Le 5 mai prochain, l’Assemblée nationale débattra sur le premier pilier de la prochaine Pac (Politique agricole commune), avant la remise d’un arbitrage quant à l’architecture de sa déclinaison française. Cette étape déterminera notre modèle agricole et alimentaire des dix prochaines années.
Parmi les acteurs engagés sur ce sujet, l’Association française arbres champêtres et Agroforesteries (Afac-Agroforesteries), qui se mobilise pour faire entendre la cause de l’agroforesterie. Objectif : « qu’une partie du budget de ce dispositif des écorégimes puisse servir à rémunérer les agriculteurs qui ont fait le choix d’intégrer l’arbre, la haie et les infrastructures agroécologiques en général dans leurs systèmes de production, pour reconnaître l’importance de ces services rendus par les agriculteurs et encourager ces pratiques dans la durée. »
Explication d’un enjeu crucial.
La future Pac 2023-2027 a été adoptée le 23 octobre 2020 par l’Union européenne. Son règlement prolonge les règles de la période précédente (2014-2020), tout en incluant « de nouveaux éléments visant à intégrer des ambitions écologiques plus élevées et à assurer une transition en douceur vers le futur cadre de la Pac, comme indiqué dans les propositions de la Commission. »
Ces propositions, explique la Commission européenne, ambitionnent « de favoriser un secteur agricole durable et compétitif pouvant apporter une contribution significative au pacte vert pour l’Europe, en particulier en ce qui concerne la stratégie « de la ferme à table » et la stratégie en faveur de la biodiversité », et plus particulièrement à :
- « garantir des conditions équitables et un avenir économique stable aux agriculteurs ;
- établir des ambitions plus élevées en matière d’environnement et d’action pour le climat ;
- maintenir l’agriculture au cœur de la société européenne. »
Pour atteindre ces objectifs, l’Europe a défini neuf objectifs spécifiques :
- assurer un revenu équitable aux agriculteurs ;
- accroitre la compétitivité ;
- rééquilibrer les pouvoirs dans la chaine d’approvisionnement alimentaire ;
- agir contre le changement climatique ;
- protéger l’environnement ;
- préserver les paysages et la biodiversité ;
- soutenir le renouvellement des générations ;
- dynamiser les zones rurales ;
- garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé.
Le détail des nouvelles mesures pourrait laisser penser que la nouvelle Pac marquera un véritable renouveau pour l’agriculture européenne. Notamment, l’introduction partielle d’éco-dispositifs favorisant la mise en pratique du « green deal », par lesquels les agriculteurs dont les méthodes protègent le climat obtiendront un surplus de rémunération.
« Occasion ratée ou début d’un renouveau agricole ? », s’interroge Ernst Stetter. La Commission se félicite, mais les militants écologistes et les défenseurs de l’environnement sont déçus. Il faut reconnaitre que si des efforts sont indéniables, la future Pac reste assez semblable à la précédente et loin de répondre à l’urgence qui frappe à notre porte.
La participation au dispositif cité plus haut, par exemple, sera volontaire et non imposée.
« Comme si souvent au sein de l’Union européenne, résume finement Stetter, un compromis a été trouvé autour du plus petit dénominateur commun, et ses négociateurs en ont profité pour estimer que celui-ci venait de permettre de réaliser d’ambitieux progrès. (…) Cet accord démontre, une nouvelle fois, la façon dont l’UE est prisonnière de ses contraintes et contradictions internes. Si elle se fixe des objectifs de plus en plus ambitieux pour régler des problèmes aussi complexes et importants que l’avenir du modèle agricole, la lutte contre le changement climatique, la préservation de l’État de droit ou encore la résolution de la crise du coronavirus, force est de constater que les résultats laissent à désirer : malgré l’urgence à agir collectivement et la proclamation de grandes avancées décisives, lorsque l’Europe progresse, c’est en réalité en faisant des petits pas. »
La bataille n’est cependant pas terminée. L’Union fixe les paramètres principaux (objectifs de la Pac, exigences de base, principaux types d’intervention), mais les États membres conçoivent les plans stratégiques pluriannuels en vue d’atteindre les objectifs spécifiques et chiffrés arrêtés en commun. C’est donc à chaque État membre d’élaborer un plan stratégique national (PSN-Pac) définissant les modalités de mise en œuvre de la Pac à l’échelle nationale en couvrant les deux piliers de la Pac :
- les aides directes aux agriculteurs et les outils concourant à l’organisation commune des marchés ;
- les aides au développement rural (environnement, qualité, bien-être des animaux, installation des jeunes agriculteurs, régions fragiles).
Au niveau français, les débats s’ouvrent le 5 mai.
L’adaptation des systèmes agricoles au changement climatique n’est plus une option mais une impérieuse nécessité. Dans le domaine particulier de l’arbre, la dynamique est largement défavorable : chaque année, les haies régressent de 11 500 kilomètres alors que nous devrions, pour atteindre les engagements de la France pris lors de l’accord de Paris à la COP21, avoir doublé le linéaire existant d’ici 2050. « Il n’est pas possible d’attendre dix années de plus sans agir, s’insurge l’Afac, alors tous les indicateurs sont dans le rouge et que nous disposons des leviers qui permettraient de rendre notre agriculture plus performante, plus rémunératrice pour les agriculteurs et plus écologique. Nous ne pouvons pas nous limiter à quelques petits pas ou à des mesures symboliques. »
L’Afac défend une série de propositions techniques pour une Pac favorisant le maintien, la gestion durable et le développement de l’arbre et de la haie, autour de cinq grands principes : reconnaitre le choix de l’arbre et de plus le pénaliser, assurer la durabilité des infrastructures arborés sur le long terme, valoriser une agriculture qui fonctionne avec l’arbre, accompagner les évolutions. Leur mise en œuvre permettrait :
- d’améliorer la productivité globale des fermes, de diversifier le revenu des agriculteurs par des production directes (bois d’œuvre, bois énergie, plaquettes valorisables en litière pour les animaux, ressources fourragères, fruits, etc.), une résilience renforcée de leurs systèmes de production face au dérèglement climatique et de contribuer à l’attractivité et à l’économie des territoires avec des filières durables génératrices d’emploi non délocalisables ;
- d’accroitre la performance environnementale et territoriale des fermes (carbone, bien-être animal, biodiversité, paysage, qualité de l’eau, etc.).
L’association invite ainsi chaque citoyen à interpeler ses élus pour qu’ils se positionnent dans les débats à venir (courriers type, argumentaires et kit de mobilisation sont disponibles sur leur site).
Il faut donner aux agriculteurs les moyens de prendre un virage agroécologique : il en va de la protection de la biodiversité, du renforcement des services écosystémiques, de la préservation des habitats et des paysages.
Nous avons encore une chance d’être au rendez-vous de l’Histoire. Ne la ratons pas !