Dans le cadre de son deuxième cycle de webinaire « Artisans d’art », VMF Crescendo a invité Stéphanie Desvaux — spécialiste de l’archivage des documents anciens et historiques, fondatrice de S’toria, agence spécialisée en archivage, storytelling et projets de valorisation du patrimoine – et Camille Haumont – restauratrice, régisseuse de conservation pour le patrimoine documentaire, créatrice de Page-à-Page Conservation entreprise de prestations préventives et curatives pour le patrimoine écrit. Le texte ci-dessous est la retranscription de leur conférence « Bien gérer les documents historiques : prévention, restauration, et archivage » du 27 septembre 2022. Florent Lamontagne, bénévole de VMF Crescendo, présentait et animait ce webinaire. Bonne lecture !
Florent Lamontagne Aujourd’hui, notre webinaire met en avant deux actrices du patrimoine autour de la gestion des documents historiques.
Nos deux intervenantes sont des spécialistes du sujet, toutes deux complémentaires et différentes. Nous avons Camille Haumont, restauratrice et spécialiste dans la prévention et les techniques curatives du patrimoine écrit, et Stéphanie Desvaux, spécialiste dans l’archivage et la classification des documents anciens et historiques.
Nos invitées vont se présenter dans les grandes lignes. Vous pourrez échanger avec elles grâce à un petit jeu de questions/réponses. Nous répondrons aux question à la fin des présentations.
Camille Haumont. Je m’appelle Camille Haumont, restauratrice d’œuvres graphiques. Les supports graphiques sont tous les supports de dessins, d’écritures, d’inscriptions, donc ce n’est pas seulement du papier. Les supports peuvent être aussi du parchemin, des ouvrages, des supports imprimés, des gravures, etc.
Je suis également consultante en conservation préventive. La consultation préventive est un sujet que l’on expliquera un peu plus tard. C’est vraiment un domaine très spécifique, complémentaire de la restauration.
Je suis également technicienne de conservation, c’est-à-dire, que je donne des conseils, des prestations intellectuelles. Je fais également des prestations techniques, manuelles, autour de la conservation préventive.
Enfin, je suis également formatrice et je conçois des plans de sauvegarde, c’est-à-dire, tout ce qu’on met en œuvre autour des collections pour les protéger et les préserver des catastrophes et des sinistres qui peuvent arriver.
Pour ma part, j’ai pour le moment une clientèle majoritairement institutionnelle (90% environ). Mon activité a démarré en 2013. Mon entreprise s’appelle Page-à-page Conservation. Je suis dans les Pyrénées, plus précisément dans l’Ariège. Mon secteur est plus globalement l’Occitanie et le Sud-ouest d’une façon plus large, mais je peux être amenée à travailler dans toute la France en fonction des besoins.
Pour le patrimoine documentaire, mes clients sont surtout les archives et les bibliothèques, et plus globalement les archives anciennes. Je travaille aussi sur des archives intemporelles, car elles sont amenées à devenir anciennes. Elles font partie de ce qu’on appelle le « patrimoine », même si elles sont, pour certaines, récentes.
Les bibliothèques vont être plutôt des bibliothèques patrimoniales, donc anciennes (autour de 1900 ou on peut dire avant la Seconde Guerre mondiale). Récemment nous avons élargi notre champs d’action aux médiathèques, ce qui me permet de travailler sur d’autres supports que ceux de papiers, comme les photographies Lamblade de la bibliothèque de Montauban (Tarn-et-Garonne). Pour donner quelques exemples, j’ai travaillé sur les archives concernant les voies navigables de France, donc des archives qui traitaient du canal du Midi.
En bibliothèque patrimoniale on peut avoir des fonds privés qui sont donnés à des communes. J’ai par exemple travaillé sur le fonds Gaston-Doumergue pour la commune de Aigues-Vives dans le Gard.
Avec le temps, j’ai élargi mon domaine de compétence et ma clientèle vers d’autres typologies de collection. Je travaille également pour des musées et des réserves départementales, toujours dans le cadre de la préservation préventive. Je travaille aussi pour le patrimoine culturel, c’est-à-dire le patrimoine religieux, que l’on peut trouver dans les églises. Par exemple, j’ai travaillé pour les cathédrales du Midi-Pyrénées et je travaille aussi régulièrement pour les églises du sud Hérault.
Forent Delamontagne. Merci Camille. Passons à présent la parole à Stéphanie, qui va nous exposer aussi sa complémentarité avec votre travail et, en même temps, nous présenter ses actions.
Stéphanie Desvaux. Bonsoir a tous. Merci à Florent et aux VMF de nous donner l’occasion de mettre en lumière nos métiers qui sont souvent peu connus ou méconnus. C’est une jolie occasion de partager tout cela avec vous.
Pour ma part, je suis Stéphanie Desvaux. J’ai un cursus universitaire assez classique avec un double diplôme en histoire et en archives, mais mon parcours est aussi particulier, car je me suis spécialisée très tôt dans le traitement des archives privées et notamment les archives familiales, de particuliers et d’entreprises.
Après un parcours dans de très grandes entreprises françaises, j’ai décidé de me rapprocher de mon Sud-ouest natal et de fonder, en 2020, la société S’toria. C’est une agence d’ingénierie culturelle spécialisée dans la préservation et la valorisation du patrimoine, du traitement des archives à leur mise en valeur, à travers des expositions ou autres.
