Les associations se mobilisent contre le projet autoroutier de Thionville

Date de publication : 04/02/2022

Temps de lecture : 8 minute(s)

Le 26 janvier 2022, dix associations ont adressé une lettre ouverte aux 60 membres du comité de pilotage du tronçon Nord dans le cadre du projet A31 bis. Elles demandent aux pouvoirs publics de renoncer à la création d’un nouveau tronçon autoroutier à l’ouest de Thionville (Moselle) et aux membres du comité de pilotage d’abandonner ce projet.

LETTRE OUVERTE AUX MEMBRES DU COMITÉ DE PILOTAGE DU TRONÇON NORD DANS LE CADRE DU PROJET A31 BIS

Le projet de création d’un nouveau tronçon autoroutier à l’ouest de Thionville dans la partie Nord dans le cadre  du projet A31 bis continue d’avancer en dépit des oppositions.

Un comité de pilotage s’est déroulé le 7 janvier dernier. Lors de ce comité présidé par le préfet de la Moselle, la DREAL Grand-Est a présenté 8 variantes issues de 3 faisceaux suite à la concertation publique de 2019. Ce comité de pilotage a réuni une soixantaine de participants composés d’un grand nombre d’élus. Il a été marqué par une faible représentation des associations.

Le calendrier présenté prévoit un nouveau comité de pilotage le 25 février qui sera appelé à choisir 3 ou 4 variantes parmi les 8 variantes présentées. Une concertation publique est prévue à l’automne 2022 et la Déclaration d’Utilité Publique mi-2023.

On assiste donc, malgré toutes les oppositions, à une accélération du calendrier du projet à l’approche des échéances électorales et à un processus de décision trop rapide qui crée un effet d’éviction de l’opinion publique et des associations.

Les 8 variantes présentées par la DREAL Grand-Est ont un impact humain et environnemental considérable. Elles traversent toutes la commune de Florange à partir de la sortie d’autoroute n° 42 « Bétange » et plus largement la vallée de la Fensch, déjà pointées du doigt en 2016 comme ayant le record de France de la concentration polluante en Benzopyrène dans l’air ! Elles coupent, en surface ou en souterrain, des zones d’habitations. Elles passent à côté du parc et du château de Bétange, inscrits aux Monuments Historiques. Elles portent la responsabilité de venir casser de façon irrémédiable un réservoir de biodiversité et un corridor écologique de très grande ampleur unique à l’ouest de Thionville, au cœur de vallées déjà très anthropisées.

Les coûts prévisionnels présentés pour ces 8 variantes vont, de 290 millions d’euros pour le fuseau F5 tranchée couverte à 1,2 milliard d’euros pour le fuseau F4 en tunnel profond (C1, C2). L’État a annoncé que ce nouveau tronçon serait soumis à péage. Un projet de 300 à 400 millions d’euros impliquerait un péage par passage de 1,80 € à 2,20 € (chiffrage en 2019) pour des projets ayant un impact humain et environnemental catastrophique. Pour les projets enterrés, le coût du péage par passage pourrait atteindre 4 € voire davantage, ce qui serait largement dissuasif pour les usagers, par rapport à l’A31 et aux routes secondaires actuellement gratuites. La viabilité économique du projet est donc plus qu’incertaine.

Les composantes de ce projet montrent son caractère totalement anachronique.

À l’heure où les pouvoirs publics affirment avoir pleinement conscience des limites planétaires et de l’impact de nos modes de consommation et notamment de la consommation d’énergie fossile qui entraîne un réchauffement climatique par l’émission de gaz à effet de serre,

Alors que les engagements des pouvoirs publics en faveur de l’environnement se multiplient en matière de transition énergétique,

Que la croissance verte, la prévention des risques à fort impact humain, la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, l’accompagnement de la transition écologique sont annoncés comme étant au cœur des projets menés par l’État,

À l’heure où les pouvoirs publics ont fait le choix responsable de s’engager sur un plan de neutralité carbone à l’horizon 2050,

