Publié au mois d’avril 2021, cet ouvrage collectif est une invitation à redécouvrir l’œuvre d’André Le Nôtre (1613-1700). À rebours de l’image froide du jardin classique, de l’expression d’une perfection formelle, la pensée du dessinateur des jardins de Louis XIV trouve aujourd’hui bien d’autres échos.
Les thèses de doctorat et récentes monographies ont forgé une image renouvelée du paysagiste français. André Le Nôtre, fils et petit-fils de jardiniers, a appris le dessin auprès du peintre du roi Simon Vouet, la sculpture ou encore l’architecture aux côtés de François Mansart, connu notamment pour son château de Maisons-Laffitte. Une formation pluridisciplinaire qui s’illustre dans ses croquis et ses réalisations. Rien d’étonnant alors, selon Jean-Pierre Le Dantec, que son œuvre « outrepasse amplement les limites étroites du jardin et constitue la matrice de tout un courant de l’urbanisme et de l’aménagement territorial, depuis le XVIIIe siècle jusqu’à nos jours ».
Comment se référer à Le Nôtre aujourd’hui ? Des œuvres de Christo à la réparation d’un vieux moulin, en passant par le terrassement d’une friche aéroportuaire à Munich, les principes de constitution des jardins d’André Le Nôtre ont nourri de multiples regards sur les paysages. Au travers de leurs propres réalisations, architectes, urbanistes, paysagistes, artistes ou chercheurs viennent témoigner de l’héritage de ce grand « jardinier ».
Les premières lignes sont l’occasion, pour le concepteur Jacques Coulon, de revenir sur le parc de Versailles pour mettre en lumière la pièce maîtresse du lieu : l’esplanade. L’architecte-paysagiste et docteur de l’École des hautes études en sciences sociales Anne Fortier-Kriegel poursuit : « le centre de sa composition est l’esplanade emplie de monde, à l’image du forum antique, et non pas le château, symbole du pouvoir royal ».
Au fil des pages, nous recevons avec émerveillement les leçons tirées des principes de composition des jardins de Le Nôtre. Pour l’hydrologie, nous accompagnons tour à tour Michel Pena dans ses rêves d’eau, Rainer Stange dans la rénovation d’une cité universitaire à Oslo et Pascal Cribier dans sa reconfiguration du jardin des Tuileries et de son bassin. Jouant entre l’eau bouillonnante et l’eau apaisée, Le Nôtre utilise à loisir les miroirs d’eaux, reflétant la lumière et réfractant les éléments. Il a su tisser une véritable pensée cosmologique : l’eau, mais aussi le ciel et la terre, sont pour lui autant d’éléments qui composent le jardin.
Cet ouvrage est un cheminement ; celui de la compréhension de l’art des lieux, compris tantôt comme paysages intermédiaires, tantôt comme intégrateurs. Loin d’être anachroniques, ses pages sont à lire comme une réactivation des interrogations du paysagiste de Louis XIV, donnant à voir une créativité renouvelée et inspirée !
Pour vous procurer le livre :
Paysages. L’héritage de Le Nôtre, sous la direction de Michel Audouy et Chiara Santini, Actes Sud, 336 pages, 36 €