Je travaille autant avec les collectivités, que les entreprises, ou les particuliers. Comme Camille, je suis située dans le Sud-ouest, à Toulouse (Haute-Garonne) plus précisément, mais je me déplace sur l’ensemble du territoire, que ce soit pour les collectivités dans le Sud-Ouest mais aussi pour certains projets spécifiques. Certains l’auront peut-être reconnu sur cette image, vous voyez en bas le château de Josselin en Bretagne. J’ai eu la chance, il y a quelques années de travailler sur le fonds d’archives de la famille Rohan. Grâce à ces expériences, j’ai été amenée à voyager ponctuellement dans de très belles demeures françaises.
Florent Lamontagne. Merci beaucoup Stéphanie. Nous allons à présent passer à des points plus concrets. Camille va nous présenter les problématiques, les manières de prévenir les dommages que l’on peut trouver sur des documents. Je note aussi déjà que nous avons des questions pertinentes. Nous allons les poser au fil de la conversation.
Camille Haumont. Pour aller dans le cœur du sujet, ce patrimoine documentaire peut être conservé dans des collectivités, des institutions, des musées, dont c’est le métier, mais aussi chez des particuliers qui n’ont pas forcément ces compétences ni les connaissances pour le conserver.
Archives atteintes de plusieurs facteurs d’aliénations. © Page-à-Page Conservation
Notre patrimoine documentaire a la particularité d’être très fragile, en raison de supports particulièrement sensibles. Ils sont sensibles aux facteurs d’altérations qui peuvent au mieux les abîmés légèrement, au pire les détruire, avec les pertes d’informations que cela peut engendrer. Donc, déjà la perte peut être affective quand ce sont des collections auxquelles ont tient, perte patrimoniale, historique, avec tout ce que cela inclus derrière, ce n’est pas seulement ce que l’écriture indique mais aussi la matière. Mon métier, et c’est là que nous sommes complémentaires Stéphanie et moi, c’est que pour ma part je vais plutôt travailler sur les matériaux. Et ces matériaux-là sont très sensibles à pas mal de facteurs d’altérations.
La liste est assez longue et je ne vais pas pouvoir être exhaustive mais les facteurs majeurs sont biologiques, environnementaux, et le facteur anthropique, qui n’est pas des moindres. Le climat fait partie des principaux facteurs d’aliénations. On entend par là la température et l’humidité de la pièce où se trouvent les documents.
On nous demande souvent s’il faut maintenir des taux, des seuils. Les gens dont c’est le métier essayent de tenir un climat à peu près fixe, mais même cela n’est pas forcément ce que l’on recherche. L’objectif n’est pas qu’ils soient le plus fixe possible. On peut accepter certaines variations mais le problème ce sont surtout les taux extrêmes et les variations importantes. Ce n’est pas tant qu’il fasse chaud ou froid mais ce sont surtout ces taux qui varient. Ça, c’est un premier facteur sur lequel on travaille.
Il y a aussi le facteur de la lumière, lumière naturelle et artificielle. Je pense que tout le monde a déjà vu des affiches, des livres exposés dans des vitrines de magasins ou des bouquinistes qui ont complètement changé de couleurs avec le temps ou encore si vous avez exposé des affiches chez vous près d’une fenêtre, vous avez pu remarquer que les teintes ont été modifiées, c’est un des facteurs d’altération. La lumière peut modifier les teintes et jaunir le support. Le problème c’est que ce n’est pas toujours visible, on ne s’en rend pas forcément compte immédiatement.
On a aussi un facteur assez sournois : les polluants atmosphériques, dont les effets sont difficiles à détecter, comme la poussière naturellement dans l’air, des composés organiques volatils, c’est-à-dire, les solvants diffusés par nos matériaux, et la pollution industrielle si on vit à côté d’un site qui en produit, ou d’une autoroute par exemple.
On a aussi les humains, qui soit volontairement soit involontairement, font des dégâts très importants. Il y a pas mal d’exemples qui existent notamment sur les archives qui contiennent des informations particulières. Il y a des tentatives de destructions, abouties ou pas, pour faire disparaître ces informations. On a cette malveillance-là. On a aussi — je sors un peu du cadre documentaire – dans les édifices religieux, des attaques volontaires pour détruire le patrimoine. Et puis, on va avoir tout ce qui est involontaire, maladresse, négligence, manque de soin, et aussi quand on a envie de bien faire et qu’on fait soit même des restaurations, et donc ça il faut savoir que c’est à proscrire absolument. Quand on restaure son beau document à coup de scotch c’est mal ! Il ne faut pas le faire, car ça peut avoir des conséquences plutôt problématiques, ça détruit un document.
Ensuite, les agents biologiques font vraiment partie des facteurs qu’il faut surveiller quand on travaille sur la conservation de documents. Vous pouvez voir derrière moi, un petit poster qui recense une partie de ces insectes. On a les insectes connus, les moisissures.
Difficile à contrôler, on va avoir des altérations liées aux catastrophes. Une catastrophe peut être simplement un incendie, un dégât des eaux, une fuite d’eau, une fenêtre mal fermée ou une canalisation mal débouchée. Les incendies, les catastrophes comme les inondations et les tempêtes sont malheureusement très fréquentes, et dans certains cas, c’est malheureusement d’actualité, il y a aussi les conflits armés.
Stéphanie, tu veux intervenir avant que je précise les facteurs ?
Stéphanie Desvaux. Pas spécialement, là c’est vraiment ton domaine de spécialité. Je rebondis juste sur l’histoire du scotch. Ça m’arrive de reprendre des fonds d’archives dans lesquels on retrouve ce genre de restauration maison. Effectivement, les dégâts sont encore plus importants après coup. Donc, dans ces moments-là, on fait appel à une restauratrice qui vient enlever le scotch, déjaunir le papier, etc. C’était important de le souligner car parfois on veut bien faire mais malheureusement, quand on n’est pas spécialiste, on peut parfois empirer les choses.
