Au mois de février, la chapelle Saint-Joseph de Lille a été détruite pour laisser place à un campus universitaire. Cette démolition aurait-elle pu être évitée ? Que faire du patrimoine religieux lorsqu’il ne sert plus sa vocation initiale ? Parce que nous pensons que la réhabilitation de monuments historiques doit être encouragée, PAJ vous emmène à la découverte de trois lieux judicieusement transformés.
Les Franciscaines de Deauville
Églises désacralisées, couvents vidés de leurs occupants, chapelles abandonnées… Par manque d’intérêt, de moyens ou de subventions, il n’est pas rare que les édifices religieux ne servent plus leur fonction première. Pour remédier à cela, certaines communes ont fait le choix d’investir leur patrimoine en lui donnant une nouvelle vie. C’est le cas de Deauville, qui a transformé l’ancien orphelinat Saint-Joseph de la congrégation des sœurs franciscaines en centre culturel.
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Vue du cloître de l’ancien orphelinat Saint-Joseph de Deauville (Calvados), avant la réhabilitation du site. © Pod VU
Ce somptueux édifice du XIXe siècle, d’abord orphelinat, puis couvent, dispensaire et enfin école, a été complètement repensé pour devenir un lieu d’art et de culture ouvert sur la ville. Les Franciscaines offrent un auditorium, une médiathèque, un atelier de restauration ainsi qu’un musée doté de plusieurs salles d’exposition. Pour le maire de Deauville Philippe Augier, cette structure s’est construite à l’image de la ville : « Avec les Franciscaines, nous avons voulu créer un lieu permanent pour accueillir et faire vivre cette vie culturelle intense. Une structure ouverte aux Deauvillais bien sûr, mais aussi à tous ceux qui viennent le week-end, ont une résidence secondaire sur place, aux habitants de la région et aux touristes de passage. »
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Dans la partie médiathèque du centre culturel Les Franciscaines, aménagé dans l’ancien orphelinat Saint-Joseph de la congrégation des sœurs franciscaines, à Deauville (Calvados). © Pod VU ![]()
Dans l’ancien orphelinat Saint-Joseph de Deauville (Calvados) reconverti en centre culturel, les vitraux évoquant la vie de saint François d’Assise ont été restaurés. © Pod VU ![]()
L’ancien cloître de la congrégation des sœurs franciscaines, à Deauville (Calvados), est désormais recouvert d’une verrière monumentale. © Pod VU
Si l’édifice principal date de 1875, les Franciscaines se sont vues offrir une nouvelle jeunesse grâce aux impressionnantes extensions contemporaines réalisées par l’agence Moatti & Rivière, alliant avec succès patrimoine et modernité. « Alain Moatti a cette grande qualité de savoir bâtir des équipements sur la base de bâtiments déjà existants. Il fallait restructurer totalement les lieux, qui répondaient aux nécessités d’un couvent » indique Phillipe Augier. En plus du portail d’entrée – symboliquement toujours ouvert –, une verrière monumentale recouvre désormais le cloître et son ancien jardin, transformant ce dernier en salle de lecture convertible en un espace plus polyvalent pouvant accueillir diverses manifestations sonores et prises de paroles. L’auditorium, lui aussi, est adaptable à tous les besoins, grâce à ses gradins rétractables qui permettent de multiples configurations : lectures intimistes, rencontres, concerts, représentations de danse, théâtre… sous l’œil bienveillant de saint François d’Assise, dont les représentations ornent les vitraux fraîchement restaurés.
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L’auditorium du centre culturel Les Franciscaines, à Deauville (Calvados), dispose de gradins rétractables, permettant plusieurs configurations. © Naïade Plante
Une réhabilitation particulièrement réussie pour Deauville, qui a su s’approprier un patrimoine préexistant pour en faire un espace vivant résolument moderne.
