Petite ville dont l’origine du nom reste obscure, Le Blanc est une cité de carrefours. Carrefour des voies romaines dans l’Antiquité, puis du Berry, du Poitou, de la Touraine et de la Marche limousine, elle se trouve à l’intersection de six voies de chemin de fer à la fin du XIXe siècle. Visite guidée à travers la ville haute et la ville basse, dont le riche patrimoine atteste l’histoire mouvementée.
Le Blanc est, avec Issoudun et La Châtre, l’une des trois sous-préfectures du département de l’Indre. La ville, en déclin démographique, ne compte plus aujourd’hui que 6 500 habitants. Au nord s’étend la Brenne, le « Pays des mille étangs », devenue parc naturel régional en raison de sa faune et de son exceptionnelle flore aquatique, un paradis pour les ornithologues ! Nous sommes à un carrefour de provinces : à l’extrémité sud-ouest du Berry, en limite avec le Poitou, la Touraine et la Marche limousine. La cité est traversée par la Creuse qui la sépare en ville basse – berrichonne, sur la rive droite, relativement plane – et haute – sur la rive gauche constituée de collines surplombant la rivière, disputée entre Berry et Poitou.
La ville doit son développement, modeste, au fait qu’elle a été un point de franchissement à gué de la rivière, relativement large à cet endroit, et ce sur un axe transversal est-ouest, Bourges-La Rochelle, assez fréquenté dans l’Antiquité. Cela entraîna le développement d’un vicus, un village gallo-romain, en rive droite, à hauteur du gué. C’est alors, au IIe siècle, la première étoile du Blanc, à cinq branches, carrefour de voies romaines. Le Blanc devrait-il son nom étrangement neutre à Oblincum, latinisation du nom d’un propriétaire gallo-romain ? Cette hypothèse abusivement changée en certitude ne s’appuie sur rien… La première mention du lieu ne date que de 968 sous la forme de « vicaria Obliacensis » dans le cartulaire de l’abbaye Saint- Cyprien (Poitiers). Puis on trouve Oblinco en 1159, Oblanc en 1209, Oublanc au XIVe siècle et enfin Le Blanc à partir du XVe siècle.
Deux cités médiévales
Après les grandes invasions, l’urbanisation repartit en rive gauche, laquelle, avec ses collines, était propice à l’installation de châteaux forts. À partir du XIe siècle, deux micro-cités s’érigèrent en ce lieu : Le Blanc-en-Poitou (en surplomb du gué antique) et Le Blanc-en-Berry. Chacune possède son château fort, son enceinte urbaine et son église paroissiale, celle du Blanc-en-Poitou ayant été remplacée par Saint-Étienne, ex-chapelle XVe du couvent des Récollets. Des deux forteresses, il ne reste plus aujourd’hui que la motte du château des Hautes Tours (celui du Blanc-en-Poitou) et le château Naillac, du nom des détenteurs du Blanc-en-Berry au Moyen Âge (siège aujourd’hui de l’écomusée), flanqué de l’église romane Saint-Cyran qui domine la Creuse.
Un premier pont fut construit vers 1150, à l’aplomb précisément du château Naillac. Cela entraîna le re-développement de la rive droite ou faubourg Saint-Génitour qui, dès le XVe siècle, vit d’importantes foires se développer sur la grand– place, en face du couvent des Augustins. Ce faubourg devint alors la Ville neuve Doublanc avec, elle aussi, son église paroissiale Saint-Génitour (XIIe et XIIIe siècles) et son enceinte fortifiée. La ville connut alors une certaine prospérité grâce à son vignoble aujourd’hui disparu. Il en reste trois caves gothiques, dont celle, superbe, des Charassons, à deux nefs et six travées retombant sur deux colonnes centrales.
La galerie en fond de cour de l’hôtel Châtillon de Villemorand date des années 1586-1587 tandis que l’aile droite a été élevée en 1759. Dans la cour de l’hôtel Châtillon de Villemorand, rue du Docteur-Fardeau. La demeure comporte trois ailes disposées en U autour d’une cour fermée par un double portail.