Camille Haumont. Tout à fait, il y a le scotch et la volonté de blanchir le papier. On ne blanchit pas le papier parce qu’on a envie qu’il retrouve sa teinte toute neuve. Généralement, nous laissons les interventions sur le support aux restaurateurs.
Pour revenir à nos facteurs d’altérations, je ne vais pas tous les présenter mais je vais présenter l’essentiel ou du moins le plus spectaculaire. Quelque part, c’est presque assez esthétique. Donc les moisissures, les champignons microscopiques qui se nourrissent de matières organiques, mortes en fait. C’est très courants dans le patrimoine documentaire puisque le papier est une matière organique particulièrement nutritive et la poussière, souvent on les retrouve ensemble.
Il y a deux types de moisissures, et peut-être que vous avez déjà vu celle de droite qui est une moisissure qui apparaît sur les collections. C’est un champignon qui vient se déposer en surface qui souvent accompagne la poussière. Après on a des moisissures beaucoup plus problématiques, plus dégradantes, que l’on retrouve à l’intérieur de la matière. Là, c’est vraiment quand on a eu un dégât des eaux où l’objet est vraiment mouillé, humide.
Pour ce qui est des rongeurs, ces petits coquins ont les dents qui poussent. Les rats peuvent ronger des ouvrages pour limer leurs dents. Ce n’est pas très courant mais ça fait partie des altérations. Les souris, vous avez certainement déjà vu ça, vont faire des prélèvements, c’est-à-dire, prélever de petits bouts de papier de manière régulière, par strate, c’est presque assez joli. En revanche, on peut constater qu’on a une destruction totale. Sur la photo du milieu, la souris a non seulement prélever son tribut mais elle a aussi fait son nid. Et c’est accompagné de déjections organiques (urine et crottes). On a des dégradations très nettes sur les collections.
Pour la partie insecte, on a deux types : les rampants et les volants. Chez les insectes rampants tout le monde se nourrit, du bébé à l’adulte, et va faire des abrasions en surface. Vous avez sans doute déjà vu ça. Pour ne pas le citer ça va être, le poisson d’agent (ou lépisme), et aussi les blattes et puis aussi des insectes très petits.
Souvent c’est parce qu’il fait trop humide et donc ils viennent manger le papier. À droite, ce sont surtout des dégâts faits par des coléoptères. Là, on a des larves qui se nourrissent seulement en faisant des galeries. Elles perforent la matière et donc, quand on ouvre son livre, on a de la dentelle et des galeries qui apparaissent.
Pour revenir sur les catastrophes, là on peut avoir des dégradations qui peuvent vraiment être terribles, car on peut perdre littéralement nos documents. Donc le feu : les augmentations de température qui altèrent nos matériaux — on a l’exemple ici d’un parchemin qui a mal supporté la proximité avec la température très élevée d’un incendie. L’incendie c’est double peine, parce pour l’éteindre on met beaucoup d’eau, et les pompiers donnent des coups de chaussures ou de fourche. L’eau amène d’autres altérations, comme la puissance du jet, et on a le développement de micro-organismes qui sont très dégradants.
Le dernier point est la négligence. Là c’est spectaculaire mais c’est tout de même un exemple de négligence, ce sont des livres littéralement abandonnés dans un jardin (pourtant ce sont des livres très anciens), et comme les livres sont de la matière organique, ils ont nourri insectes et moisissures. Donc on est quasiment à l’état de compostage. C’est très extrême pour illustrer, mais la négligence peut amener à des altérations de nos collections.
Florent Lamontagne. Merci beaucoup. Avant d’arriver sur les remèdes, le curatif, on a déjà des questions pour chacune d’entre vous. Pour Camille, y a-t-il un risque — c’est une évidence mais tu vas pouvoir développer — à introduire de vieux documents (avec des champignons/des dépôts divers) dans sa propre bibliothèque ? On imagine qu’il y a un risque mais que préconises-tu ? Et là tu peux rebondir sur les méthodes curatives.
Camille Haumont. C’est une excellente question. Oui, il y a un risque à partir du moment où on introduit tout type de matériau organique dans un dépôt, une bibliothèque, un dépôt d’archives, et même un meuble, un livre qui contient des insectes. Pour les insectes, si vous avez un livre ou quelques documents d’archives, on va voir rapidement l’insecte se promener, donc on peut agir assez vite. Pour le mobilier c’est plus compliqué, parce qu’on peut avoir des insectes xylophages qui sont cachés à l’intérieur et là ça va être difficile. On fait ce qu’on appelle une quarantaine. On peut isoler le document dans une pièce à côté quelque temps pour voir, ou on peut simplement l’observer. Pour ce qui est des moisissures, on peut aussi avoir un risque de contamination, mais là on a des opérations de maintenance qui vont être du dépoussiérage. Ça va être difficile de rentrer dans les détails jusque là mais surtout observer, contrôler, avant d’introduire quoi que se soit à proximité de documents précieux.
Florent Lamontagne. Les gestes de réflexe de base. Je te laisse donc poursuivre avec les solutions.
