La 10e édition du Prix des femmes architectes a eu lieu le 15 novembre 2022 au Pavillon de l’Arsenal, à Paris. Retour sur la nécessité de cet événement annuel.
Créé par L’ARVHA (Association de recherche sur la Ville et l’Habitat), association de référence dans le domaine de l’architecture, qui effectue des recherches, des études et des formations dans le domaine de l’habitat et du cadre de vie, ce prix pallie le déficit évident de valorisation du remarquable travail des femmes architectes. Soutenu par le Ministère de la Culture et le conseil national de l’Ordre des architectes, il vise à « mettre en valeur des femmes de qualités et qui ont créé des projets de qualité » [1].
En 2022, six architectes talentueuses sont mises à l’honneur :
– Prix des Femme architecte : Christelle Avenier
– Prix international : Rozana Montiel
– Prix Jeune Femme Architecte : Cristina Vega Iglesias
– Prix Œuvre originale : Julie Degand
– Mention spéciale Prix Femme Architecte : Adeline Rispal
– Mention spéciale Prix jeune : Claire Garcia Barriet.
Si les écoles d’architectures sont paritaires en France, 8% des femmes seulement fondent ou dirigent ensuite leur propre agence. En cause, la reconnaissance tardive de leurs travaux. Le documentaire Femmes architectes produit en 2018 par Demain TV explique que les femmes sont prévenues dès le début de leur carrière, plus ou moins implicitement, de la longue épopée qui les attend. « On nous a toujours dit très clairement : on est jeune architecte jusqu’à 50 balais, donc de toute façon, tant qu’on l’on n’arrive pas à cette étape, on nous prend plus ou moins au sérieux » explique Françoise N’Thépé, architecte et directrice de sa propre agence. De grandes figures de l’architecture ont pourtant prouvé par le passé « qu’elles sont aussi importantes, et qu’elles travaillent aussi bien que les hommes »[3], telles Eilleen Gray, Denise Scott Brown ou Charlotte Perriand.
Force est de constater que le monde professionnel de l’architecture, et par extension celui de la construction, demande plus aux femmes qu’aux hommes de prouver leur mérite. Ce soupçon d’incompétence peut durer de nombreuses années. Catherine Gayot explique par exemple qu’à la question « Connaissez-vous des femmes architectes ? », qu’elle pose souvent en conférences, les hommes, « arrivent à en sortir une, deux, mais trois jamais »[4].
Stéphanie Bouysse-Mesnage, historienne de l’architecture, du rôle et des pratiques des « femmes architectes », explique que les architectes femmes font face, encore aujourd’hui, à des situations que vivaient déjà leurs consœurs dans les années 1930, notamment l’obligation, en général, de s’associer à un homme pour mener à terme leurs projets de construction, au moins au début de leur carrière. Une coopération à tel point encouragée qu’elle en serait même survalorisée, d’après la sociologue Nathalie Lapeyre. L’architecte Odile Decq explique que la perte de son binôme masculin, Benoît Cornette, en 2018, a même remis en question sa capacité à tenir sa propre agence.
Les architectes sont confrontées à un plafond de verre dès qu’elles visent des projets d’envergure, autrement dit ceux susceptibles d’apporter une reconnaissance nationale et internationale. Elles sont « souvent responsables de construction de maisons individuelles synonymes de refuge et d’intériorité, des projets plus intimes liés à la sphère privée, alors que les réalisations plus prestigieuses sont souvent le fait d’hommes architectes. »
Créé en 2013, ce prix contribue à lutter contre toutes les inégalités dont sont victimes les femmes comme, par exemple, la question salariale. En 2022, le salaire brut horaire moyen des femmes salariées équivaut à 83 % de celui des hommes[7].
Grâce à leurs réalisations innombrables et remarquables, telles que celles de Zaha Hadid (1955-2011), l’architecte et urbaniste irako-britannique, qui a notamment réalisé le Musée national des arts XXIe siècle à Rome, ces architectes construisent progressivement une nouvelle réalité, plus égalitaire.
Lauréates et membres du jury du Prix des femmes architectes de 2022, le 15 novembre 2022. © DR
[1] Entretien en 2021 de Catherine Guyot directrice de l’ARVHA depuis 1997. à l’occasion de la journée internationale de la femme.
[3] Entretien en 2021 de Catherine Guyot directrice de l’ARVHA depuis 1997. à l’occasion de la journée internationale de la femme.
[7] Margaux Darrieus, Alice Dubet, « 10 chiffres sur la place des femmes dans l’architecture », Architecture Mouvement Continuité, Mars 2021.