Construit pour le compte de l’officier de la duchesse d’Orléans Daniel Majou en 1771, le logis des Grois est l’un des rares témoignages de l’architecture vendéenne du XVIIIe siècle. Il est aujourd’hui la résidence principale d’Isabelle et Bertrand Hélie, représentants de la treizième génération des Majou.
Pour arriver au logis des Grois, il faut quitter la départementale et s’engager sur un petit chemin sinueux. Une allée de cyprès mène à une vaste cour enserrée de communs, bordée de petits buis. La façade de la demeure apparaît, affichant des règles strictes de perspectives. La porte du logis franchie, un hall baigné de lumière s’ouvre sur un escalier central, dont l’aspect colossal surprend toujours le visiteur.
Parfait exemple du « logis vendéen » du XVIIIe siècle, les bâtiments qui composent la propriété sont d’une grande sobriété. « Très souvent, remarque Bertrand Hélie, ces logis ont été détruits au XIXe siècle par les familles pour les transformer en châteaux avec ardoises, pignons, etc. », donnant à voir leur réussite sociale (et financière). Le logis des Grois est quant à lui resté une demeure classique, « sans prétention », ce qui lui vaut son inscription au titre des Monuments historiques en 2010.
Un logis habité « de génération en génération par les Majou »
« Mon arrière-arrière-grand-mère a été la dernière à porter le nom des Majou des Grois » explique Bertrand Hélie. Les Hélie, une famille de commis de l’État, rencontrent l’histoire de la famille Majou en 1901, lors du mariage de la dernière descendante avec Félix Hélie, l’arrière-petit-fils d’un armateur nantais.
Selon le généalogiste du Poitou Henri Beauchet Fillaud, l’histoire de la famille protestante des Majou est consubstantielle à la généalogie de nombreuses familles vendéennes. La première occurrence est trouvée en 1620, lorsque les Majou de la Morinière s’établissent sur la commune de Saint-Germain-de-Prinçay, en devenant propriétaires du domaine de Lousigny. Vingt ans plus tard, une branche de la famille Majou achète le logis des Grois et ses terres : la famille des Majou des Grois est née.
« Pour les uns ma joue, pour les autres ma botte »
Telle est la devise des Majou, dont l’histoire est intimement liée à celle des guerres de Religion. Le célèbre Général vendéen Charles Melchior Arthus de Bonchamps descend ainsi, par sa grand mère Marguerite Angélique de Farcy, de Samuel Majou des Grois.
Famille protestante, ils sont attirés en Vendée au XVIIe siècle, par la figure de proue du protestantisme vendéen et cousine d’Henri IV : Catherine de Parthenay. Dans un contexte politico-religieux tourmenté, l’attitude prosélyte de cette génération conduit certains de ses membres à connaître la bastille, et ce, malgré leur habit de cour.
La révocation de l’édit de Nantes le 18 octobre 1685 et la signature de l’édit de Fontainebleau par le roi Louis XIV rend le protestantisme interdit sur l’ensemble du territoire français. Nombre de Majou font alors le choix de l’émigration. Ils se réfugient en Angleterre, en Hollande et en Irlande. Les Majou des Grois prennent toutefois le parti de rester à Saint-Germain-de-Prinçay.
Dissimulés au logis, ils sont dénoncés par le curé de la commune comme des protestants « activistes et opiniâtres ». En conséquence, Daniel Majou des Grois, âgé de 14 ans, est enlevé à ses parents par les Dragons du roi et intégré dans un collège religieux catholique de jésuites.
Devenu officier de son altesse royale la duchesse d’Orléans, Daniel Majou épouse Elisabeth de Cazenove, une jeune convertie originaire du Béarn. Résidant, comme leurs ancêtres, au logis, le couple nourrit pour lui un autre dessein : en faire une demeure moderne et confortable, ouverte à la lumière. Sur les conseils d’un architecte, ses propriétaires commandent en 1771 la destruction des remparts de l’ancien édifice fortifié. La demeure sur deux étages est alors pensée selon les principes architecturaux du XVIIIe siècle.
Une architecture « ultra moderne »
Au moment de la classification du logis au titre des Monuments historiques en 2010, architectes et responsables des monuments historiques ont retrouvé dans cet édifice toutes les normes qui prévalaient alors : « La façade fait 35 mètres, c’est une règle. Il y a aussi une particularité, c’est que, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, on découvre la technique pour faire de grands carreaux. » À rebours de l’obscurité des maisons fortifiées des XVIe et XVIIe siècles, le logis des Grois se dote « d’une lumière traversante » que procurent ses grandes fenêtres. Notons que, par souci esthétique, les ouvertures du premier étage sont légèrement plus petites que celles du rez-de-chaussée : une différence souhaitée par les architectes de l’époque, conférant à la façade rigueur et équilibre.
Pour Bertrand Hélie, « ce qui est étonnant, c’est d’avoir construit une maison aussi moderne dans un endroit si isolé ».
Des restaurations et une inscription au titre des Monuments historiques
Lorsque Bertrand Hélie et sa femme héritent du domaine des Grois, de nombreuses restaurations sont à prévoir. « Cette maison, on l’a récupérée en très mauvais état en 2006 et on l’a restaurée au fur et à mesure. L’ensemble du jardin était en friche. » Soucieux de protéger cet exceptionnel héritage, le propriétaire a réhabilité l’ensemble des pièces de réception : la salle à manger, les salons et la pièce de séjour ont ainsi retrouvés leurs couleurs d’antan.
Ces efforts de préservation ont permis au logis d’être classé au titre des Monuments historiques en 2010, dans son intégralité. Une protection qui rend possible son ouverture durant la moitié de l’année, afin de faire découvrir au public cet étonnant ensemble architectural.