Camille Haumont. Donc, j’expliquais que j’ai cette double casquette de restauration et conservation préventive. Pourquoi ? Parce que face à ces facteurs d’altération on a donc deux types de solutions. Le curatif, c’est à dire que le mal est fait, donc il faut intervenir sur le document pour lui redonner son intégrité physique s’il a vraiment été très altéré et donc là on est plutôt sur de la restauration, c’est une intervention un peu plus importante. Et puis on va avoir aussi des traitements de désinsectisation, de désinfection pour ce qui est des contaminants biologiques comme les moisissures ou les insectes. Pour éviter d’en arriver là, on va faire de la prévention. On va agir sur l’environnement des collections, comme je le disais, car ça fait vraiment partie de ces facteurs, par une série de points de vigilance. Soit on agit directement sur nos collections par le soin et l’entretien, mais aussi soi-même en faisant attention à la façon dont on procède, donc en les mettant dans des boîtes, en les conditionnant, en prenant des précautions quand on les manipule ou en faisant des travaux d’entretien, donc de dépoussiérer ses objets. Pour les livres on peut utiliser de la cire mais là encore je mettrai plein de guillemets, car ça doit être avec parcimonie, et puis en travaillant sur les conditions environnementales donc je disais le climat, la lumière, la poussière, donc on fait attention à mettre nos collections dans des environnements où on contrôle un peu près le climat, où on n’est pas dans des extrêmes. Puis, on va faire preuve de beaucoup de bon sens. On va envisager les risques, si par exemple je mets mes collections à un endroit où passe une conduite d’eau cela n’est pas forcément une bonne idée parce qu’il peut y avoir des fuites, ou à proximité d’une fenêtre qu’on laisse ouverte, il peut y avoir des inondations. En fait, on va surtout réfléchir aux risques éventuels et faire en sorte de les limiter ou de limiter leurs effets. C’est le principe de la conservation préventive.
Stéphanie Desvaux. Là dessus nos métiers sont complètement complémentaires et j’aurai l’occasion d’en reparler et j’irai beaucoup plus vite, parce que Camille a très bien expliqué tout ça. Juste un retour d’expérience, notamment en entreprise : découvrir des fonds d’archives à 10 cm de toutes les canalisations de climatisation et autres. Cela arrive très souvent, car on ne sait pas où mettre les archives. On a tendance à les mettre soit dans la cave, soit dans le grenier. Sauf que dans la cave on a souvent tous les éléments techniques, et là les catastrophes arrivent vite. Ça m’est arrivé une fois pour l’entreprise pour laquelle je travaillais. La canalisation, climatisation, avait sauté pendant les vacances d’été et donc ça avait fait hammam, puisqu’on avait à la fois dégât des eaux plus chaleur. Les dégâts étaient énormes sur des archives des années 1960, plutôt administratives mais, comme tu disais Camille (toi aussi tu travailles sur des documents relativement récents), une fois qu’ils sont abîmés il faut bien faire quelque chose et surtout ils constituent la mémoire de demain, donc il faut les préserver au même titre que les archives plus anciennes.
Camille Haumont. Ça me fait rire parce que c’est toujours dans la cave ou dans le grenier, et la catastrophe arrive toujours un week-end ou pendant les vacances, sinon ce ne serait pas une catastrophe ! C’est une catastrophe justement parce qu’on a pas pu agir à temps. Pour éviter qu’un aléa devienne une catastrophe, on doit prévoir des mesures d’intervention rapide, de réactivité. Une chose toute bête : si vous habitez en zone inondable, évitez de mettre vos documents au rez-de-chaussée et si vraiment vous n’avez pas le choix, c’est là vraiment qu’on fait de la prévision. Si on ne peut pas empêcher l’aléa d’arriver, on va faire en sorte qu’il ait le moins d’impact possible. Vous surélevez les tablettes pour que les documents ne soient pas à même le sol et puis, si vraiment on ne peut pas, on peut s’acheter de quoi rapidement intervenir pour venir pomper l’eau, avoir par exemple à porter de main un aspirateur à eau, une serpillère. Ce sont des petites choses toutes bêtes comme cela, mais ça illustre qu’il faut connaître l’environnement de nos collections et anticiper. Autre exemple, si j’ai des archives près d’un rideau et que j’aime allumer des bougies, il y a risque de départ de feu et donc j’ai un risque de perdre mes collections. On essaye de penser au pire.
Florent Lamontagne. En fait, toujours bien réfléchir quand on pose quelque chose quelque part, voir son environnement et anticiper les malheurs qui peuvent arriver.
Stéphanie Desvaux. Exactement. Ne pas venir avec sa tasse de café au moment où on a décidé d’ouvrir sa boîte d’archives parce que cela, par exemple, c’est très fréquent !
Florent Lamontagne. On prend un coca sinon !
Stéphanie Desvaux. Encore mieux, il y a du sucre, ça colle !
Camille Haumont. Pour aller plus loin dans la prévision, pour des personnes qui ont vraiment des collections très importantes ayant une valeur patrimoniale particulière — et là je sors même du cadre des archives privées – il faudrait simplement prévenir les pompiers de votre secteur que vous possédez des fonds à valeur patrimoniale afin qu’ils puissent savoir qu’il faudra peut être utiliser moins d’eau pour éteindre le feu. Les pompiers peuvent prendre leurs précautions pour agir en fonction de ce patrimoine. Ça fait parti des mesures préventives que l’on peut faire sans difficulté.
Florent Lamontagne. On va devoir avancer, car on a pas mal de questions, Camille. Il y a plein de questions très sympas !
Camille Haumont. Super, j’ai hâte ! Pour parler du soin direct, je parlais du dépoussiérage. La poussière c’est vraiment la bête à abattre, c’est l’ennemi numéro 1 des collections, donc voilà une photo au milieu d’un avant et d’un après. On utilise des outils spécifiques, et dépoussiérer ses collections c’est déjà une très bonne action de conservation préventive.
