La Mission Patrimoine déployée par la Fondation du patrimoine sélectionne, chaque année depuis quatre ans, des monuments en péril nécessitant des fonds pour engager leur restauration. Parmi les 100 projets de maillage dévoilés le 30 août dernier, deux intéresseront particulièrement les amoureux du patrimoine équestre : la poste aux chevaux des Ormes (86) et l’écurie du château de Molezon (48).
La poste aux chevaux des Ormes
La poste aux chevaux des Ormes (Vienne) est inaugurée en 1764, dans l’enceinte du château où son propriétaire, le comte d’Argenson, a fait construire en 1752 un haras avec un manège pour ses 80 chevaux. Elle est située sur l’axe Paris-Bordeaux, la route royale d’Espagne, dont le tracé a été révisé en 1752, alors que le comte Marc René Voyer d’Argenson (dont on connait la passion pour le cheval1), propriétaire de la baronnie des Ormes, secrétaire d’État à la Guerre, était aussi Grand Maître et Surintendant des Postes de Louis XV, entre 1744 et 1757.
L’arrivée du chemin de fer dans les années 1840 sonnera le glas de la poste aux chevaux. Le train, beaucoup plus rapide, sera utilisé par la poste dès 1844 et les relais de poste démantelés au fur et à mesure de la construction du réseau ferré, jusqu’à l’arrêt définitif de la poste aux chevaux en 1873. Le relais des Ormes fermera en 1852. Il deviendra une ferme, le sol des écuries sera bétonné pour accueillir des vaches.
Classés au titre des Monuments historiques depuis 1994, les bâtiments, identiques par paires, forment un vaste quadrilatère d’environ 70 mètres de côté autour d’une cour où est érigé un vaste abreuvoir et bassin, destiné au rafraichissement et au bain des chevaux. La décoration se compose d’arcatures en tuffeau et de parements en moellons enduits. Un premier portail – majestueuse entrée cochère – ouvre sur l’actuelle route départementale 910 et, en face, un second conduit à un manège couvert d’une voûte lambrissée et percée d’un oculus pour la descente du fourrage. Au nord et au sud de la cour, des constructions accueillent l’habitation et l’hôtellerie. Au fond de la cour se trouvent la grande et les deux petites écuries. De chaque côté de l’entrée : la sellerie, la salle des postillons et de curieux lavabos en pierre (dont un dans la salle des gardes), destinés à laver les bottes.
Le relais de poste aux chevaux des Ormes appartient aujourd’hui à M. et Mme de Logivière, descendants de François Marquet. Ce dernier, maître de la poste aux chevaux des Ormes depuis 1811, avait racheté les bâtiments au comte d’Argenson en 1824.
Aujourd’hui, le site est ouvert à la visite une partie de l’année et accueille tous les ans « Aux Ormes Mozartiens ! », un festival de musique de chambre renommé.
Les travaux prévus aux Ormes sont destinés à rénover l’aile sud et à refaire la toiture de l’aile ouest. La structure de ces bâtiments, utilisés depuis plus de 100 ans comme remises, a subi d’importants dommages dus aux intempéries ainsi qu’à de très anciens dégâts des eaux.
Une partie de l’aile sud, occupée au XVIIIe siècle par la maréchaussée et possédant une magnifique salle des gardes ainsi que les écuries nécessaires à ces gens d’armes, sera rénovée pour devenir un espace muséal consacré à l’histoire des relais de poste, en particulier celle des Ormes.
Créée en 1476, la « poste aux chevaux » est un service de transport rapide des personnes et de leurs bagages qui comptera près de 2 000 relais à la fin du XIXe siècle. Elle ne doit pas être confondue avec la « poste aux Lettres », organisée par Henri IV à la fin du XVIe siècle, qui ne transporte que des objets, bien qu’il existe quelques relations contractuelles entre ces deux institutions.
« À l’origine, le mot « courrier » ne désigne pas les lettres, mais toute personne qui « courre la poste ». Le courrier est le messager, le gardien des dépêches (lettres placées dans des paquets ficelés), qu’il doit parfois défendre au péril de sa vie. »
Même si elle utilise de plus en plus la route pavée ou empierrée construite au XVIIIe siècle par les ingénieurs des Ponts et Chaussées, la poste aux chevaux se limite aux relais qui jalonnent les itinéraires, pas aux chaussées. Pourtant, les changements dans la structure du réseau de la poste aux chevaux, tout autant que l’allongement des distances entre les relais connaît, entre le début du XVIIIe siècle et le milieu du XIXe siècle, de profondes mutations. Dans les faits, moins de la moitié des relais se sont maintenus à l’identique2.
