Carnet d’Histoire rencontre ce mois-ci Guillaume Garbe. Ce jeune châtelain de 31 ans nous raconte son épopée en tant que propriétaire du château de Carneville, dans la Manche. Une aventure qui a commencé il y a plus de 10 ans déjà. Amis lecteurs, une chose est sûre : le projet de Guillaume à Carneville va vous emporter.
Historien de l’art et issu d’une famille d’antiquaires, Guillaume a le goût du beau et de l’ancien dans le sang. S’il est attaché au château de Carneville depuis son enfance, son objectif premier n’était pas forcément de l’acheter. Il souhaitait au moins pouvoir l’entretenir, être utile au domaine. Par un coup de pouce du destin, le château a finalement été mis en vente et Guillaume en est devenu l’heureux propriétaire.
Les premières traces d’occupation du domaine de Carneville — des pierres celtiques — attestent de l’origine très ancienne du lieu. La famille Simon de Carneville fait ensuite construire sur un pan de colline une motte féodale à vocation défensive, prise par les Anglais pendant la Guerre de Cent ans. La famille ne revient sur les lieux qu’en 1637 et fait bâtir sur l’autre versant de la colline une propriété de gestion foncière, ou maison de plaisance. Le lieu est idéal : la colline protège la maison des vents et 50 à 60 sources sont présentes sur le domaine.
Un second manoir, dit des Annoteux, est élevé en 1699, auquel est ajoutée une boulangerie en 1725. Le château même est construit sous Louis XV, en 1750. Particularité du domaine de Carneville : chaque bâtiment est intact et correspond à une époque. Une volonté de s’inscrire dans la continuité du lieu.
L’histoire de Guillaume et de son château
En 2012, lorsque Guillaume devient propriétaire du château, les priorités sont la mise en sécurité des couvertures et la remise en état du parc, longtemps abandonné. Avec l’aide de l’association des Amis du château de Carneville, qui compte une centaine de membres, le domaine reprend vie peu à peu et le parc ouvre au public en 2014.
Le château sous échafaudage. © Château de Carneville Lucarne de la croupe est pendant les travaux. © Château de Carneville Détail du parquet Versailles dans le salon de musique. Comme de nombreuses demeures anciennes, Carneville a été confronté aux attaques de la redoutable mérule. © Château de Carneville
Mais ça n’est pas tout. Le projet de Guillaume n’est pas uniquement la réhabilitation du château : il tient à faire revivre le lieu dans son intégralité. Ainsi, au fur et à mesure des années, trois maraîchers, deux boulangers, un apiculteur entomologiste, un gestionnaire de réseaux hydrauliques et sa propre sœur élisent le château comme domaine de leurs activités. Comme le signale Guillaume, « nous sommes de nombreuses personnes à avoir intérêt à ce que cette maison tourne et soit toujours en vie : c’est le cœur de notre projet ».
Là est l’âme du concept qu’il a imaginé : « l’idée est que tout le monde est responsable de sa propre légitimité sur place. Chacun doit ainsi donner toute son énergie pour que cela fonctionne et le projet du château est l’addition de tous ces succès », continue-t-il.
Guillaume Garbe est parti d’un constat simple : la société a évolué et Carneville n’est plus adapté à celle-ci. Il faut laisser les gens s’exprimer et que le projet fonctionne, voilà l’image à partager avec le public. Le jeune châtelain continue en disant que pour lui, reprendre un monument historique dépasse son envergure personnelle et qu’il faut que chaque personne qui intègre le projet aille dans la même direction en œuvrant pour la préservation du patrimoine bâti, de l’environnement et du lien social.
Des problèmes ? Carneville en a eu son lot, comme tout monument historique. Notamment 1 000 mètres carrés infestés par la mérule. « Les problèmes sont proportionnels au nombre de mètres carrés et au nombre d’hectares » ironise le propriétaire, « ça donne une très grosse claque d’humilité ». Mais Guillaume tient à rappeler un point important : « un monument historique nous inscrit dans un parfait continuum depuis des siècles et notre action permet que cela continue. C’est la somme de plusieurs maillons qui fait qu’un monument est historique ».
L’humilité, qualité importante pour un futur propriétaire de monument
Pour terminer, Guillaume Garbe a également quelques conseils pour vous, futurs propriétaires. Premier conseil : il faut penser au sanitaire et faire l’inventaire de tous les bâtiments et de leur état. Deuxième conseil : avoir l’humilité de se demander pourquoi on veut acheter un monument. Pour acquérir un statut social ou pour se consacrer à son devenir ? Enfin, il est important de faire la liste des outils de la maison et de trouver comment faire pour que ceux-ci fonctionnent.
Chaque monument historique est unique et Guillaume est le passeur de Carneville. Nous vous encourageons à vous rendre au château. Du 21 au 25 avril, le festival Les Féeries s’installe à Carneville et propose un spectacle son et lumière intitulé Terre de Miracle.
Rendez-vous également sur le site internet du château pour connaître ses dernières actualités et les horaires de visite du parc.
Pour en savoir plus : https://www.chateaudecarneville.com/