Laure Quoniam et la poétique de l’espace

Par Isabella Loconte

Date de publication : 23/04/2021

Temps de lecture : 5 minute(s)

La paysagiste de renom Laure Quoniam nous livre un récit personnel qui retrace la genèse de sa vocation et l’évolution de sa carrière. Reconsidérant ses multiples réalisations et révélant les singularités de chaque projet, l’auteure nous fait découvrir les coulisses de ce métier fascinant, à la frontière entre architecture et nature, qui demande à la fois passion et précision.

À la fin de ses études d’architecture, Laure Quoniam découvre l’art du paysage. Le désir de créer par les éléments de la nature s’impose à elle comme une évidence. Elle part alors aux États-Unis, lieu de naissance du land art, pour se former à l’université de Harvard où elle suit des enseignements précurseurs en aménagement du territoire par le paysage. Leur approche synthétique, alliant architecture et géographie, a contribué à faire d’elle une figure pionnière dans son domaine.

De retour en France dans les années 1990, son travail se concentre initialement sur la création de jardins de particuliers. L’art du jardin est pour un elle un art de transposition : une forme de traduction spatiale et matérielle des désirs intimes de ses commanditaires. Orchestrant non seulement la matière végétale, mais aussi les lumières, les couleurs et les transparences, Laure Quoniam apprend à concevoir des espaces pouvant exprimer leur poésie singulière.

Pour la créatrice, il ne s’agit pas tout simplement de « planter », mais de créer une ambiance par les éléments de la nature, y compris l’eau, le ciel, le vide… Le paysage ne se réduit pas à la plante – même si elle en est certainement le symbole –, il est volumes, circulation, respiration…

Ses projets dépassent rapidement la sphère des jardins privés pour toucher à une diversité d’échelles et de sujets, reflétant son talent et sa polyvalence. En 1989, celle qu’elle appelle une « commande miraculeuse » la rendra célèbre. La réhabilitation du pont du Gard, sa première mission d’aménagement public, fut une entreprise d’envergure, source de joies et de souffrances, qui occupa douze ans de sa vie. L’ampleur de la mission nécessita la création d’une équipe, ce qui marquera les débuts de son agence. Depuis, elle a réalisé plus de 300 études et aménagements paysagers, privés et publics, en France comme à l’étranger. Le dernier projet en date, lui aussi de longue haleine, est la réhabilitation des jardins du château d’Ancy-le-Franc, joyau de la Renaissance en Bourgogne, qui a été couronnée en 2019 par le prix des Victoires du Paysage dans la catégorie « Patrimoine ».

La grande ambition de cette créatrice est celle d’élever l’art du paysage au même rang que celui de l’architecture et de l’urbanisme, et de créer une place pour une réelle réflexion autour des enjeux de l’aménagement des espaces naturels – trop souvent relégués à une fonction de remplissage. Son combat a porté ses fruits.

Au fil des réalisations, le lecteur devine l’évolution de ce métier, intimement lié aux conceptions urbanistiques et aux tendances des époques. Laure Quoniam a fait du paysagisme un art fort, qui se différencie de la simple décoration : quelque chose de profond y est dit. Cette vision inspirée et engagée de la création de lieux à vivre promeut une valorisation et une interprétation unique de chaque site, aussi petit ou vaste soit-il, en harmonie avec son histoire passée, son essence propre et sa fonctionnalité future.

Avec Le Champ d’en face, l’auteure nous offre une rétrospective de son parcours personnel et professionnel, où chaque projet est évoqué comme un souvenir intime, raconté comme une confidence. Des réflexions sur les motivations de la création paysagère, l’esprit des lieux et les principes de l’aménagement enrichissent ce journal passionnant. Joliment illustré de nombreuses photographies, de croquis et d’aquarelles de l’auteure, cet ouvrage séduit les connaisseurs et tous les lecteurs désireux de découvrir les secrets du paysagisme à travers une figure devenue emblématique.

Pour vous procurer le livre :
Le Champ d’en face, par Laure Quoniam, Éditions Gourcuff Gradenigo, 208 pages, 26 €

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