L’atelier-musée de l’éventail menacé

Par Victoire Becker

Date de publication : 09/03/2021

Temps de lecture : 4 minute(s)

L’atelier Hoguet-musée de l’Éventail est un bâtiment historique du 10e arrondissement de Paris. Géré par la famille Hoguet depuis sa création, il contient une collection exemplaire de plus de 2 500 éventails, ainsi que des fonds d’ateliers. Cependant, depuis quelque mois, Elogie-Siemp, bailleur social de la ville de Paris, souhaite le faire démolir pour le transformer en logements.

Tout commence en 1960, lorsque Hervé Hoguet, fils du tabletier Joseph Hoguet Duroyaume, rachète le salon d’exposition créé en 1893 par Lepault & Deberghe, successeurs de la Maison Kees, une célèbre maison d’éventaillistes. En faisant cela, il fonde un atelier de création d’éventails autonome, réunissant les métiers de tabletier (qui fait la monture de l’éventail) et d’éventailliste (qui habille la monture). Lieu unique, l’atelier devient, en 1993, un petit musée composé de quatre salles. Le vestibule présente l’iconographie des premiers éventails. Les deux salles qui suivent décrivent le métier du tabletier et le métier de l’éventailliste. Enfin, le promeneur termine sa visite dans une salle de style Henri II, classée au titre des Monuments historiques depuis 2004.

Ce musée sert encore d’atelier. Anne Hoguet, responsable actuelle du lieu, y restaure les éventails de ses clients : musées, particuliers ou grands noms de la mode. Chaque restauration lui rapporte entre 500 et 600 euros, ce qui permet de compléter son chiffre d’affaires, principalement constitué grâce aux visites de clients venus du monde entier.

Mais le musée traverse aujourd’hui une période difficile. Anne Hoguet n’a pas les moyens financiers de faire une restauration, devenue indispensable. Par mesure de sécurité, par exemple, l’atelier ne peut désormais être visité que sur réservation. 

La crise sanitaire n’a rien arrangé : la fermeture obligatoire de tous les lieux culturels a privé le musée de l’essentiel de ses ressources. Peu de visiteurs sont venus en 2020 et la clientèle internationale est totalement inexistante. De plus, les clients habituels sont partis dans leur demeures provinciales, ce qui a considérablement réduit le nombre de commandes.

Profitant de la situation précaire du lieu, son bailleur, Elogie-Siemp tente de faire déloger le musée. Le 23 décembre 2020, il demande à Anne Hoguet de payer plus de 117 000 euros d’arriérés de loyers avant le 23 janvier, avec menace d’expulsion et de saisie de biens.

Anne Hoguet a lancé une cagnotte Leetchi afin de lever 130 000 euros et une pétition circule, demandant une renégociation avec le bailleur, l’engagement de ce dernier à ne pas saisir la collection, un apport d’aide au musée dans sa recherche de fonds et l’assurance de la pérennisation du lieu. La nouvelle traverse l’Atlantique et des journaux américains s’emparent de l’histoire – grâce à eux, de nouveaux dons sont envoyés au musée –, tandis que l’Unesco demande également le sauvetage de l’institution. La mairie de Paris est parvenue à négocier un sursis au-delà du 23 janvier afin de gagner du temps pour trouver une nouvelle solution. Lors d’une réunion, le 5 février, elle a aussi proposé une relocalisation du musée.

Malgré le refus total de coopération de la part d’Elogie-Siemp, rien n’est encore perdu, la Ville de Paris n’est pas au bout de ses ressources et la cagnotte a déjà collecté plus de 45 000 euros…

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