La Coupole, à Helfaut (Pas-de-Calais), est l’un des monuments historiques les plus impressionnants de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Cette ancienne base souterraine allemande de lancement de fusées V2 a été réhabilitée en 1997 pour devenir un Centre d’Histoire et de Mémoire. Ce dernier met en exergue, à travers une série de parcours, l’histoire de la guerre de 1939-1945, ses enjeux scientifiques, et celle de la conquête spatiale.
Lorsque les nazis mettent au point la fusée V2 grâce à l’ingénieur spatial Werhner Von Braun, au centre de recherche de Peenmünde, l’organisation Todt, groupe de génie civil et militaire du Troisième Reich, décide de construire, à l’image du blockhaus d’Éperlecques, une base de lancement de missiles balistiques dans le Pas-de-Calais, dont l’objectif est de bombarder Londres et le sud de l’Angleterre. Il faudra attendre 1943 pour que les fusées V2 soient fabriquées en nombre. Situé dans une ancienne carrière de craie dans la vallée de l’Aa, le bunker souterrain compte des centaines de galeries et un dôme de béton de 5,5 mètres d’épaisseur et pesant 55 000 tonnes, couvrant la salle de préparation de tir.
Conçu pour accueillir 500 fusées et en tirées 50 par jour, le blockhaus était situé non loin d’une ligne de chemin de fer, près de la gare de Wizernes, et servait aussi de base de ravitaillement depuis les usines de production en Allemagne. Ces missiles V2 étaient fabriqués par des détenus et travailleurs forcés dans des camps de concentration, tels que celui de Dora-Mittelbau, créé en août 1943 en Thuringe, où près 60 000 personnes de vingt-et-un pays différents étaient détenues. Les V2 atteignaient une altitude de 100 à 120 km, une vitesse de 5 000 km/h, supérieur à celle du son et à celui de leur prédécesseur (V1). Elles pouvaient détruire une cible distante de 350 km.
Mis en œuvre entre octobre 1943, le projet de ravager l’Angleterre par des bombardements V2 ne verra néanmoins jamais le jour. Le non-achèvement de La Coupole trouve ses raisons parmi les nombreuses attaques aériennes qu’elle a subies, sans qu’elles ne parviennent à toucher le dôme. Le débarquement du 6 juin 1944 et la libération de Paris, entre le 19 et le 25 août 1944, n’ont pas laisser suffisamment de temps aux nazis pour terminer leurs travaux. Seule la structure extérieure du site ainsi que les galeries ont put être achevées. Quant à la salle de préparation au tir, la craie naturelle du site reste encore apparente.
Peu après la guerre, les Anglais mènent en 1944 une enquête pour analyser les lieux, tout comme les sites de Mimoyecques, Siracourt, Watten et Wizernes. Ils détruisent partiellement La Coupole pour empêcher les Soviétiques de se l’approprier. Abandonné, le site devient le terrain de jeu des motocross, puis est voué pendant un temps à l‘entraînement au tir de la police. Les habitants de la région viennent visiter ce vestige de la Seconde Guerre mondiale.
Une première porte ouverte est organisée en 1987, attirant près de 20 000 visiteurs. L’ouverture au public n’est pas seulement un grand succès, elle permet de lancer, sous l’impulsion d’Yves Le Maner, professeur d’Histoire contemporaine à l’Université de Lille-III, un plan de réhabilitation en 1997, transformant La Coupole en un Centre d’Histoire et de Mémoire de la Seconde Guerre mondiale et des fusées. L’universitaire concevra d’ailleurs le programme historique du musée.
Aujourd’hui, avec ses 140 000 visiteurs chaque année, le musée propose deux parcours différents depuis 2010. Le premier raconte en image les grands moments de l’occupation allemande dans le nord de la France, de la construction de la base lourde de lancement de V1, à Siracourt en 1943, aux espaces mémoriaux commémorant les terribles souffrances infligées aux déportés et aux fusillés du Nord-Pas-de-Calais par les nazis. Le second parcours aborde les programmes d’armes nouvelles développés par l’Allemagne nazie, et plus particulièrement celles créées par les ingénieurs von Braun et Dornberger, qui travaillaient dans le centre de recherches de Peenemünd. Ce dernier parcours met également l’accent sur la répression de la Résistance et le travail forcé dans la production de l’armement.
Aujourd’hui, La Coupole est le seul musée à présenter en France des fusées V1 et V2. Le site montre aussi les répercussions scientifiques positives qu’on pu avoir ces sinistres inventions dans la recherche pour la conquête spatiale. Directeur de La Coupole depuis 2020, Philippe Queste a réouvert en 2021 un planétarium 3D numérique à la pointe de la technologie. Au cours de cette immersion totale, Nicolas Fiolet, l’astrophysicien responsable du planétarium, emmène les grands et les petits dans un voyage interstellaire à travers six films.
Enfin, le Centre de Ressources et de Recherches « Jacques Brun » créé sur le site en 2012 réunit de nombreuses archives collectées depuis des décennies sur les déportés de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que des documents consacrés à l’histoire de la conquête spatiale et au développement scientifique des fusées.
Afin d’aller jusqu’au bout de sa démarche éducative et ludique, La Coupole s’est dotée d’une école d’astronomie, seule de la région et la seconde en France. Labellisée par l’Association française d’astronomie (AFA), elle propose des cours d’astronomie pour tous.
À la fois foyer de résistante et zone d’occupation allemande, les Hauts-de-France ont été l’un des épicentres du conflit mondial. Les scientifiques et les historiens n’en finissent pas de perdre le nord sur ces lieux de mémoires.