Récente acquisition du département de Seine-Maritime, la demeure de Ferdinand Marrou (1836-1917), située en plein cœur de Rouen, accueillera jusqu’au 14 novembre 2021 (selon les réglementations sanitaires) l’exposition « Madame rêve en Bovary ».
La demeure de ce ferronnier d’art fut conçue comme une vitrine de sa réussite en affaires et de son savoir-faire. Pari réussi : l’abondance des éléments décoratifs de cette maison bourgeoise du XIXe siècle attire encore sur elle les regards des visiteurs et des rouennais.
Derrière l’imposante grille en fer forgé qui borde la rue Verte, se dresse une architecture d’une prodigieuse richesse. Sans nul doute, cette demeure est l’œuvre d’un artisan ferronnier de talent. Autodidacte, nous devons notamment à Ferdinand Marrou, les clochetons de la cathédrale de Rouen et les épis de la toiture du Gros-Horloge, deux monuments emblématiques de la Haute-Normandie.
Sa demeure, classée au titre des Monuments historiques depuis 1985 est émaillée d’une myriade d’ornements. Le balcon en corbeille forme un réseau de tiges enroulées et fleuries qui accueillent une baie en plein cintre et, au-dessus de l’imposte, trône une allégorie du travail du fer. Adepte de la technique dite des « métaux repoussés », consistant à travailler à froid le métal par emboutissage en repoussant les reliefs, puis en faisant ressortir les formes, le maître ferronnier en a orné son logis.
Pour l’historien de l’art Claude Mignot, cet ouvrage nous invite à « retrouver le goût de la citation et de l’évocation, des réminiscences historiques et des associations affectives ». Et quelles évocations ! La façade, pastiche des demeures de la Renaissance, accueille deux bustes d’Hermès supportés par des cariatides. C’est cet art de l’éclectisme qui en fait une bâtisse typique du XIXe siècle rouennais. Pour conserver son originalité, Ferdinand Marrou a déployé toute une grammaire de styles, de formes et de figures. L’aménagement intérieur est l’œuvre de l’architecte Emile Janet, la statuaire du lauréat du concours des Beaux-Arts de Paris de 1880 Alphonse Guilloux et le travail des reliefs de menuiserie est le legs d’Onésime Goeffroy.
Mais il ne faut pas s’y tromper. Derrière cet abondant décor se cache une maison bourgeoise traditionnelle construite en brique industrielle et reprenant le bois sculpté des bâtisses du XVIe siècle. Cette typicité fait de la maison Marrou un lieu privilégié pour l’exposition « hors les murs » organisée à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert. Intégrant le roman Madame Bovary dans la matérialité contemporaine, cette exposition est un projet littéraire (d’abord), mais aussi patrimonial. Elle nous donne à voir les décors de la paysannerie enrichie du Pays de Caux, ceux de la petite bourgeoisie rurale industrieuse et des sociétés aristocratiques, grâce aux impressionnantes collections du musée des Traditions et Arts normands.
« Madame rêve en Bovary », chez Ferdinand Marrou, c’est ici.