Rien ne prédestinait Agnès Ramé à devenir jeune repreneuse d’un monument historique : après deux premières carrières dans l’optique puis dans l’immobilier, elle tombe amoureuse de la chapelle des Feuillants à Poitiers (Vienne), après presque toute une vie à habiter dans la région. Carnet d’Histoire est partie à la rencontre de cette jeune femme dynamique et multi-casquettes, bien décidée à montrer que l’on peut faire revivre un monument historique et lui redonner une dynamique adaptée à notre époque, quel que soit notre âge, notre situation et les difficultés que l’on rencontre.
En 1699, un premier monastère voit le jour avec une chapelle, dans la rue des Feuillants à Poitiers, rue dont il prendra le nom. Les moines qui l’habitent en sont chassés sans ménagement à la Révolution Française.
Une histoire de femmes
Il faut attendre 1806 pour que Madeleine Sophie Barat, fondatrice de la société du Sacré-Cœur de Jésus (qui veut développer l’enseignement pour les jeunes filles) décide de redonner vie au lieu en y créant un pensionnat pour jeunes filles. Le couvent et sa communauté connaissent alors un grand succès et le site s’étend : Madeleine Sophie fondera 80 autres écoles de son vivant, dans le monde entier.
Au moment de la séparation de l’Église et de l’État en 1905, les religieuses du Sacré-Cœur de Jésus sont chassées du lieu et n’y reviennent qu’en 1913, grâce à la contribution d’une autre femme, la comtesse Aubaret, qui rachète la chapelle pour la leur rendre.
Dans les années 1980, le couvent est vendu à un promoteur immobilier, car les religieuses ne peuvent plus entretenir les lieux. La chapelle du Sacré-Cœur des Feuillants est progressivement laissée à l’abandon et menacée de destruction dans les années 1990, avant d’être inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, en 1997.
C’est Agnès Ramé qui, en 2018, prend la succession de ces femmes inspirantes et décide, elle aussi, d’apporter sa contribution à la résurrection de la chapelle des Feuillants, abandonnée depuis plus de 20 ans, tout en continuant à exercer un autre métier, celui de directrice générale d’une marque de co-working pour une foncière immobilière.
Redonner vie à ce joyau du patrimoine
La priorité est la rénovation de la toiture, en urgence absolue. La charpente de la chapelle dite « à la Philibert Delorme » est aussi belle que complexe à restaurer, car elle réserve de nombreuses surprises au fur et à mesure qu’elle est découverte. D’un budget initial de 900 000 euros, le coût estimé des travaux est passé à 1,8 million euros (uniquement pour la toiture).
Les travaux vont également reprendre dans la nef et pour le dôme. Ils sont financés par la levée de fonds, des dons, du mécénat, les prix gagnés (notamment celui du jeune repreneur 2022 de la Fondation du Patrimoine et le prix d’encouragement donné par la délégation VMF de la Vienne en 2021) et des subventions.
Être jeune repreneur de monument historique : un long fleuve tranquille ?
« Non, certainement pas ! » répond Agnès Ramé. « Il faut jongler entre les problèmes liés à une restauration plus compliquée que prévu et comment trouver un modèle économique pérenne. Une chapelle seule, c’était compliqué. On a eu la chance et l’opportunité d’acquérir deux autres bâtiments adossés à la chapelle et on a pu y monter un tiers lieu culturel et artistique, pour promouvoir les arts et la culture. Nous montons par ailleurs un projet socio-éducatif pour aider les jeunes à venir se reconstruire par la création artistique et la découverte de leurs talents. »
Agnès Ramé a également dû faire face à un autre problème de taille : le repreneur avec qui elle a monté le projet a finalement trouvé celui-ci trop dur pour lui et elle s’est donc retrouvée seule. Qu’à cela ne tienne, elle ne s’est pas démontée pour autant et a décidé de continuer l’aventure. Aujourd’hui, elle reçoit l’aide d’une médiatrice culturelle, un service civique, une personne en charge du projet socio-éducatif et une cinquantaine de bénévoles.
« À la conquête des talents pour promouvoir le beau et enrichir le monde »
Tel est le slogan de l’association du Chant des Feuillants, dirigée par Agnès Ramé. La chapelle des Feuillants est aujourd’hui un tiers-lieu culturel et artistique pour la ville de Poitiers, qui donne lumière et visibilité aux artistes, permettant ainsi de développer l’offre culturelle de la ville tout en la rendant accessible à tous les âges et à tous les horizons. Dans les années à venir, sont envisagés un spectacle propre à la chapelle, avec une programmation culturelle et artistique propres également.
Conseils aux futurs repreneurs de monuments historiques
« Pierre à pierre, pas à pas » est le premier conseil d’Agnès Ramé : le plus important est la persévérance, qui paie toujours et récompense. Elle ajoute : « il faut aussi savoir regarder en arrière pour voir tout ce qui a été fait, au lieu de se faire engloutir par ce qu’il reste à faire. »
« Une dynamique est lancée, porteuse pour le futur et pleine d’espérance », continue-t-elle avant de souligner l’importance d’avoir une communauté solide autour du projet, qui redonne de la gnaque pour continuer tous les jours.
Comment aider la chapelle des Feuillants
En premier lieu en faisant connaître autour de vous son existence. Reste aujourd’hui à financer notamment la restauration de la couverture, du dôme et du tambour à hauteur de 550 000 euros, mais également le transept sud, nord et est, à hauteur de 528 000 euros. Vous pouvez aussi choisir de devenir membre argent, or ou platine des Amis des Feuillants, vous permettant ainsi de bénéficier de privilèges.
L’histoire d’Agnès Ramé et de la chapelle des Feuillants est un véritable exemple d’inspiration et de persévérance. La passion de la jeune femme pour la préservation du patrimoine historique a conduit à la réalisation de travaux colossaux pour sauver cette chapelle magnifique et la ramener vers une nouvelle gloire. Nous ne pouvons que vous recommander de vous renseigner sur la chapelle des Feuillants pour apprécier toute la beauté, l’histoire et les incroyables projets que ce lieu a à offrir.