Destruction des barrages : le patrimoine mayennais en péril

Par Victoire Becker

Date de publication : 22/09/2020

Temps de lecture : 4 minute(s)

En réponse à la directive européenne de 2000 pour le bon état des cours d’eau, la préfecture de la Mayenne a décidé d’organiser la destruction systématique de ses ouvrages hydrauliques (barrages, seuils de rivières, batardeaux). L’objectif est de permettre aux rivières de reprendre leur cours naturel. Une bonne idée à première vue, car les barrages ont un impact sur l’écosystème et l’écologie des cours d’eau, et sont, pour la plupart, dans un état déplorable. Mais leur disparition a eu des conséquences imprévues.

En dix ans, 150 barrages ont été arasés. Sur le Vicoin seul, 26 des 29 seuils de rivières ont été démantelés.  

La démolition des ouvrages hydrauliques n’a cependant pas eu l’effet souhaité. Elle a fait baisser le niveau de l’eau, ce qui a entravé la circulation des poissons, asséché les paysages et fragilisé le patrimoine architectural aux alentours. L’abaissement soudain des eaux a créé une forte poussée sur les murs de nombreux monuments, qui doivent donc être restaurés d’urgence. À La Grande Courbe à Brée par exemple, le propriétaire a dû renforcer la digue qui isole ses douves de l’eau de la Jouanne en urgence et à ses frais. « La rivière n’est pas droite », explique Paul Henry de Vitton, président de l’Association des riverains de l’Erve, du Treulon et de la Vaige. « Elle est parfois en pente ou en montée et pour maintenir un même niveau d’eau partout, les seuils sont essentiels. Ils permettent de ressourcer les zones humides, qui servent de réservoir lorsqu’il n’y a plus d’eau. […] Et les nappes phréatiques s’alignent en fonction du niveau de la rivière. En fait, en supprimant les seuils, on se prive d’une ressource précieuse ! ».

Aucune loi n’ordonne cette suppression massive. Alors pourquoi ne pas simplement les restaurer et préserver ainsi le patrimoine ? Parce que cela revient trop cher ! La démolition d’un barrage coûte entre 3 000 et 45 000 euros, mais elle est remboursée à 70 % par l’ État. La restauration des barrages quant à elle n’a pas fait l’objet de devis, puisqu’elle n’est remboursée qu’à 50 % !

A la déformation du patrimoine s’ajoute un manque de clarté qui inquiète les locaux. Personne n’est informé ni ne peut donner son avis. Au sein même de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, qui orchestre cette destruction, les avis sont mitigés. Paul Henry de Vitton raconte : « Un entrepreneur est venu chez moi. Il me disait : mon grand-père a construit les seuils, moi je me charge de les détruire et mon petit-fils devra les reconstruire. »

Les habitants de Mayenne sont révoltés. Certains ont commencé à construire des batardeaux avec les moyens du bord. D’autres, en 2018, ont songé à porter plainte contre l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. Tous les moyens sont bons pour combattre la sécheresse qui ne va que s’accroître dans les prochaines années !

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