La deuxième action extrêmement importante est le conditionnement. Un livre avec une reliure constitue déjà lui-même plus ou moins un conditionnement, mais on peut aller encore plus loin. Et donc des archives qui ne sont pas très bien protégées peuvent être mises en boîte ou en pochette plastique, comme on vit au milieu, car c’est une façon de les protéger des insectes, de la lumière, des polluants, et des manipulations.
Attention, le conditionnement doit être fait avec des matériaux spécifiques non acides, neutres, inertes c’est encore mieux.
Stéphanie Desvaux. J’allais justement préciser qu’on parle de plastique spécifique pour la conservation et pas celui que l’on utilise à l’école, car il a tendance à faire fondre les imprimés et donc vous avez déjà tous eu cette expérience d’enlever une photocopie d’un plastique et que l’ensemble de la photocopie ce soit imprimé sur le plastique. Il faut veiller à ne pas utiliser un plastique ordinaire mais du matériel de conservation spécifique pour les archives, sinon on peut avoir des catastrophes.
Florent Lamontagne. On fait un pont super là sur la dernière slide. Stéphanie, on va te laisser te présenter et ensuite on reviendra sur les questions qui vous concernent toutes les deux. Stéphanie, on t’écoute !
Stéphanie Desvaux. Comme nous le disions, nous sommes complémentaires avec Camille, car j’ai vraiment cette vocation de protéger mais aussi de valoriser et de faire en sorte de transmettre les fonds d’archives, quels que soit le contenu et les périodes représentées. J’ai un panel de missions, comme des conseils, des stratégies globales sur la préservation et la valorisation d’un fonds, des recherches historiques et iconographiques qui viennent aussi nourrir l’histoire contextualisée ou parfois simplement documenter une demeure — parce qu’il arrive aussi que l’on ait plus d’archives parce que la catastrophe a déjà eu lieu si un incendie a détruit la quasi-totalité du fonds, on a parfois besoin de faire des recherches à l’extérieur sans en avoir toujours le temps et la méthode, et moi je peux travailler sur ce type de point — le traitement et la préservation de collections d’archives donc principalement le classement, des inventaires plus ou moins détaillés et des projets de numérisation, et puis enfin de la valorisation par le biais d’expositions, de brochures, de publications, ça peut être très varié, et on est de plus en plus créatif dans ce domaine-là. Le patrimoine peut être valorisé de manière moderne et amusante.
Les 4 grandes missions de l’archiviste sont définies dans le métier par les fameux 4 C : Collecter, parce que souvent ces archives sont éparpillées dans une demeure ou dans un lieu. Donc on va les rassembler dans un lieu sein propice à la conservation, dans l’idéal sans canalisations et autres risques. Classer, pour créer un inventaire et connaître son fonds, ce qui est la meilleure manière de le transmettre et de s’assurer qu’aucun élément ne s’est perdu au fil de temps, et cela permet aussi de savoir quels sont les trésors qui se trouvent dans son fonds d’archives. La Conservation, Camille en a très bien parlé. Nous sommes à la fois sur un conseil préventif et curatif. Dans ce cas, je renvoie vers des professionnels dont c’est le métier, car je n’ai pas les compétences d’une restauratrice. Et enfin la Communication, par le biais de la valorisation.
J’ai un exemple concret pour vous montrer le traitement d’un fonds familial dans un château. On partait sur un fonds très volumineux, dispersé un peu partout et en vrac, comme vous pouvez le voir sur la photo. La mission consistait à le rassembler, faire un travail d’inventaire détaillé (parce que là on était sur un inventaire pièce à pièce, c’est-à-dire que chaque document est répertorié avec sa date, sa description, son état de conservation), puisqu’ensuite derrière on peut préconiser une restauration ou un traitement de dépoussiérage, le reconditionnement — comme la dit Camille, c’est essentiel de bien les conditionner avec par exemple du matériel ignifugé, qui permet de ralentir le processus de dégradation en cas de sinistre.
Les propriétaires du château se sont aussi ouverts à un projet de numérisation et même des projets de valorisation à travers des conférences suite à une prise de conscience de la valeur de leurs archives. Ces archives n’ont alors pas seulement vocation à dormir dans un placard mais peuvent aussi continuer de vivre par ailleurs.
Il y avait des documents de tout type, de la charte du XIIe siècle jusqu’aux factures des années 2000, qui d’ailleurs étaient mélangées dans les mêmes boîtes. J’ai donc eu un gros travail de reclassement du fonds mais avec des petites pépites. À gauche par exemple, une lettre adressée à Eugène Delacroix, j’avais donc la chance de toucher à des pans de notre histoire nationale et c’était un vrai plaisir. Je travaille aussi bien sur les archives papiers que photographiques, des registres comme vous pouvez le voir.
Les enjeux pour ce fonds étaient vraiment : (1) d’optimiser l’espace, (2) d’assurer la préservation du fonds, (3) d’en identifier son contenu, (4) d’assurer sa transmission. Pour assurer cette transmission, j’accompagne sur un projet de numérisation qui permettra ensuite d’accéder aux documents plus facilement et de prévenir une dégradation potentielle, car comme le disait Camille, la manipulation contribue aux dommages sur les documents et donc l’avantage de les numériser c’est que l’on peut les consulter sans à chaque fois les manipuler, ce qui ralentit le processus de dégradation.