La chapelle Marie-Réparatrice de Nantes
À Nantes, la chapelle Marie-Réparatrice a elle aussi réussi ce pari. Construite en 1876 pour l’ordre religieux des sœurs de Marie-Réparatrice, la chapelle a été désacralisée en 1994 avant de devenir le lieu d’habitation privé d’un réalisateur nantais pendant quelques années. En novembre 2019, elle est rachetée par l’entreprise W’iN, spécialisée dans la réhabilitation de lieux atypiques en espaces de co-working. Le projet ? Transformer des lieux historiques sans les dénaturer. La chapelle Marie-Réparatrice est le cinquième espace aménagé par W’in, déjà implanté à Bordeaux, Libourne et Angoulême.
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Les voûtes en berceau de l’ancienne chapelle Marie-Réparatrice à Nantes (Loire-Atlantique) éclairée par un mobile lumineux contemporain. © W’iN Nantes Hekla
Si l’intérieur de l’édifice au style néo-roman a dû être adapté pour accueillir bureaux et salles de travail, l’architecture est restée inchangée. Un principe essentiel pour la société de co-working : « C’est un monument classé donc on ne peut pas faire ce que l’on veut – et heureusement ! Notre objectif était de transformer cet ancien lieu de culte en un espace ouvert à tous, dans le respect total de son architecture. On a juste rajouté des éléments pour cloisonner et délimiter certaines parties, notamment pour créer des salles de réunion. » Des travaux relativement légers, qui ont tout de même permis la restauration de plusieurs peintures murales.
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Espaces de co-working aménagés dans l’ancien chapelle Marie-Répartrice. © W’iN Nantes Hekla ![]()
Dans l’ancienne chapelle Marie-Réparatrice, à Nantes (Loire-et-Atlantique). « Notre objectif était de transformer cet ancien lieu de culte en un espace ouvert à tous, dans le respect total de son architecture. » © W’iN Nantes Hekla
Magnifiée par ses voûtes en berceau et ses fenêtres aux arcs en plein cintre, la chapelle a trouvé une nouvelle vocation : « C’était important pour nous de préserver l’ambiance de l’édifice. Nos clients le trouvent inspirant, ils s’y sentent bien et peuvent y travailler dans le calme et la sérénité. » Une reconversion aussi originale qu’ingénieuse : quel meilleur cadre de travail que le silence régnant dans une ancienne chapelle ?
Le couvent des Pénitents de Louviers
Si l’état de dégradation avancée de certains monuments peut faire peur aux municipalités qui craignent les restaurations trop onéreuses, ce n’est pas le cas de Louviers, dans l’Eure. La commune n’a pas hésité à voler au secours de son ancien couvent des Pénitents ; et pour cause : il s’agit du seul monastère bâti sur l’eau en Europe – il aurait été criminel de le laisser partir en ruines.
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Simulation de la reconversion en école de musique et auditorium de l’ancien couvent des Pénitents, à Louviers (Eure). © Opus 5
Construit en 1646 pour les frères de l’ordre de Saint-François, l’édifice a ensuite été transformé en prison après 1789, puis en tribunal à partir de 1792. Au XIXe siècle, le couvent des Pénitents perd son église, ainsi que la galerie nord de son cloître bâti sur un bras de l’Eure. Sur les restes de l’édifice original, la ville de Louviers a choisi de faire construire une école de musique et un auditorium. L’objectif ? Redonner une nouvelle jeunesse à cet édifice connoté négativement dû à son passé de prison tout en dotant la ville d’un espace supplémentaire de création artistique et musicale.
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Image de synthèse de l’école de musique et de l’auditorium aménagés dans le couvent des Pénitents de Louviers (Eure). © Luc Boegly/Opus 5
Un projet ambitieux mené par l’agence Opus 5 et l’architecte en chef des monuments historiques Bruno Decaris qui, en plus de restaurer les lieux préexistants, a installé une extension contemporaine de taille au niveau du cloître. Cette nouvelle façade, dont l’intérieur accueille une grande salle d’orchestre, est entièrement vitrée et s’élève sur les arcades du XVIIe siècle. Un mariage de la pierre et du verre particulièrement réussi pour cet ancien monastère désormais rythmé par la musique – et un bel exemple de restauration innovante du patrimoine. Véritable lieu d’apprentissage, de partage et de création, l’école de musique Maurice-Duruflé accueille aujourd’hui plusieurs centaines d’élèves.
* « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » (Antoine Lavoisier)