Exposition : Les contes oniriques de la photographie de Philippe De Gobert

Par Margaux Delanys

Date de publication : 25/08/2021

Temps de lecture : 5 minute(s)

Du 29 mai au 7 novembre 2021, le MuMa, Musée d’art moderne André Malraux du Havre nous plonge dans les espaces rêvés d’un photographe féru d’architecture. Le long d’un parcours fantasmagorique, « Philippe De Gobert. Du merveilleux en architecture au conte photographique » mêle hommages enivrés et créations personnelles, oscillant entre réel et imaginaire, sérieux et dérision.

Tout commence par deux rencontres. Sur l’un de ses stands, l’équipe du MuMa découvre le travail de Philippe De Gobert. Emballée, elle le presse de venir y exposer. Au printemps 2018, le photographe se rend au Havre. Il s’y promène longuement et collecte la matière future de son exposition. Philippe De Gobert est « le sculpteur du réduit et le photographe du monumental ». C’est en ces termes que le Musée des Arts Contemporains de Bruxelles parle de l’artiste, non sans raison. Son travail distord les échelles. Pour « comprendre le fonctionnement » des bâtiments, il construit des maquettes, avant de changer leur proportions par le biais de ses clichés. Bachelard, dont le nom résonne à maintes reprises, aurait pu voir en son travail une « expansion de l’espace intime de l’objet ». Son corpus, essentiellement composé de vues d’intérieurs, est une évocation intime et poétique du Havre où le temps semble avoir été repensé.

Le merveilleux chez Philippe De Gobert

Pour ouvrir le bal de l’exposition, un panneau blanc soutient « LH 053 » (comprenez Le Havre). Un ciel numérique, une plage coiffée de sculptures de galets et un conteneur-jouet ; le décor est planté. Nous suivons l’artiste dans son musée imaginaire : d’un hôtel particulier glissé dans une fausse ruine, jusqu’à la maquette du « Black Maria » de Thomas Edison.

« Qu’est-ce qui a poussé le poète fasciste Gabriele D’Annunzio à dépenser une fortune pour remonter, à terre, un bateau planté parmi les cyprès dans sa propriété face au lac de Garde ? Ou encore, ce Belge à édifier un paquebot en maçonnerie (une réplique du Normandie) dans les dunes pour y ouvrir un restaurant ? ».

Ces jalons de l’histoire de l’architecture sont émaillés de tendres écarts : l’engin de Zétawal, qui voulait être le premier martiniquais à rejoindre la Lune à bord d’un vaisseau propulsé par la seule énergie de la prose et du vers a voix au chapitre.

En creux de ce parcours, l’esquisse d’un autoportrait : celui de ses passions et de ses rencontres avec les bâtiments d’architectes de génie ou de bricoleurs farfelus.

Du Havre à New York, « un climat poétique avant tout »

Son conte est peuplé de réminiscences de l’après-guerre. Tout commence avec les bombardements qui ont détruit la cité portuaire : gravats, ruines et poussière sont maquettés et recouvrent à nouveau les rues. L’Autre Rive, elle, depuis la mer de plexiglas, est omniprésente. Mais qui dit « conte photographique » dit distorsion du réel : les lampadaires de fortune surgissent des recoins sombres, de rares automobiles rôdent, et les bâtiments se dressent devant un ciel troublé, entre chien et loup.

La narration se poursuit à l’époque de la reconstruction, suivant l’œuvre phare d’Auguste Perret, « le maître du béton ». Le Havre apparaît, toujours recommencé. Jouant les Gullivers, Philippe De Gobert s’introduit avec son appareil dans ces pièces baignées de lumière. « LH 1769 », tirage en noir et blanc, évoque ces époques multiples. À l’intérieur de l’appartement, des sacs de cafés rappellent l’origine des docks de la ville quand, depuis les fenêtres, un paquebot passe, souvenir des traversées transatlantiques.

Par ce paquebot, le Havre se trouve à nouveau lié à New York. Au printemps 2015, l’artiste répond à l’invitation d’une fondation et obtient un court séjour à New York. « Je n’avais jamais encore été à New-York, et plutôt que de faire un marathon de musées en galeries (…) j’ai pris le parti de mettre à profit les créneaux horaires disponibles pour valider visuellement ce que je m’étais imaginé depuis belle lurette de la réalité de cette ville par une approche essentiellement livresque ». De Gobert photographie alors la ville, depuis les hauteurs.

Cette invitation américaine au voyage est truffée de références artistiques, de l’hommage à George Segal, créateur d’une petite humanité en plâtre, aux tableaux d’Edward Hopper. Les fenêtres de « NY 6 Hopper Jour » reçoivent d’ailleurs pour paysage une aquarelle, empêchant le dessin du rendu d’être trop présent.

Concluons avec ses mots. « Il faut appréhender cet ensemble de photographies comme une fiction imaginée par un artiste avec toutes les libertés et la distance qu’un poète est en droit de prendre avec l’histoire et la réalité ».

Philippe De Gobert. Du merveilleux en architecture au conte photographique
MuMa, Musée d’art moderne André Malraux

Du 29 mai au 7 novembre 2021
2 Bd Clemenceau, 76600, Le Havre

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