À l’occasion de l’achèvement des travaux de rénovation des écuries de Chaumont, en Charolais, Patrick Duncombe, vice-président de l’Association des amis des écuries, publie un livre consacré à ce chef-d’œuvre de l’architecture classique. Une bonne occasion pour visiter – ou revisiter – l’une des plus grandes écuries privées d’Ancien Régime en France.
Les écuries de Chaumont se situent prés de Saint-Bonnet-de-Joux, au sud du département de Saône-et-Loire, sur les collines du Charolais. Premier bâtiment découvert par le visiteur entrant sur le domaine, ce palais équestre est souvent confondu avec le château. Celui-ci, magnifique, se situe pourtant plus en arrière.
Elles sont construites entre 1648 et 1652, par l’architecte François Blondel, ingénieur du roi et futur directeur de l’Académie royale d’architecture sous Louis XIV, à la demande de Henriette de La Guiche (1600-1681) – famille à qui appartient le château depuis le XVe siècle – pour la garde princière de son époux, Louis-Emmanuel de Valois, duc d’Angoulême, fils d’un bâtard de Charles IX de France, gouverneur de Provence et colonel général de la cavalerie légère. Henriette est la fille ainée de Philibert de La Guiche, Grand maître de l’artillerie de France, et de sa seconde épouse Antoinette de Daillon du Lude.
Juchées sur un promontoire, indépendantes du château et des communs, elles sont une des rares écuries en France à posséder un aménagement intérieur conçu par Léonard de Vinci un siècle et demi plus tôt. Hautes de trois étages et mesurant 180 pieds de large sur 46 de long, soit pratiquement 60 mètres sur 15 (les proportions parfaites d’une grosse ferme bourguignonne), tout, dans cette écurie, est majestueux.
À commencer par sa porte centrale, surmontée du haut-relief équestre de Philibert de La Guiche, ou encore ses deux escaliers d’apparat monumentaux à double volée et rampes à balustres, situés à l’extérieur, aux extrémités de le façade sud, et desservant le premier étage. Originalité de l’ensemble, le rez-de-chaussée abritait les chevaux tandis que le premier étage était affecté à leurs cavaliers. Les sous-officiers dormaient dans la pièce au nord, les officiers dans la pièce au sud (plus chaude), la troupe au centre. Cette dernière devait, pour emprunter un des escaliers extérieurs, passer par l’une ou l’autre des deux pièces… ce qui compliquait fortement – à dessein – toute velléité de virée nocturne.
Le bâtiment se distingue encore par ses cheminées, construites à l’aplomb des façades et ornées de bossages et de frontons cintrés et sculptés, et ses lucarnes, dont deux principales à fenêtres et quatre autres à œil-de-bœuf.
Comportant trois nefs en voûtes d’arêtes, soutenues par des rangées de colonnes d’ordre toscan, traçant un plan octogonal, l’écurie proprement-dite se distingue par une allée centrale séparant, de part et d’autre, des emplacements qui, à l’origine, accueillaient trois chevaux entre deux colonnes. Si l’on ignore par quel mystère les plans de Léonard de Vinci ont pu parvenir dans les mains de l’architecte Blondel, le bâtiment dispose des innovations inventées par le maître. Le foin, par exemple, stocké bien au sec au deuxième étage, était distribué directement de la réserve, par des conduits aménagés dans l’épaisseur des murs, au-dessus des mangeoires. Les palefreniers n’avaient qu’à le pousser dans les conduits pour qu’il tombe directement d’un étage à l’autre. L’évacuation des liquides s’effectuait grâce à un plan légèrement incliné, en direction de grilles disposées dans l’allée centrale, reliées à un système de canalisation et de collecteurs souterrains.
À sa construction, la majesté de l’édifice fit un tel effet, qu’il suscita de nombreuses légendes. Tout d’abord, on rapportait qu’il possédait une capacité d’accueil de 99 chevaux, le roi seul pouvant prétendre à en posséder 100. La centième monture – permettant d’égaler le souverain – était celle de Philibert de La Guiche lui-même. En réalité, l’écurie ne pouvait en accueillir que 87. Une autre légende racontait qu’une chaine humaine de cinq kilomètres avait été formée entre la tuilerie et le château de Chaumont pour acheminer les dizaines de milliers de tuiles nécessaires à l’ensemble. Enfin, on colportait que le bâtiment et la charpente avaient nécessité des dizaines de compagnons, artisans spécialisés dans tous les corps de métiers du bâtiment et des centaines d’ouvriers ou manœuvres… une façon de magnifier l’ouvrage, mais très exagérée.
De larges conduits émergent des murs au-dessus des mangeoires. Ils communiquent avec le niveau supérieur du bâtiment et permettent de diffuser plus facilement le foin qui y est stocké. © Sabrina Lecomte Au XIXe siècle, des mangeoires en fonte ont remplacé celles en pierre d’autrefois. Les auges individuelles permettent de mieux contrôler les rations de chaque animal. © Sabrina Lecomte
Au XIXe siècle, l’intérieur des écuries est modifié pour accueillir des chevaux d’attelage et de courses, bien plus précieux que les chevaux, rustiques, qui y séjournaient auparavant. Le nouvel aménagement voit apparaitre, outre des boxes, de petites pièces, entre chaque stalle, donnant accès à un entresol équipé d’une cheminée et d’une fenêtre tournée vers l’arrière du bâtiment. Deux oculi, ouverts sur les écuries, permettaient aux palefreniers de veiller sur les chevaux de leur petit appartement. C’est cet aménagement de boxes et de stalles que le visiteur découvre encore aujourd’hui.
Un ouvrage, bien documenté, raconte l’épopée de ces écuries et, surtout, l’histoire de la famille La Guiche. C’est elle qui, en effet, depuis cinq siècles, a procédé à la construction de ce magnifique ensemble et veille encore scrupuleusement, grâce à la marquise Anne de Laguiche, à la préservation de ce patrimoine unique.
Pour en savoir plus : Les Écuries de Chaumont en Charolais, un chef-d’œuvre de l’architecture classique, de Patrick Duncombe, Scriptory éditions, 18 €, disponible à l’adresse patrick.duncombe@dialectique.fr.
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