Plein les yeux #11 : la bibliothèque Schœlcher

Par Diane Mendoza

Date de publication : 01/10/2021

Temps de lecture : 3 minute(s)

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La bibliothèque Schœlcher, classée au titre des Monuments historiques, se trouve au cœur de Fort-de-France, en Martinique. Bâtisse singulière, elle conserve les ouvrages de Victor Schœlcher, dont il a fait donation en 1883.

Sans descendance, Victor Schœlcher (1804-1893) décide de léguer sa collection de 10 000 livres et 250 partitions musicales au Conseil général de l’île. Il impose tout de même une condition : cette bibliothèque doit être ouverte à tous, en particulier afin que les anciens esclaves et leurs descendants aient la possibilité de s’instruire.

Avant d’être député de la Martinique, il se fait remarquer pour son engagement en faveur de l’abolitionnisme. En effet, il s’indigne de la situation des esclaves lorsqu’il découvre le « Nouveau Monde » au cours de voyages d’affaires pour l’entreprise familiale. Cette cause le poussera à devenir journaliste en regagnant la France métropolitaine.

La bibliothèque est édifiée dans le jardin des Tuileries à Paris entre 1886 et 1887. L’architecte Henri Picq mêle dans son œuvre différentes influences, et conçoit une charpente et une ossature en métal. La structure sera démontée et acheminée en bateau jusqu’en Martinique et la bibliothèque ouvrira au public en 1893, année de la mort de Victor Schœlcher.

La reconstruction de ce lieu culturel est rythmée par différentes interruptions. L’entreprise de construction est, tout d’abord, mise en examen judiciaire. En 1890, survient le grand incendie de Fort-de-France. Au cours de cet évènement catastrophique, la plupart des livres originaux de la collection Schœlcher sont ravagés. Environ 1 200 livres échappent aux flammes, dont un exemplaire de Quatre-vingt-treize signé par Victor Hugo. Puis, le 18 août 1891, c’est un cyclone tropical qui perturbe le chantier. Un enjeu qu’Henri Picq prendra dès lors en compte dans la reconstruction, l’installation de la bibliothèque en Martinique devant en effet répondre aux caractéristiques de son environnement : le climat tropical et le risque sismique.

L’intérieur de l’édifice profite d’une lumière naturelle grâce à un éclairage zénithal. Au plafond, l’inscription des noms des grands écrivains français se succèdent comme pour inciter les usagers à se pencher sur leurs œuvres. Afin que les anciens esclaves noirs profitent de ce savoir, Schœlcher place la bibliothèque sous la responsabilité d’un bibliothécaire attitré : Victor Cochinat, avocat et secrétaire d’Alexandre Dumas.

Cette bibliothèque rend donc hommage à celui qui est à l’origine de l’abolition de l’esclavage en 1848. Néanmoins, Schœlcher ne fait pas l’unanimité. En effet, les activistes antibéké* et anti-héritage colonial demandent que la bibliothèque soit renommée. Ces derniers militent pour remplacer le nom de Victor Schœlcher au profit d’abolitionnistes et acteurs locaux de l’émancipation des Noirs. Les activistes ont d’ailleurs organisé une manifestation en mai 2020, au cours de laquelle deux statues de Victor Schœlcher ont été brisées.

* Un blanc créole descendant des premiers colons, né aux Antilles.

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