De la première scène, il ne subsiste plus que la figure de Dieu et de la dernière, Noé avec son fils plantant le bâton dans la terre qui donnera le premier cep de vigne.
Les images sont construites dans un langage où la vision naturaliste n’a pas lieu d’être. L’image romane a de l’épaisseur, mais pas de perspective. Qu’importe que Noé soit plus grand que l’arche qu’il construit, qu’importe que ses pieds soient dans le bateau et son torse devant le toit, la représentation séduit et transmet un message.
Christ en gloire et Tétramorphe, portail occidental de l’église. Détail des chapiteaux ornant les côtés du portail occidental de l’église. Au-dessus du portail occidental, les modillons sont sculptés de différents motifs, inspirés de la flore et de la faune et figurant pour certains des créatures fantastiques ou des motifs géométriques.
Parfois, plusieurs moments de l’histoire sont condensés en une illustration. Ainsi, l’arche flottant sur les eaux présente à la fois le déroulement du déluge dans lequel les derniers hommes essaient de survivre et la fin de la punition divine, signifiée par le retour vers Noé de la colombe tenant un rameau dans son bec.
L’organisation des images répond aussi à des besoins symboliques et liturgiques. Elle sert de support à la mémoire et à la méditation des moines. Le déluge est une figure du baptême et son histoire est lue au cours de la célébration de la veillée pascale, sommet de l’année chrétienne.
La technique de la fresque donne l’illusion d’œuvres éternelles. En réalité, le climat humide, l’usure du temps et l’intervention de l’homme participent à leur fragilité. Ces images vieilles de 900 ans sont parvenues jusqu’à nous après avoir subi divers accidents, un incendie et bénéficié de deux restaurations.
La dernière campagne, engagée en 2015, s’est achevée en 2019. Elle a été financée par l’État (Drac), la région Pays de la Loire, le département de la Mayenne et la ville de Château-Gontier. Dans le transept, des bornes interactives offrent désormais aux visiteurs un nouveau regard sur les peintures murales restaurées. Une modernisation pédagogique et didactique essentielle à la bonne compréhension de l’ensemble du programme pictural. Tout est désormais fait pour que le visiteur admire et comprenne ces chefs-d’œuvre du passé.
Pour découvrir l’intégralité de notre dossier Mayenne, procurez-vous le magazine VMF n° 294 de novembre 2020 ici.