Vous avez ici un avant et un après. Les archives jusque là étaient conservées dans des boîtes certes, donc c’était positif car il y avait déjà un travail et une volonté de les mettre dans des boites d’archives spécifiques pour ce type de classement, mais à même le sol, donc s’il y avait eu un dégât des eaux, elles auraient tremper dedans. L’idée était vraiment de les replacer dans des armoires spécifiques et d’éviter ce vrac d’archives à tout va, qui prenait la poussière sur des tables, comme on peut le voir à droite.
Au total, j’ai traité 16 mètres linéaires d’archives, ce qui correspondait à 97 boîtes. C’était assez volumineux. On m’a demandé aussi d’inventorier la bibliothèque et les registres, environ 1145 cotes, sur un fonds très large en termes de chronologie, du XIIe siècle au XXIe siècle. L’estimation pour le projet de numérisation à venir est de 41 000 vues. Ce projet va représenter un très long travail de numérisation et d’indexation, car le travail de l’archiviste c’est aussi de retrouver l’information et les documents. Les fichiers doivent donc être directement nommés et indexés pour que vous puissiez les retrouver derrière.
Florent Lamontagne. Le travail en amont avant la numérisation a demandé combien de temps ?
Stéphanie Desvaux. C’est difficile à dire. Alors que j’étais en train de classer je savais que je devais aussi procéder au projet de numérisation, donc j’ai comptabilisé les vues au fur et à mesure. Pour vous rassurer, l’idée n’est pas non plus de compter l’ensemble des vues de chaque boîte, des 97 boîtes. J’ai fait une moyenne en prenant un échantillonnage de 3 ou 4 boîtes. C’est fastidieux mais il faut le faire. De même pour les registres, c’est-à-dire, sur la photographie que vous avez vue en haut à droite, les registres sont plus ou moins volumineux. Je prenais une moyenne du nombre de vues dans les petits registres et dans les plus gros et je faisais ensuite une moyenne. Après, il y a une part de négociation avec le prestataire de numérisation, puisque j’envoie les documents chez les prestataires spécialisés en numérisation du patrimoine et pas à un imprimeur local, qui va vous écraser le document dans un scanner (ça aussi ça arrive). Si vous voulez vraiment prendre soin de vos documents cela représente un investissement mais il est quand même préconisé de faire appel à un spécialiste. Ils ont des outils, des machines qui sont vraiment adaptés à vos registres, qui n’écrasent pas les reliures, et leurs agents savent manipuler ces documents de manière précautionneuse.
Pour finir sur quelques conseils que vous pouvez déjà mettre en place, c’est tout simplement de veiller au lieu de conservation pour faire en sorte qu’il soit le plus sein possible, veillez au matériel de conservation en évitant le plastique, les trombones, par exemple, qui rouillent et s’oxydent puis qui arrachent le document, le scotch. Comme le disait Camille, un des facteurs de dégradation les plus importants pour les documents anciens c’est le facteur humain. Il faut donc faut vraiment les manipuler avec soin. Si vous retirez un registre de votre bibliothèque, ne l’attrapez pas par la tranche en la serrant très fort, car vous êtes sûr que la tranche va vous rester dans la main. Ce sont des petites choses comme cela, comme de ne pas avoir de verre d’eau près de sa pile de documents, d’utiliser un crayon à papier pour éviter que le feutre se retrouve sur le parchemin. Tous ces petits conseils peuvent vous aider dans un premier temps à éviter de dégrader vos documents.
Florent Lamontagne. Nous allons maintenant passer aux questions qui vous concernent toutes les deux : où peut-on trouver ces fameuses boîtes ? Comment organiser un pré-classement à titre personnel ? Faut-il s’adresser à des spécialistes grand public ou faut-il à des spécialistes comme vous, qui peuvent accéder à ces objets-là ?
Et une autre question, qui n’a rien à voir mais qui revient souvent : est-ce intéressant de déposer ses archives familiales et personnelles auprès des archives départementales ? On veut votre avis !
Stéphanie Desvaux. Je te laisse répondre à la première question, Camille.
Camille Haumont. D’accord ! La deuxième m’amuse aussi beaucoup ! Au risque de frustrer chacun, je ne peux pas donner de noms de sites ou de magasins, car je me fournis chez des professionnels pour les collectivités locales avec lesquelles je travaille. Pour ceux qui utilisent internet, si on tape sur le moteur de recherche « boîte de conservation d’archivages en carton neutre », vous allez déjà avoir pas mal de suggestions intéressantes. Je pense aussi à des fournisseurs parisiens qui fournissent aussi pour les reliures et qui devraient pouvoir vous conseiller.
Après pour avoir vu des boîtes d’archive classiques, ce n’est pas l’idéal mais c’est mieux que rien. Si vraiment vous n’arrivez pas à avoir des boîtes en carton neutre. Juste une suggestion, les feuilles en papier toujours blanc : bannissez les couleurs. Et il faut bien chercher des matériaux non acides et neutres, ce sont les deux critères de recherches les plus importants.
Florent Lamontagne. Autres questions : est-ce intéressant de mettre les documents dans des boîtes de fer ? Et, quand on a des objets médiévaux ou très anciens, est ce qu’il y a des contenants particuliers selon les époques, selon les supports ? Par exemple, conseillez-vous plus des boîtes obscures pour les photos, ou peut-on prendre une boîte assez générique ?
Camille Haumont. Là c’est effectivement assez large. Globalement, évitez les objets en métal, parce qu’ils peuvent s’oxyder et après l’oxydation migre sur les supports. Le métal a aussi tendance à créer un pont thermique et donc de la condensation, un apport d’humidité. Globalement, ça dépend. Je conseillerais de toujours se renseigner auprès d’un spécialiste pour être sûr de ne pas faire de bêtises dans ce qu’on achète.
