Cimetières et tombeaux : un patrimoine en danger

Par Aliénor Harzo

Date de publication : 28/03/2022

Temps de lecture : 4 minute(s)

Vastes musées de plein air, les cimetières recèlent des ouvrages d’architecture, de sculpture et d’arts décoratifs, dont certains sont des chefs-d’œuvre. Pourtant, le patrimoine funéraire français est aujourd’hui en danger. La réimpression, par les Éditions du patrimoine, de l’ouvrage de référence Cimetières et tombeaux (2016) tombe donc à point nommé.

C’est un sujet auquel nous avions consacré une enquête il y a quelques mois et que nous abordions récemment dans une de nos chroniques juridiques : le patrimoine funéraire est de plus en plus menacé et abandonné. Constatant cela, l’association Urgences Patrimoine a créé en 2021 la Commission nationale de sauvegarde du patrimoine funéraire, afin d’agir de façon concrète en faveur de ce patrimoine. La commission poursuit les objectifs suivants : rassembler un grand nombre d’acteurs ayant en commun le sens de l’engagement et du devoir de mémoire ; fédérer leurs actions ; être le relai d’initiatives déjà mises en place ; être force de propositions auprès des élus et des institutions.

Guénola Groud, conservatrice générale en chef, responsable de la cellule « Patrimoine » au service des Cimetières de la Ville de Paris, établit un constat similaire dans la conclusion de l’ouvrage sur le patrimoine funéraire français : « Une visite, même rapide, permet de dresser un bilan globalement préoccupant de l’état de préservation de ces cimetières, notamment des plus anciens d’entre eux, souvent dotés d’un patrimoine remarquable. (…) le patrimoine funéraire présente (…) de fortes disparités de son état de conservation. Dans bien des cas, de nombreux tombeaux sont aujourd’hui abandonnés et dégradés, puis progressivement voués à la destruction par l’usure du temps ou l’exploitation funéraire. »

Parce que la protection passe d’abord par la connaissance, la remise en vente du livre dirigé par Guénola Groud et Régis Bertrand, professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille, est une aubaine pour ce patrimoine en péril. Une trentaine de spécialistes y abordent l’histoire et l’évolution des grands cimetières urbains, de 1804 à nos jours, illustrées par une iconographie en grande partie inédite, avec des photographies de Pascal Lemaître. La publication délivre une vision d’ensemble du sujet : évolution de ce paysage, monographies de cimetières d’exception, inventaire de deux siècles d’art funéraire.

« À l’échelle du territoire, un recensement, qui viserait à être complet, des cimetières et des sépultures présentant un intérêt historique ou une valeur patrimoniale restera ensuite à réaliser à partir de nouvelles enquêtes de terrain qui devront être combinées à des recherches d’archives », écrivait Régis Bertrand, en 2016, dans l’introduction de Cimetières et tombeaux. Même combat pour Guénola Groud, établir « un inventaire des tombeaux d’intérêt patrimonial demeure la base essentielle d’une véritable politique de conservation ». Et les intervenants réunis pour la conférence « Patrimoine funéraire : quelles actions pour sa sauvegarde ? », organisée par Urgences Patrimoine lors de l’édition 2021 du salon du patrimoine, ont eux-aussi rappelé cette nécessité de mener des missions d’inventaires pour recenser et ainsi protéger ce patrimoine fragile.

Si, comme le disait Maxime du Camp dans Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du XIXe siècle (1875), « le temps, qui seul fait les folles herbes, épaissit les feuillages, grandit les arbres, revêt les pierres de sa sombre patine, le temps seul fait les beaux cimetières », il faut aujourd’hui combattre les effets du temps et instaurer une politique efficace de protection des cimetières patrimoniaux.

Cimetières et tombeaux, Patrimoine funéraire français, sous la direction de Régis Bertrand et Guénola Groud, Éditions du patrimoine, 296 pages, 29 €

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