Les écuries et la sellerie du château de Montgeoffroy, dans le Maine-et-Loire, ne font pas uniquement partie des plus anciennes qu’il nous est donné de voir en France, elles sont aussi parmi les plus belles. Visite guidée d’un joyau du patrimoine équestre du XVIIIe siècle.
En 1676, la famille de Contades acquiert la terre de Montgeoffroy, domaine ayant appartenu au XIIIe siècle au seigneur Geoffroy de Chateaubriand (l’un des ancêtres de l’illustre écrivain). À partir de 1772, Louis Georges Érasme de Contades, maréchal de France (1758) et gouverneur d’Alsace (1762), décide de faire rebâtir le château en vue d’y prendre sa retraite. Il fait appel à l’architecte parisien Jean-Benoit-Vincent Barré (architecte du XVIIIe siècle à qui l’on doit notamment le château d’Hernonville, le château du Marais, une partie du château du Lude, etc.), associé à l’architecte local Simier, et fait raser l’ancien château. Seuls le plan en U ainsi que deux tours, les douves, la chapelle, datant de 1543, sont conservés.
Des installations équestres sont dressées sur la cour d’honneur, délimitées par les douves, à proximité du logis, ce qui ne surprend pas de la part d’un grand militaire. Elles abritent des chevaux de chasse et d’attelage (la remise à calèches se situant en face des écuries). « Leur élévation prolonge celles de la demeure par les lignes de refend qui la couvrent mais des arcades plein cintre, reprises sur les remises en vis-à-vis, une toiture indépendante et un bas-relief équestre fiché dans l’axe du toit les individualisent clairement1. » Les écuries sont accessibles par une porte ménagée à l’intérieur du passage charretier qui les sépare du château. Le bas-relief surplombant cette porte représente un cheval cabré, « qui semble vouloir sortir de son cadre2 ». La façade arrière, simplement enduite, est dépourvue de décor, hormis deux lucarnes de pierre qui assurent la ventilation du grenier.
Mesurant près de trente-cinq mètres de long sur huit mètres de large, ces écuries disposent de huit stalles d’environ deux mètres sur quatre, délimitées par des cloisons accrochées à des poteaux au sommet desquels reposent des boules en bois. Elles possèdent aussi deux grands boxes, peut-être postérieurs, qui permettaient d’isoler les juments et leurs poulains. Le sol est d’origine : pavé sous les chevaux, il est formé dans le passage de briques sur chant alignées perpendiculairement au mur. Les cloisons des stalles assurent aux chevaux une meilleure protection que les barres suspendues alors plus répandues. Le registre supérieur à claire-voie évite qu’ils ne se sentent isolés.
Profil de la Grande écurie du Roi à Versailles en 1695. Dessin de Jules-Hardouin-Mansart. Ce document montre une barre séparant les chevaux, système en vigueur à l’époque mais pas à Montgeoffroy, où l’on a préféré l’aménagement de cloisons. © Gérard Blot/Château de Versailles Les écuries de Montgeoffroy disposent de 8 stalles d’environ 2 mètres sur 4 mètres, délimitées par des cloisons accrochées à des poteaux au sommet desquels reposent des boules en bois.
Les massacres accrochés au mur sont un décor recommandé par l’hippiatre, zoologiste et botaniste de l’époque François-Alexandre de Garsault (1691-1778) dans son ouvrage Le Nouveau parfait maréchal3 paru en 1741, et que l’on rencontrait souvent dans les domaines où l’on pratiquait la chasse à courre, parfois même sous la forme de têtes d’animaux sculptées et peintes au naturel comme à Chantilly et à Rambouillet. « Les personnes curieuses d’écuries, peuvent les orner extérieurement d’une belle architecture avec des sculptures : on place aussi si on veut, le nom de chaque cheval au-dessus du râtelier, on applique sur les murs des bois de cerf, etc. », écrit-il.
La luxueuse sellerie, aménagée dans la première moitié du XIXe siècle, est installée au rez-de-chaussée de la tour mitoyenne à l’écurie. D’un diamètre de plus de sept mètres, elle est entièrement parquetée et couverte d’un lambris en pin de Norvège qui protège les cuirs de l’humidité. Les panneaux de bois dessinent au plafond un motif rayonnant axé sur le conduit du poêle en faïence qui contribue lui aussi à maintenir des conditions d’hygrométrie favorables à la bonne conversation des selles et des harnachements.
Aujourd’hui, les écuries n’accueillent plus de chevaux, mais, intactes, elles sont, ainsi que la sellerie, ouvertes toute la journée en accès libre.
Les Contades sont une grande famille. Parmi ses illustres membres, les amateurs de chevaux apprécieront de savoir que l’ainé des arrières petits-fils du marquis Louis Gabriel de Contades4 (1759-1825), lui-même petit-fils de Louis Georges Érasme de Contades, n’est autre que le marquis Érasme de Contades-Gizeux (1858-1926), futur général de division, écuyer en chef du Manège de Saumur (aujourd’hui nommé Cadre noir). L’une des particularités du marquis est d’avoir été nommé écuyer en chef à deux reprises – entre 1898 et 1899, puis entre 1901 et 1903 – ce qui est unique dans l’histoire de cette célèbre institution. La raison en est une sérieuse différence de vue sur la formation des officiers de cavalerie. En effet, les courses se sont considérablement développées en cette fin du XIXe siècle et sont privilégiées par les écuyers qui y voient une source de plaisir comme un complément incontournable de leur entrainement. À son poste d’écuyer en chef, le commandant de Contades oriente nettement l’instruction vers leur pratique, dont il est lui-même un adepte. « On pouvait le voir, sur le même cheval de pur-sang, passager le matin au manège et sauter le steeple de Verrie5 l’après-midi6. » Mais ce n’est pas du goût du général de brigade de La Celle lorsqu’il prend la direction de l’École de cavalerie (dont dépend le Manège) en septembre 1898. Ses conceptions très différentes l’opposeront rapidement à son Écuyer en chef. Les relations s’envenimant, de Contades se retirera dans son château familial de Gizeux en 1899. Lorsque le général Dubois remplacera de La Celle au commandement de l’École de cavalerie en 1901, il s’empressera de le rappeler.
Louis Georges Érasme de Contades (1719-1788), maréchal de France, est le commanditaire du château de Montgeoffroy actuel, dont on doit les plans à l’architecte parisien Vincent Barré. Photographie du marquis Érasme de Contades Gizeux. Ce grand cavalier fut, fait exceptionnel, deux fois écuyer en chef du Cadre noir de Saumur (1898-1899 et 1901-1903). © DR
1 Pascal Liévaux, William Curtis Rolf, Les Écuries des châteaux français, Éditions des monuments historiques, 2005.
2 Pascal Liévaux, William Curtis Rolf, Les Écuries des châteaux français, Éditions des monuments historiques, 2005.
3 Garsault, François-Alexandre de, Le nouveau parfait maréchal, ou La connaissance générale et universelle du cheval (Collection Sciences), Paris, Despilly, 1741.
4 Chambellan de l’Empereur et baron de l’Empire (1813), lieutenant-général des armées du Roi, colonel du régiment d’Anjou-infanterie en mars 1791, maire de Giseux, président du conseil général d’Indre-et-Loire (1815).
5 Terrain de steeple, proche de Saumur, aménagé par l’armée au XIXe siècle.
6 Pierre Durand, Jacques Perrier, L’Épopée du Cadre noir de Saumur, Lavauzelle, 2004.
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