Florent Lamontagne. Et pour la question : est-ce que c’est intéressant de déposer ses archives personnelles et familiales auprès des archives départementales ?
Stéphanie Desvaux. C’est un sujet épineux. Les avis sont partagés. Je ne vais pas donner mon avis. Je le fais quand on me sollicite, car c’est aussi au cas par cas. C’est bien de pouvoir enrichir les fonds publics, il n’y a aucun problème là-dessus. Au contraire, cela peut être une manière de s’assurer que son fonds est conservé dans les meilleures conditions, puisque normalement les centres d’archives départementales ont tout le matériel de reconditionnement, ventilation, etc nécessaire. C’est une institution qui va faire en sorte de conserver votre fonds dans les meilleures conditions.
Il faut savoir qu’il y a plusieurs manières de les déposer, ça peut être un dépôt ou un don. Les conditions d’accès ne sont pas les mêmes. Je ne vais pas rentrer dans les détails juridiques, mais il faut savoir qu’en fonction du contrat juridique qui vous lie, vous n’en êtes pas dépossédé, sauf si vous avez fait un don. Mais les conditions d’accès à ces documents sont plus restreintes : vous êtes soumis aux horaires d’ouvertures du lieu, donc ce n’est pas comme s’ils étaient dans votre demeure. En fonction du temps de traitement du fonds, c’est-à-dire en fonction du classement du fonds que vont faire les agents départementaux, ce fonds sera plus ou moins accessible.
Ce sont des choses qu’il faut avoir en tête. La démarche est intéressante mais il ne faut pas oublier ces petits points. C’est généralement la réponse toute crue que l’on donne à la personne qui chercher à préserver son fonds, c’est la facilité. Il faut savoir que les fonds budgétaires des archives départementales ne sont pas illimités, donc ils géreront comme ils pourront et surtout quand ils pourront.
Il faut trouver le bon équilibre, il faut s’intéresser à l’institution en elle-même pour savoir si elle est prête à recevoir ce fonds, dans quelle mesure, avec quels moyens, etc.
Camille Haumont. Je rebondis sur ce que tu dis. Je pense que c’est une question de confiance. Ce n’est pas une obligation. Il faut savoir que les centres ont tout ce qu’il faut pour préserver les archives dans les meilleures conditions possibles, mais certains sont mieux lotis que d’autres. Le risque 0 n’existe pas, en revanche chacun fait comme il le sent. Si effectivement vous n’arrivez pas à conserver vos archives à cause du risque d’incendie, très poussiéreux, etc, ça vaut le coût de se poser la question. C’est une affaire de confiance avec le service d’archives.
Florent Lamontagne. Je m’adresse à toutes les personnes qui nous écoutent, car les questions se multiplient. Je ne sais pas si on va pouvoir répondre à tout, mais vous pouvez aussi contacter Camille et Stéphanie en direct. On va mettre leurs coordonnés. Sur la page d’invitation, vous retrouverez leurs coordonnés. Elles seront ravies de pouvoir vous répondre. Une question plutôt pour Stéphanie : Lorsque l’on scanne des documents les abîme-t-on ?
Stéphanie Desvaux. Comme je le disais tout à l’heure à propos du projet sur lequel je travaillais. Scanner un document n’est pas en soi une catastrophe si c’est fait par des personnes spécialisées dans la numérisation patrimoniale. L’agence de numérisation qui a l’habitude de scanner les factures de votre comptable va utiliser des photocopieuses avaleuses ou alors un scanner à plat qui va écraser le document. Un prestataire spécifique, lui, a le bon matériel et il a formé ses agents à la manipulation des documents. Donc ils sauront sortir le document de sa pochette, retourner les pages, le faire avec soin, et puis ils auront un scanner avec une ouverture d’angle contrôlé, etc.
J’ai eu aussi une question demandant s’il fallait prioriser le scanner ou l’appareil photo, mais en fait cela dépend de la capacité d’ouverture du document, de l’état de la reliure. Une photo, si vous écrabouillez votre document et que vous l’ouvrez à fond, va autant endommager que si vous l’aviez passer dans un scanner. Il vaut mieux passer par un scanner professionnel dédié au patrimoine. Tout dépend des outils et de la manière dont vous manipulez vos documents.
Camille Haumont. Pour les photos, le problème du scanner est son fort apport lumineux, alors que les professionnels qui font de la numérisation vont utiliser un certain type d’éclairage et cela va être assez rapide. Les flashs ne sont jamais vraiment bons, mais la numération c’est « le dernier flash » avant fermeture du livre ou de la liasse. Après on le maintient dans l’obscurité et à l’abri. La numérisation est une forme de conservation.
Florent Lamontagne. Beaucoup de questions. L’une d’elles m’interpelle, car je ne maîtrise pas le sujet : le papier de soie peut-il être utilisé ?
Camille Haumont. Ça dépend. Il faut être sûr que c’est du papier de soie non acide. Si on peut, on doit prendre une résistance alcaline, un tampon alcalin en fait, c’est-à-dire, qu’ils vont être plutôt en matériaux basiques et certains papiers de soie sont un peu acides et d’autres non, donc il faut bien se renseigner auprès du fournisseur. Le papier de soie peut permettre d’emballer pour transporter ou isoler. En terme de conservation ça n’est pas forcément le mieux, ce n’est pas vraiment un matériau que l’on utilise pour les livres, mais plutôt pour les textiles, pour les protéger dans les tiroirs contre les apports de poussière. Je ne sais pas quel usage cette personne veut en faire mais je pense que c’est un bon outil pour transporter un document d’un point A à un point B, pour isoler et protéger pendant le déplacement. Mais en terme de conservation ça n’est pas forcément le mieux. Il y a du papier cartonné pour emballer, ce serait quand même mieux. Encore une fois, ça dépend.
