Quelle servitude grève ou bénéficie à votre propriété ?

Par Philippe Jary Juriste chargé du conseil aux adhérents

Date de publication : 10/01/2022

Temps de lecture : 6 minute(s)

Le service de conseils aux adhérents des VMF propose des conseils pratiques au sujet de problématiques auxquelles les propriétaires doivent couramment se confronter. Cette semaine, un point sur les servitudes.

Une servitude légale, conventionnelle ou naturelle peut être liée à votre propriété, soit au profit de celle-ci, soit à sa charge. La servitude est un droit réel immobilier et est toujours liée au foncier, et non aux personnes, même si elle confère un droit à ces dernières. La servitude est apparente si elle est visible, comme un chemin ou un aqueduc, ou non-apparente si elle n’est pas visible, comme une canalisation enterrée allant à l’égout.

Nous allons voir, dans cette note synthétique, les principales servitudes pouvant gréver un fonds et les règles qui leur sont applicables, en précisant que notre liste ne pourra être exhaustive tant il peut y avoir de servitudes différentes !

Quelles sont les différentes servitudes ?

  • Les servitudes légales de droit privé (art. 637 et suivants du code civil)

Celle à laquelle on pense le plus couramment est celle du droit de passage d’un fonds enclavé (appelé fonds dominant) qui bénéficiera d’un accès le plus direct pour atteindre la voie publique sur le fonds servant qui subira cette servitude. La largeur de ce passage dépendra de l’importance des propriétés desservies, de 4 mètres pour une seule maison à 6 mètres pour un immeuble collectif de plusieurs logements, cette voie devant permettre l’accès des secours.

Mais il existe d’autres servitudes, comme celle dite « servitude du tour d’échelle » qui permet à son bénéficiaire de poser son échafaudage sur le terrain du voisin pour entretenir le mur de sa propriété situé en limite du terrain mitoyen. Dans une précédente chronique, nous avons également traité des « servitudes de vue ».

  • Les servitudes d’urbanisme ou d’utilité publique

Les servitudes d’utilité publique sont des servitudes administratives qui doivent être annexées au Plan local d’urbanisme (PLU) ou à la carte communale, conformément aux articles L. 151-43 et L. 161-1 du code de l’urbanisme. Il s’agit de l’utilisation des sols, des limitations au droit de construire ou au respect de certaines obligations d’aménagement, d’une servitude d’alignement, ou de ravalement…

Les « servitudes de cours communes » sont régies par le code de l’urbanisme (article L 471-1 et suivants) pour le respect de distances entre deux constructions et la mise en commun d’espaces non constructibles.

Nous pouvons également mentionner des « servitudes dites de marchepied », d’une largeur de 3,25 mètres, sur les rives d’un domaine public fluvial, ou « servitudes de hallage », de 7,80 à 9,75 mètres. Les meuniers bénéficient d’une « servitude de voie d’eau » pour l’accès aux vannes de dérivation de l’eau alimentant leurs moulins.

  • Les servitudes conventionnelles

Ce sont les servitudes passées entre deux propriétaires qui se sont entendus pour créer une servitude sur une propriété au profit de la propriété voisine, comme l’accès à un puits, et constatées par une convention.

  • Les servitudes naturelles

Les servitudes naturelles résultent de la configuration des lieux, comme la servitude d’écoulement des eaux de pluie due à la pente naturelle des terrains (article 640 du code civil), aux termes de laquelle les fonds inférieurs sont assujettis à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l’homme y ait contribué. Précisons que les servitudes d’irrigation sont réglementées par les articles L 152-3 et suivants du code rural.

Quelles sont les conditions de validité d’une servitude ?

Les servitudes sont des droits réels qui suivent la propriété sur laquelle elles portent.

Elles doivent être constatées par un acte notarié pour les servitudes conventionnelles, afin d’être enregistrées par les services de la publicité foncière (anciennement conservation ou bureau des hypothèques). La servitude sera ainsi portée à la connaissance de tout acquéreur d’un bien sur laquelle elle porte lors du passage chez le notaire.

Quelle est la durée d’une servitude ?

La servitude est perpétuelle, en principe, mais elle peut être prescrite par la constatation du non-usage pendant 30 ans. Il peut y être mis fin par la réunion du fonds servant et du fonds dominant lors d’une acquisition simultanée des deux fonds par le même acquéreur.

Enfin, les parties peuvent mettre fin à la servitude de façon conventionnelle dans les mêmes conditions que pour sa création, c’est-à-dire constatée par un acte notarié et publiée.

Quelle est la procédure en cas de non-respect d’une servitude ?

La première démarche consiste à adresser à son voisin une lettre recommandée avec accusé de réception lui enjoignant de respecter la servitude. À défaut de réponse ou de réaction de sa part, il faut saisir le tribunal de grande instance (situé dans le ressort territorial de votre propriété). Celui-ci sera alors en mesure d’ordonner au voisin le respect de ses obligations. Bien entendu, si la servitude a été inutilisée pendant 30 ans, il ne sera pas possible d’obtenir gain de cause.

À noter : cette procédure nécessite l’assistance d’un avocat. Avant tout procès, celui-ci pourra vérifier auprès des services de la publicité foncière si votre servitude a bien été publiée avec l’acte de propriété à votre profit.

Cette rubrique est offerte par le service de conseils aux adhérents des VMF. Pour plus d’informations ou pour des conseils personnalisés, prenez contact avec nos experts : juridique@vmfpatrimoine.org.

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