Château de Vauchelles : la logistique se heurte au patrimoine

Par Juliette Michel

Date de publication : 17/02/2021

Temps de lecture : 5 minute(s)

C’est un conflit comme on en connaît beaucoup : d’un côté, une entreprise et sa volonté d’expansion, de l’autre, une association de riverains. Aujourd’hui, dans les Hauts-de-France, c’est la société JJA Easy Logistique qui fait face à l’Association pour la défense et la sauvegarde du patrimoine de Domart-en-Ponthieu. L’objet du désaccord ? La construction d’un site industriel au cœur de la Somme, comprenant un immense entrepôt et dix tours culminant à 46 mètres de hauteur.

La société JJA Easy Logistique, spécialisée dans le transport et le stockage de produits, s’est implantée entre les communes de Moufflers et de Flexicourt en 2017 avec la mise en fonction d’un centre logistique. Cette plateforme, qui comprend de nombreux bureaux, ainsi que de larges zones de stockage, de charge et de décharge, n’est en réalité que la première phase d’un chantier titanesque, qui inclut une extension – extension plus importante que le projet original, puisqu’il s’agit de la construction d’un entrepôt de 72 000 mètres carrés et de 10 tours de 46 mètres de hauteur. Les nouveaux bâtiments, cette fois-ci entre les communes de Moufflers et de l’Etoile, serviraient au stockage de produits d’origine asiatique, acheminés ensuite vers le reste de la France. Le chantier serait particulièrement long puisqu’il s’étalerait de la fin de l’année 2021 à l’année 2027.

Après avoir ouvert une enquête publique, les élus locaux et la communauté de communes Nièvre et Somme se sont prononcés favorablement au chantier… au grand désespoir de nombreux riverains de la Zac des Hauts Plateaux, où le site est censé s’élever.

Tout d’abord, une telle installation serait une véritable nuisance visuelle et sonore dans le paysage de la Somme. Parmi les réfractaires au projet, les propriétaires du château de Vauchelles, situé à quelques centaines de mètres du futur chantier, qui plaident pour l’abandon pur et simple du chantier. Et pour cause ! Les tours entreraient dans le cône de visibilité du château, s’ajoutant aux éoliennes déjà présentes à proximité du site. Un embarras de plus pour les propriétaires, qui voient leur paysage se dégrader progressivement. Cela pourrait nuire à la réputation et à la fréquentation du domaine, qui accueille régulièrement des mariages et des séminaires d’entreprise, ajoutant ainsi sa pierre à l’édifice de l’économie locale. Un coup de grâce pour ces campagnes, déjà enlaidies par la première phase du projet qui avait réquisitionné 32 hectares de terres agricoles. Doit-on sacrifier le calme et la beauté de la vallée de la Nièvre, qui se bat pour attirer les touristes ?

Une telle nuisance visuelle aurait également un impact sur les paysages forestiers alentours : le bois des Dames, le bois Melan… sans parler de la faune locale qui ne pourrait que subir les conséquences d’une telle exploitation. Enfin, en plus de la pollution visuelle qu’engendrerait une telle construction, le risque de pollution sonore est évidemment à prendre en compte. Le projet augmenterait la circulation et les allers et venues de gros véhicules et de poids-lourds, sur l’autoroute mais aussi sur les petites routes de campagne pour rejoindre le site logistique.

De plus, la question de la légitimé de cette extension se pose. Pour René Lognon, président de la communauté de communes, une telle installation permettrait de redynamiser le territoire qui, il faut bien l’avouer, en aurait cruellement besoin. Sur le papier, le site devrait être créateur de 300 nouveaux postes. Un facteur non négligeable pour une région qui souffre d’un manque de valorisation. Mais un point noir subsiste dans le business plan de la compagnie : les tours de JJA seraient totalement mécanisées et robotisées. Difficile d’imaginer la création d’autant d’emplois dans des conditions pareilles… Si la scarification du paysage au profit de l’économie locale est monnaie courante en France, l’incohérence du discours de JJA pose question.

Un tel projet serait-il pertinent pour la région, s’il ne peut être créateur d’emplois ? Pourquoi les campagnes devraient-elles payer le prix de l’ambition démesurée des grands groupes ? Le développement économique doit-il se faire au mépris des paysages et du patrimoine ? Le permis de construire n’étant pas encore signé par la Préfecture, l’espoir reste permis pour les les riverains mobilisés et les propriétaires du château de Vauchelles.

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