Chacun est libre de penser ce qu’il veut de l’efficacité de ceux qui nous gouvernent, tout autant que de leurs choix stratégiques face à la Covid. Il est néanmoins certain que la troisième vague, d’abord écartée, puis redoutée, finalement inévitable, approche. Pour s’en protéger, il semble qu’il n’y ait que deux solutions : le confinement et/ou le vaccin.
D’après Europe 1 (entre autres), le gouvernement travaille sur un scénario de re-confinement, sans doute annoncé dans quelques jours, pour une entrée en vigueur à la fin du mois.
Le confinement n’a pourtant pas que des conséquences économiques. Une autre vague, tel un tsunami, fond sur nous : la dépression. Une vague « inédite par son ampleur » : « 20 % des Français ont des pensées suicidaires », précise même Damien Le Guay, citant la Fondation Jean-Jaurès. Selon le philosophe, « la vraie pandémie est celle de la dépression accentuée par les confinements et la crise économique ». 15 millions de Français seraient en dépression, 13 millions avec des pensées suicidaires, un français sur cinq, des chiffres inédits, une catastrophe aux effets dévastateurs difficilement mesurables (et pas uniquement pour les individus touchés).
Comme le dit le philosophe et écrivain Fabrice Midal dans une série de webinaires récemment postée, « Qu’est-ce qui est essentiel ? », « l’essentiel » ne se réduit pas à ce qui permet à la vie au sens biologique de se maintenir. « Nous sommes aussi des êtres sentant, qui ont à choisir, à prendre des décisions (…), aussi marqués par une dimension de pensée et une dimension symbolique. Ces trois dimensions sont toutes aussi indispensables l’une que l’autre. On ne peut en couper une sans couper l’intégrité de notre existence humaine. » Nous sommes des êtres de relation qui avons besoin de liens, de contacts, de lumière, d’air, de marcher, d’échanger. « L’essentiel, ajoute Fabrice Midal, n’est pas ce qui sert effectivement, économiquement, mais tout ce qui nous préserve dans notre humanité, tout ce qui fait que l’on n’est pas ramené à un robot, à une force de production économique, à une ligne de tableau Excel. »
Chacun de nous possède des « choses essentielles », parfois accessoires pour d’autres, pourtant loin d’être futiles. Ainsi, se maquiller, s’habiller le matin, dire bonjour, regarder le lever du soleil illuminer un monument, contempler le givre recouvrir les prés, lire, marcher, écouter de la musique, grandir, interroger le monde, voir des œuvres d’art, etc. concourent à avoir une image plaisante de soi, à avoir de bons rapports avec les autres, à faire de nous des humains, à tenir en temps de crise.
En cela, la Covid – et ses effets dévastateurs sur notre santé mentale – met très clairement en évidence la nécessité de la culture pour les personnes et les communautés. « La culture est le lien qui nous unit, elle est un ciment qui réduit la distance qui nous sépare et permet de recréer un sentiment de cohésion et de solidarité dans l’adversité. La culture apporte du réconfort en période d’anxiété et d’incertitude » rappelle Ernesto Ottone, sous-directeur général pour la culture de l’Unesco. La culture est capitale pour mettre du bon, du beau, de la sérénité dans la vie de chacun, elle est tout simplement indispensable à la vie, elle est indispensable pour l’être humain. Sans culture, l’être dépérit.
Aussi est-il sidérant de demander à chacun de vivre « biologiquement » tout en l’écartant de ce qui lui permet d’être. Interdire de visiter un musée, un monument, de baguenauder dans un jardin, de visiter une vieille demeure, ne coupe pas uniquement le patrimoine de ses revenus, mais de tous ces yeux qui le regardent, des pas qui parcourent ses allées, de cette vie – plus ou moins grouillante – qui, par réciprocité, lui donne aussi la vie.
Cette décision globale est d’autant plus absurde – la généralisation aveugle est toujours un drame – qu’elle exclut tous ces « cas par cas » – et ils sont nombreux – où il serait possible d’accueillir du public, et par là-même, de conserver cette bouffée d’oxygène et « d’essentiel » dont chacun a absolument besoin.
À l’instar des Italiens qui ré-ouvrent certains musées, il est grand temps de permettre aux propriétaires – public ou privés – de monuments, de belles demeures, de jardins remarquables ou autres de rouvrir leurs portes (responsabiliser plutôt qu’infantiliser). La raison principale n’est pas économique mais parce que cela contribuerait à lutter (sans coûts pour la sécurité sociale !) contre la dépression, la morosité, la terrible vague à venir.
Surtout pour nous permettre de nous ré-ancrer dans la terre, dans la pierre, dans le rêve et la réalité, simplement pour que l’on redevienne humain.
Le patrimoine aussi est « essentiel »… surtout en ces temps difficiles.