Mais la Creuse est une rivière fort capricieuse. En 1530, une crue ravageuse fit que, selon une expression mémorable, « tous les ponts se retrouvèrent à Nantes ». Pendant près de trois cents ans, on traversa la rivière par un bac puisque le nouveau pont ne fut inauguré que le 1er janvier 1823, à l’emplacement du pont actuel. Privée de son rôle de point de franchissement de la rivière, la ville ne dut sa survie qu’au fait d’être devenue, en 1557, le siège d’une élection, une subdivision fiscale prélevant l’impôt sur cent dix communes avoisinantes.
Cela entraîna l’installation de nombreux « officiers », une noblesse de robe dont les sobres hôtels particuliers sont encore visibles, notamment en ville haute : maison dite « des Élus » (XVIIe et XVIIIe siècles), les hôtels Châtillon de Villemorand (fin XVIe, remanié au XVIIIe siècle) et Desmarquets d’Ouince (XVIIe siècle), ou bien encore, en ville basse : la Bergeolle (XVIIe siècle) et la maison de la Marquise (XVIIe et XVIIIe siècles), ainsi nommée parce qu’elle fut habitée par Louise de Fontaine, épouse de Claude Dupin, qui tenait un salon au siècle des Lumières. La limite entre pays rédimé (exempté de gabelle) et pays non rédimé (où le sel valait de sept à dix fois plus cher) ayant été reportée sur la Creuse pour des raisons pratiques, la ville devint au XVIIIe siècle un important lieu de trafic, émaillé d’homériques luttes entre gabelous et faux-sauniers.
La deuxième ville industrielle de l’Indre
Après la Révolution, la reconstruction du pont entraîna un développement de la rive droite en style néoclassique dont le prototype est l’hôtel de ville édifié par l’architecte Pierre Murison entre 1820 et 1825. Cette partie de la cité devint alors ce qu’elle est encore aujourd’hui, à savoir son coeur économique. À cela s’ajouta l’installation de filatures de lin qui firent du Blanc la deuxième ville industrielle de l’Indre, avec plus de 550 ouvriers. Ce fut toutefois de courte durée (1840-1860), le lin n’ayant pas résisté à la concurrence du coton… Une nouvelle chance fut offerte par le chemin de fer. Le Blanc devint en effet, à partir de 1885, le centre d’une étoile ferroviaire, la deuxième du Blanc, à six branches cette fois-ci. Essentiellement conçu pour des raisons stratégiques en réaction au désastre de 1870, ce réseau ferré s’avéra cependant vite non rentable. Les lignes fermèrent les unes après les autres et il ne reste plus guère, actuellement, que le grand viaduc franchissant la Creuse à la sortie ouest de la ville, converti en simple voie verte.
Façade sur jardin de la maison de la Marquise, au coeur de la ville basse. Cet hôtel particulier entre cour et jardin a été bâti au début du XVIIIe siècle et racheté, en 1748, par Claude Dupin, fermier général, dernier marquis du Blanc et époux de Louise de Fontaine, égérie de Jean-Jacques Rousseau. Dans les escaliers de la « ruette » des Hautes-Tours du Blanc.
La ville connut encore un sursaut industriel avec la création par Albert Chichery de la firme de vélos Dilecta (1913-1968), dont la réputation fut renforcée par les succès de l’équipe de coureurs cyclistes dans l’entre-deux-guerres. Aujourd’hui, la ville, comme tant d’autres, s’est convertie au tertiaire avec ses écoles (primaires et collèges publics et privés, lycée), employant environ 350 personnes, son hôpital (près de 500 emplois) et surtout l’Établissement central de l’administration et du soutien de la gendarmerie nationale (ECASGN), qui fait travailler plus de 600 salariés. Ainsi, après avoir été une cité de trafiquants, Le Blanc s’est racheté de son passé en devenant une ville de gendarmes…
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