Symbole du rayonnement de la Catalogne du nord, le fort Saint-Elme compte parmi les sites les plus emblématiques des Pyrénées-Orientales. Situé à Collioure et jouissant d’une position stratégique exceptionnelle, il a joué un rôle déterminant dans les conflits entre la France et l’Espagne pendant près de trois siècles. Partons à la découverte d’un joyau du patrimoine.
Il n’existe initialement qu’une simple tour sur le site du fort Saint-Elme, surnommée Torre de la Guardia. Perchée à 170 mètres d’altitude, cette tour, édifiée au IXe siècle, assure la protection des populations contre les invasions normandes et barbaresques. Elle appartient aux comtes du Roussillon jusqu’à la mort du dernier, Girard II de Roussillon (1172), qui n’aura aucun héritier. Le comté est alors légué à Alphonse II (1157-1196), roi d’Aragon et comte de Barcelone.
Séduits par l’emplacement idéal de cette tour, les souverains de Marjoque engagent, entre 1276 et 1344, une série de travaux dans la région. Avec la tour de Massane et celle de Madeloc, toutes deux situées dans les Pyrénées-Orientales, la tour du fort Saint-Elme appartient dès lors à un réseau de tours de guet, chargées d’avertir la population de l’arrivée de potentiels ennemis.
Au début du XVIe siècle, Alphonse V, roi d’Aragon dit le Magnanime (1396-1458), renforce le château de Collioure ainsi que la tour de Saint Elme. Puis, lors de la première occupation française (1462 à 1493), Louis XI améliore les défenses de la Tour.
Entre 1538 et 1552, le grand Charles Quint fait construire un fort militaire autour de la tour de guet initiale, pour défendre le port de Collioure et assurer renforts et provisions. Cela lui permet également de sécuriser la Catalogne du nord et sa capitale Perpignan, en protégeant des appétits français ses lignes de communication avec Barcelone. La tâche est confiée à l’architecte Benedetto de Ravenne qui, en 1552, achève une forteresse à six branches, aux murailles de plus de huit mètres d’épaisseur. La date de 1552 est d’ailleurs gravée au-dessus de la porte d’entrée du fort, signant la fin des travaux.
Le 16 mars 1642, sous le commandement de Louis XIII et Richelieu, les troupes françaises envahissent Collioure afin de priver les troupes espagnoles (retranchées à Perpignan) de tout secours. En 1659, le traité inespéré des Pyrénées met fin aux hostilités par le mariage du jeune roi de France avec l’infante Marie-Thérèse d’Autriche, fille du roi d’Espagne. L’architecte Vauban est alors chargé d’améliorer le dispositif défensif de la région, et de Collioure en particulier. Au fort Saint-Elme, en prévision d’une future attaque espagnole, il fait creuser des fossés d’une dizaine de mètres pour permettre un emploi facile des canons et des défenses aménagées. Vauban a pour projet de faire de Port-Vendres un grand port de guerre, avec le fort Saint-Elme comme défense supérieure. Colbert, Louvois et d’autres hommes d’État de l’époque s’intéressent au projet, mais le chantier, jugé trop cher, est abandonné.
La Révolution française place la région au cœur de nombreux conflits. En 1793, lors de la Première Coalition, les Espagnols envahissent la Catalogne du nord et attaquent Collioure, guidés par l’ingénieur émigré Pons et servis par la trahison du commandant du Dufaux (qui leur livre la citadelle contre une belle somme d’or !). Les Espagnols s’emparent de Collioure et de Port-Vendres en quelques heures. Pourtant, six mois plus tard, le fort est repris par les troupes du général Dugommier, après un mois de siège meurtrier pendant lequel plus de 11 000 boulets sont tirés.
Après la période de la Révolution, le fort est transformé en magasin militaire avant d’être démilitarisé en 1903, puis abandonné.
En 1913, l’État décide de le vendre aux enchères. Picasso s’y intéresse un temps pour en faire son atelier, avant d’abandonner l’idée. Le fort enchaîne ensuite les propriétaires, sans qu’aucune restauration ne soit entreprise jusqu’en 1927, lorsqu’il est racheté par Fernand Ducatte (ancêtre des propriétaires actuels) qui le restaure dans le but d’en faire un musée. Il meurt peu de temps avant la Seconde Guerre mondiale. Le fort Saint-Elme, observatoire idéal pour anticiper le débarquement des Alliés, est alors occupé par la marine allemande.
Après la guerre, la famille Ducatte reprend ses droits sur ce patrimoine emblématique de la côte des Pyrénées-Orientales. Depuis les années 2000, des travaux s’y déroulent en permanence et un musée-arsenal a été ouvert en 2008. L’aventure familiale continue…
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