Ce service est d’abord exclusivement réservé au roi et n’est ouvert au public qu’au début du XVIe siècle, sur décision de François Ier. Moyennant un prix de course élevé́, chacun peut voyager « en poste », c’est-à-dire au galop.
« Les relais de poste se signalaient aux voyageurs par une enseigne ou par l’inscription de façade « Poste aux chevaux ». Mis en place dans les fermes, il s’agissait le plus souvent de vastes bâtiments comprenant la maison du propriétaire, le « maitre de poste », le logement des domestiques et les écuries, mais aussi les bâtiments agricoles : granges à grains, fourrages et avoines. Les lieux pouvaient aussi accueillir une auberge et une hôtellerie. Une partie des chevaux était réservée au travail des champs, l’autre partie à la course de poste. Les chevaux de poste sont issus de races de petite taille et robustes, résistantes à l’effort tels les bidets bretons ou les percherons. »
Au XVIIIe siècle, il y avait environ 15 chevaux par relais. Le relais de Paris, point de départ d’un grand nombre de routes, comptait 135 chevaux en 1756.
Les écuries du château de Molezon
Le château-ferme de Molezon (Lozère) est typique des domaines ruraux seigneuriaux cévenols hérités du Moyen-Âge. Située en Haute vallée française blottie entre le mont Lozère (1 700 mètres d’altitude) et le mont Aigoual (1 567 mètres), la demeure appartenait à la famille de Cadoëne de Gabriac, au service de l’évêque de Mende, comte de Gévaudan. Sa première mention dans les textes remonte à 1247.
La vallée, dite française, fut conquise sur les rois d’Aragon par les troupes de Louis IX (saint Louis). Le roi de France Philippe le Bel et l’évêque de Gévaudan Guillaume Durand conviennent entre eux d’un partage (paréage) des fiefs. Les documents qui énumèrent les fiefs (feuda gabalorum) montrent que l’habitat cévenol actuel était déjà entièrement en place au début du XIVe siècle. Le château de Molezon a donc pu jouer avec plusieurs tours de garde (ancien castrum) encore visibles dans le paysage de la vallée, ainsi que d’autres châteaux comme le Mazaribal, la Rouvière, etc.
L’ensemble est aujourd’hui constitué d’un donjon et de trois corps de bâtiment. Le corps principal, renforcé aux angles par une tour ronde et deux ailes, enserre une cour close. Cette dernière est ouverte vers le sud sur une basse-cour, elle-même fermée par l’écurie et un mur d’enceinte. L’entrée s’effectue par un porche vouté. Cet aspect fortifié est renforcé par de nombreuses bouches à feu et un chemin de ronde. Le commanditaire, petit seigneur, cherchait à afficher une puissance politique qu’il n’avait sans doute pas en réalité. Néanmoins, dans un pays où la paix dans les campagnes n’arrive qu’au XVIIIe siècle, la mise en défense du site est omniprésente. L’ensemble est complété́ par une tour-citerne monumentale au nord. Réalisés en temps de paix, les derniers travaux ont vu l’ouverture de nombreuses baies à l’étage sur le logis principal et le comblement des fossés.
Les écuries sont extrêmement rares par leur taille dans cette zone géographique. Construites, semble-t-il, au XVIIe siècle, elles servaient à loger en boxes des chevaux de selle, ce qui est peu fréquent dans une région accidentée comme les Cévennes où l’usage de l’âne et du mulet est plus répandu. Au milieu du XVIIIe siècle, les écuries ont été fermées et transformées en magnanerie (élevage du ver à soie).
Après les épisodes climatiques extrêmes de l’année dernière, les maçonneries se sont partiellement écroulées. Le bâtiment des écuries est dans un état de péril avancé et nécessite une intervention d’urgence pour éviter qu’un effondrement brutal n’emporte le soubassement du donjon.
Le château de Molezon a été repris en 2011 par un jeune couple de passionnés qui se bat pour sa sauvegarde.
Amis cavaliers, sauvons le patrimoine équestre !
1 Lire à ce sujet : Nicole Blomac, Voyer d’Argenson et le cheval des Lumières, Belin, 2004.
2 Lire à ce sujet Nicolas Verdier, « La Labilité du réseau aux XVIIIe et XIXe siècles. Le cas de la Poste aux chevaux dans le quart nord-ouest de la France », Les nouvelles de l’archéologie, 115, 2009, p. 13-17.
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