Florent Lamontagne. Le temps passe très vite, c’est passionnant, car on se rend compte que le patrimoine ce n’est pas que la pierre, mais aussi les supports papier, photos, livres, etc. On peut faire peut-être de petites conclusions, si vous voulez dire quelque chose. Après on verra si on a encore le temps pour une ou deux questions parce qu’il y a beaucoup de choses. On nous demande même des conseils. Là je pense que le mieux c’est vraiment de retourner vers Stéphanie et Camille. Camille, peux-tu nous faire une petite conclusion pour clôturer ce webinaire passionnant ?
Camille Haumont. Merci de nous avoir permis ces échanges. C’est frustrant de devoir s’arrêter et de ne pas pouvoir répondre à toutes les questions. J’aimerais pouvoir le faire alors n’hésitez vraiment pas à nous envoyer des messages. Faites surtout preuve de bon sens dans votre conservation des matériaux, c’est vraiment la clé.
Stéphanie Desvaux. Je rejoins Camille : je suis heureuse qu’il y ait eu une vingtaine de questions au total, car ça montre à quel point vous avez à cœur de préserver et de transmettre ce patrimoine. C’est beau de voir qu’on ne met pas les archives au placard, mais qu’on a envie d’en faire quelque chose ! C’est toujours aussi satisfaisant pour les professionnelles que nous sommes. Comme disait Camille, au pire des cas, quand vous ne savez pas, il vaut mieux demander conseil que de faire une bêtise qui serait irréversible ou en tout cas difficilement réparable. Il vaut mieux prendre le temps de se renseigner plutôt que de se précipiter.
Florent Lamontagne. Pour chacune d’entre vous : est-ce que votre métier évolue sans cesse ? Disposez-vous de nouveaux procédés, de nouveaux matériaux ? De nouvelles techniques ? De nouveaux classements ? De nouvelles méthodes ? Est-ce que votre métier avance, un peu comme la science ?
Camille Haumont. Oui. Notre travail est très technique et donc par définition il y a perpétuellement des évolutions et des innovations. On apprend beaucoup des laboratoires nationaux qui travaillent beaucoup sur nos supports. On n’imagine peut-être pas comme ça, mais la Bibliothèque nationale, les Archives nationales et le Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques (LRMH) font des études sur nos supports pour savoir comment au mieux les préserver. On en apprend tous les jours, d’abord à l’échelle de notre domaine et individuellement d’expériences et des formations permettent d’évoluer s’en cesse, donc c’est très riche.
Stéphanie Desvaux. Comme dans tout métier, il faut se tenir au courant des dernières nouveautés, des nouvelles techniques. En archivistique, on a des normes internationales donc on doit se tenir informer aussi de tout cela, même si pour les archives privées on est bien sûr plus flexible : ce n’est pas aussi rigoureux que dans le domaine public. Moi, venant à l’origine du public, étant une ancienne attachée de conservation, je tiens quand même à m’informer sur tout cela. Cette veille se fait aussi en gardant contact avec nos paires et c’est très enrichissant. Typiquement, comme nous le disions avec Camille, nous sommes complémentaires. Et je pense qu’on pourrait nous laisser dans une salle pendant des heures à échanger sur les problématiques qu’on rencontre au quotidien et c’est aussi comme cela que nous apprenons de nouvelles méthodes, que nous complétons notre propre savoir.
Florent Lamontagne. Pour les personnes qui ne sont pas initiées : existe-t-il des stages, des formations ouvertes au grand public, pour s’initier en amont avant d’aller voir des professionnels pour des choses plus pointues ?
Camille Haumont. C’est un sujet très intéressant que tu soulignes. Dans le domaine de la restauration, il existe des centres de formation tenus par des professionnels qui se sont mis à leur compte et proposent des formations au grand public. Il y en a quelques-uns en France. Par contre en conservation préventive, à ma connaissance hélas non. Mais c’est très intéressant de le souligner, car c’est quelque chose qu’il faudrait peut être développer. On le développe depuis quelques années pour les professionnels (archivistes et bibliothécaires) mais pas pour le privé à ma connaissance. Mais je pense qu’avec Stéphanie ce sont des choses que l’on pourrait tout à fait proposer. C’est quelque chose qui manque, je pense.
Stéphanie Desvaux. Je suis souvent sollicitée sur le sujet mais par manque de temps je n’ai pas créé de formation spécifique. Mais je sais qu’il y a des formations qui sont dispensées par l’AAF — l’Association des archivistes français — qui se déroulent sur 3 à 4 jours. Je pense qu’elles sont ouvertes au grand public, mais il faut vérifier. L’AAF a son siège à Paris et donc les formations sont en Région parisienne. C’est toujours pareil, j’ai vu qu’il y avait une question sur la dimension régionale des projets et effectivement on a un pôle parisien très fort et en région nos métiers sont un peu moins représentés, mais il ne tient qu’à nous de faire bouger les lignes.
Florent Lamontagne. Nous allons en rester là. Je tenais à remercier vraiment tout le monde, tous les gens qui ont suivi et posé des questions. Pardon de ne pas avoir pu répondre à tous. N’hésitez pas à vous rapprocher de Camille et de Stéphanie. Je les connais un peu, elles sont compétentes, sympathiques et dynamiques ! À un prochain rendez-vous avec VMF Crescendo, pour un nouveau webinaire ! Merci ! À très bientôt !