Où l’impact de l’environnement sur notre santé n’est plus à démontrer, 

À l’heure où les élus, et particulièrement les élus des vallées de la Fensch et de l’Orne, s’engagent de plus en plus sur leurs territoires par des actions en faveur de l’environnement et de la mobilité durable,

À l’heure où les attentes des électeurs en matière d’environnement vis-à-vis des élus de proximité sont de plus en plus fortes :

Comment peut-on privilégier encore aujourd’hui des solutions génératrices de pollution visuelle, sonore et atmosphérique ? Cette pollution ne manquera pas de faire fuir les nombreuses espèces protégées d’oiseaux et de chauves-souris particulièrement présentes dans ce réservoir de biodiversité de près de 300 hectares.

Comment peut-on priver les habitants des vallées de la Fensch et de l’Orne d’un poumon vert dont ils ont tant besoin et saccager leur cadre de vie dans des vallées qui ont déjà beaucoup souffert de la crise ?

Comment les pouvoirs publics peuvent-ils poursuivre un projet de création d’un nouveau tronçon autoroutier au cœur d’un bassin d’habitations et d’un poumon vert avec pour seule optique la desserte du territoire ? Où est la cohérence des politiques publiques ?

Comment les pouvoirs publics peuvent-ils poursuivre un projet dont la viabilité économique est plus qu’incertaine et commande, pour obtenir un équilibre financier, de choisir les fuseaux en surface moins coûteux, qui sont ceux qui auront l’impact humain et environnemental le plus fort ? Les pouvoirs publics ont annoncé que l’usager devra payer pour emprunter ce nouveau tronçon autoroutier. Qu’adviendra-t-il si l’équilibre de concession n’est pas atteint ? Le poids de la dette sera-t-il supporté une nouvelle fois par les citoyens, alors que notre pays est déjà lourdement endetté avec la crise sanitaire ?

Comment certains élus peuvent-ils privilégier la desserte de leurs communes par un tronçon autoroutier et soutenir un tel projet qui est en contradiction avec leurs engagements et ne tient pas compte des attentes de leurs concitoyens et électeurs en matière d’environnement ? IIs porteront ensuite la lourde responsabilité d’une décision aux conséquences irréversibles, illustration funeste d’un modèle économique d’un autre âge qui ne respecte pas leur territoire si remarquable dans sa richesse en biodiversité.

Comment peut-on parler de processus de décision démocratique quand le calendrier de décision d’un nouveau tronçon autoroutier dans la partie Nord dans le cadre du projet A31 bis est brutalement resserré et que les instances de décision associent aussi peu les associations et la population ? Les pouvoirs publics porteront la responsabilité d’une concertation tronquée sur un projet qui engage l’avenir de tout un territoire qui a déjà suffisamment souffert.

Dans sa déclaration sur la préservation de la biodiversité, des forêts et des océans à Marseille, le 3 septembre 2021, le Président de la République a souligné « qu’on voit bien que le climat, la nature et l’humanité sont inséparables » … « parce que nous avons refait l’expérience de notre ancrage dans le vivant – ces mutations, ces transformations, les bouleversements qu’entraîne la mondialisation, dans la porosité entre les écosystèmes, les conséquences qu’a la destruction de certains écosystèmes. »

Nous, représentants de 10 associations – A.R.B.R.E.S., Groupe National de Surveillance des Arbres (G.N.S.A.), La Demeure Historique, fédération Patrimoine-Environnement, Ligue pour la Protection des Oiseaux (L.P.O.), Maisons Paysannes de France, Parcs et Jardins de Lorraine, Paysages de France, Sites & Monuments, Vieilles Maisons Françaises – pleinement conscients de notre responsabilité quant à la préservation de notre territoire pour les générations à venir, demandons officiellement aux pouvoirs publics de renoncer à la création d’un nouveau tronçon autoroutier à l’ouest de Thionville dans la partie Nord dans le cadre du projet A31 bis.

Nous demandons aux membres du comité de pilotage, de prendre leurs responsabilités et de renoncer à soutenir ce projet, qui est en totale contradiction avec l’évolution de la législation, de nos mentalités et de notre société.

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