Le Centre des monuments nationaux (CMN) a rouvert le 6 juillet 2023 la chapelle Jean de Bourbon de l’abbaye de Cluny (Saône-et-Loire), restaurée et embellie par les créations commandées à l’artiste plasticien Sarkis. Comme un arc-en-ciel après la pluie, la lumière pare la chapelle de Cluny des plus belles couleurs.
Fondée au début du Xe siècle par le duc d’Aquitaine et comte d’Auvergne Guillaume Ier, l’abbaye de Cluny est aussi un domaine de 15 hectares, protégé de remparts et de tours. Construite à la fin du XIe siècle, l’église abbatiale est consacrée en 1130 par le pape Innocent II. À l’extrémité sud du petit transept, la chapelle Jean de Bourbon est créée entre 1456 et 1485, pour devenir la chapelle funéraire de l’abbé dont elle porte le nom. Le décor sculpté par Antoine Le Moiturier était formé de quinze statues polychromes à l’effigie de la Vierge, de saint Jean-Baptiste et des apôtres. Mais celles-ci ont disparu pendant les guerres de Religion. Il ne reste que les consoles sculptées sur lesquelles étaient posées les statues. Leur décor, représentant les prophètes de l’Ancien Testament, figure parmi les plus remarquables de la chapelle. Les vitraux polychromes, qui avaient connu le même sort que les statues, avaient été remplacés par des verres blancs.
La chapelle, joyau du gothique flamboyant, a désormais retrouvé son faste d’origine. Après la restauration du petit transept entre 2008 et 2010, le CMN a poursuivi l’opération de mise en valeur du site pour un montant total de 2,3 millions d’euros. Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques, a assuré la maîtrise d’œuvre de ce chantier : maçonneries en pierre de taille des glacis et des encadrements des baies à remplages, remplacement de certaines pierres de taille et rétablissement de la couverture en ardoise. Les éléments sculptés (pinacles, dais, culots et clefs de voûte) et la piscine liturgique (cuve près de l’autel permettant de se purifier les mains avant la consécration eucharistique) ont eux aussi fait l’objet d’une restauration et d’une consolidation particulière, retrouvant leur éclat d’antan.
En 2022, les fouilles archéologiques ont révélé l’emplacement et les dimensions exactes de deux autels gothiques qui avaient disparu de la chapelle et de l’oratoire. Le remplacement des vitraux et de ces deux autels, dont la fonction depuis plusieurs siècles servait notamment à la contemplation sacrée, au recueillement et à la célébration de la liturgie, a été confié à Sarkis. Né à Istanbul (Turquie) en 1938, l’artiste, qui vit et travaille à Paris depuis 1964, est déjà connu pour son travail dans des édifices religieux : les vitraux de l’abbaye de Silvacane à La Roque-d’Anthéron (Bouches-du-Rhône), l’église des Jacobins de Toulouse (Haute-Garonne), et une abbaye privée en Touraine. Cependant, c’est la première fois que l’artiste intervient sur un édifice religieux en pleine restauration. Son projet a consisté à installer deux autels en lieu et place du mobilier liturgique d’origine et de remplacer les vitraux en verre blanc. Loin des vitraux traditionnels représentant des motifs de losanges et des scènes religieuses, ceux créés par l’artiste figurent des motifs de gouttes de pluie aux sept couleurs de l’arc-en-ciel.
« La pluie, avec les couleurs de l’arc-en-ciel, résonne dans la chapelle » est l’intitulé de son œuvre, désignant cet ensemble de vitraux créé pour les cinq baies de la chapelle. Les vitraux représentent les empreintes digitales de l’artiste, juxtaposées les unes à côté des autres, évoquant une pluie d’arcs-en-ciel qui tombe sur le verre. Quant aux autels, conçus sur le même motif et matériau, l’artiste y a peint des empreintes jaunes, évoquant l’or de l’éternité. Grâce à cette nouvelle approche du vitrail et de la lumière, les visiteurs pourront imaginer une pluie qui s’écoule sur les vitraux et observer les traces qu’elle dépose, comme si celle-ci venait juste de s’arrêter de tomber ou si, en réalité, elle avait toujours fait partie du lieu depuis sa construction.