Faire vivre l’absence : la disparition de l’hôtel des gens de mer à Lavéra

Par Margaux Delanys

Date de publication : 16/04/2021

Temps de lecture : 3 minute(s)

De l’hôtel des gens de mer du port pétrolier de Lavéra, seules trois lettres d’un métal brun subsistent. Pour l’architecte-urbaniste Sophie Bertran de Balanda, il y a bien plus à glaner : petites histoires dans la grande, l’auteure est allée à la rencontre des traces, matérielles et affectives, se disputant avec l’oubli.

Entre les torchères d’un site pétrochimique et les fumées de la sidérurgie, un jardin grandit et vient recouvrir des parcelles anciennement habitées. Pour l’auteure, la meilleure manière de découvrir un paysage, c’est encore à pied. Et s’il s’agit d’un site industriel ? Qu’à cela ne tienne ! Armée de son appareil photo, de sa boîte d’aquarelles et de son petit pinceau, Sophie Bertran de Balanda vient retracer la vie du port pétrolier de Lavéra. C’est aux confins du bassin méditerranéen, du golfe de Fos, de l’étang de Berre et du rade de Marseille qu’il s’étend, sur près de 70 kilomètres de côte.

Le site industriel est observé depuis les souvenirs d’un petit hôtel, celui des Gens de mer. Il a vu le jour en 1960 grâce à l’imagination de l’architecte marseillais André Marie Guez. Pendant plus de 40 ans, il a accueilli les marins de tous horizons en escale, des visiteurs de passage, des mariages, les hommes du port et leurs familles pour un repas ou encore une joyeuse troupe d’acteurs en tournage du Temps de Vivre.

Sophie Bertran de Balanda, depuis une enquête aussi obstinée qu’émouvante de plus de dix ans, se fait la guide d’un monument disparu. Comme un pied de nez à sa destruction, le flot d’acteurs qui l’ont fait vivre se rassemblent au gré des pages, « par ordre d’apparition » ! Ce journal de bord conserve désormais les traces du foyer maritime, des petits morceaux gris et bleu des salles de bains aux carrés de pâte de verre rouge qui décoraient ses balcons.

« – Ça sent le bon air ici.
– Non ça sent le pétrole.
– Ça sent pas le pétrole, ça sent le boulot. »

Toni, Jean Reno

En filigrane de cette balade poétique, l’architecte nous embarque dans l’histoire du port de Fos-sur-Mer, l’industrialisation de l’étang de Berre et l’évolution des représentations sur ce qui était en 1966 « sa majesté le pétrole ».

Pour vous procurer le livre :
HOT.. le jardin des gens de mer, histoire d’une disparition, par Sophie Bertran de Balanda, Éditions Parenthèses, 224 pages, 28 €

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