Plein les yeux #5 : le château de Voltaire

Par Isabella Loconte

Date de publication : 25/06/2021

Temps de lecture : 5 minute(s)

Afin de pouvoir continuer à vous émerveiller et à vous cultiver où que vous soyez, VMF et PAJ vous proposent des visites virtuelles de lieux d’exception. Le patrimoine vient à vous !

« C’est un vallon terminé en face par la ville de Genève, qui s’élève en amphithéâtre. […] À droite est le lac de Genève ; au delà du lac, les prairies de Savoie ; tout l’horizon, terminé par des collines qui vont se joindre à des montagnes couvertes de glaces éternelles, éloignées de vingt-cinq lieues, et tout le territoire de Genève semé de maisons de plaisance et de jardins. Je n’ai vu nulle part une telle situation ; je doute que celle de Constantinople soit aussi agréable. » C’est ainsi que Voltaire décrit la vue depuis les fenêtres de son château de Ferney, dans le département de l’Ain, tout près de la frontière suisse.

Voltaire doit quitter la cour de Prusse après s’être disputé avec le roi Frédéric II. Genève, réputée pour ses éditeurs éclairés et son esprit de tolérance, l’attire. Le bassin lémanique s’impose ainsi comme nouveau refuge. Le philosophe conteur acquiert le domaine de Tournay et la seigneurie de Ferney en 1759, à l’âge de 65 ans, et, avec ces terrains, les titres de seigneur et de comte. Après de nombreuses années passées à exercer le « métier de Jean-Jacques Rousseau », c’est-à-dire d’écrivain besogneux, de « barbouilleur de papier », Voltaire se trouve, grâce aux énormes intérêts des ses épargnes, incroyablement riche et en mesure de s’offrir un domaine sans se soucier de sa rentabilité. Dans ces terres frontalières, il peut être parfaitement libre, s’émancipant de l’administration (fiscale…) française. « Y a-t-il un état plus heureux ? », écrit-il. « Je me trouve entre la France et la Suisse sans dépendre ni de l’un ni de l’autre. Après être passé chez les rois, je me suis fait roi chez moi. »

Ferney n’est qu’un petit hameau de 200 âmes quand le grand défenseur de l’esprit des Lumières y arrive en grand seigneur avec sa nièce et sa compagne, Madame Denis. Après avoir fait édifier sa confortable demeure sur les ruines d’un ancien château fort du XIIe siècle, le philosophe s’implique dans le développement économique du territoire, comme s’il en était le propriétaire. Il fait notamment assécher les marécages et paver les rues, finance la construction de maisons, d’une fontaine publique et d’un théâtre. La petite commune est très vite plus connue sous le nom de Ferney-Voltaire.

Même du vivant du philosophe, le château constitue une destination de pèlerinage. Voltaire se dit « aubergiste de toute l’Europe », critiquant l’ingratitude de ses visiteurs qui, bien que se déplaçant dans cette nouvelle capitale de la république des lettres en exil, ne reviennent pas. Le château de Ferney ne devient donc jamais le salon dont il rêve, ce qui pousse le philosophe à donner la priorité à l’écriture, ce qu’il fait durant les 20 ans qu’il passe à Ferney, sa période la plus productive.

Si les dispositions extérieures de l’édifice sont restées proches de celles d’origine – la composition paysagère du parc remonte pour l’essentiel au XIXe siècle tandis que l’orangerie et le pavillon de gardien ont été édifiés vers 1900 –, l’intérieur a été largement remanié par les propriétaires successifs. Cette belle visite virtuelle, proposée par le Centre des monuments nationaux, vous permets d’explorer chaque pièce du château. Vous pourrez découvrir la chambre de Voltaire, et le lit duquel il écrivit tant de lettres, l’escalier d’honneur emprunté par les nombreux invités, les appartements de Madame Denis, ou encore le potager et l’allée de charmilles sous laquelle le philosophe cherchait l’inspiration.

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