Siège de l’archidiocèse d’Albi (Tarn), la cathédrale Sainte-Cécile attire chaque année des milliers de visiteurs. Édifiée au XIIIe siècle dans le style gothique méridional, elle est la plus grande cathédrale de briques au monde : 113 mètres de long, 35 mètres de large. Son allure sévère cache en réalité de nombreux trésors. Découvrez l’histoire de cette surprenante « forteresse de Dieu ».
« Les cieux racontent la gloire de Dieu : les cathédrales y ajoutent la gloire de l’homme. Elles offrent à tous les hommes un spectacle splendide, réconfortant, exaltant, elles nous offrent notre propre spectacle, l’image éternisée de notre âme, de notre patrie, de tout ce que nous avons appris à aimer en ouvrant les yeux. » (Auguste Rodin, Les Cathédrales de France, 1914)
Prenez quelques millions de briques rouges, choisissez des bâtisseurs talentueux et faites une halte, quelques siècles plus tard, devant la majestueuse cathédrale d’Albi. Vous avez raison, cette masse austère qui domine le Tarn tient plus du fort militaire que du sanctuaire. C’est pourtant bel et bien la construction d’une cathédrale qu’ordonne Bernard de Castanet, évêque d’Albi, à la suite des guerres menées contre les cathares.
C’est donc dans un contexte religieux et politique fragile que la cathédrale Sainte-Cécile est édifiée. Alors que l’hérésie cathare bat son plein, l’Église de Rome, inquiète, ordonne une lutte acharnée contre la propagation du catharisme. Le pape prêche la croisade contre les Albigeois. Cette croisade sera plus sanglante, plus féroce encore que celle menée contre les Sarrasins et marquera la disparition de la civilisation occitane. La foi catholique, terriblement ébranlée par les derniers évènements, doit à tout prix réaffirmer son autorité. La construction de Sainte-Cécile a pour vocation de défendre l’évêque contre un environnement encore hostile et entend également réaffirmer la fidélité au pape plus qu’au roi, dans un contexte de tensions entre ces deux institutions. L’utilisation de la brique, matériau fort peu couteux, a pour dessein d’afficher une pauvreté de bon ton pour cette religion souvent critiquée pour ses goûts luxueux.
Deux siècles furent nécessaires, de 1282 à 1480. Alors que les cathédrales du nord témoignent une ornementation extrêmement riche, celle d’Albi ne cherche pas la lumière. Un donjon en guise de clocher, des tours semi-circulaires, des contreforts massifs, sont les caractéristiques architecturales de cette cathédrale dénuée de toute ornementation. Seul le portail rompt avec l’aspect défensif de l’ensemble. Bien éloigné de l’allure extérieure, l’intérieur est riche d’une invraisemblable profusion de décors, tous plus beaux les uns que les autres.
La nef est délimitée par un jubé saisissant, tant par sa grandeur que par son unicité. Il est aujourd’hui l’un des derniers à demeurer en France, la reforme liturgique du Concile des Trente ayant amené au démontage de tous les jubés afin de replacer les fidèles au cœur de la messe. Sous le grand orgue, la fresque du Jugement dernier constitue aussi l’un des plus grands joyaux de ce patrimoine religieux. Peint à la fin du XVe siècle, il fut commandé par Louis Ier d’Amboise, évêque d’Albi ayant à cœur de parfaire la cathédrale. Sur une bande dessinée de plus de 15 mètres de haut et 18 mètres de large se confondent terre, ciel et enfer. C’est la première fresque du Jugement dernier qui met en scène les sept péchés capitaux (seule la paresse a disparu). Il y manque cependant la peinture centrale, détruite à la fin du XVIIIe siècle.
Mais le plus grand trésor de la la cathédrale est peut-être l’orgue classique, réalisé au XVIIIe siècle par le célèbre facteur d’orgues Christophe Moucherel. Classé au titre des Monuments historiques et au patrimoine de l’Unesco, il est considéré comme l’un des plus beaux instruments d’Europe, notamment pour son buffet impressionnant et ses décorations variées.
Au début du XVIe siècle, nombreux sont les artistes déployés pour couvrir les voûtes, les murs et les piliers de fresques riches en couleurs, dominées par ce bleu profond que l’on nomme à l’époque « bleu de France » et qui deviendra le bleu roi. Cette abondance ornementale nécessite des moyens financiers importants, assurés grâce à l’essor de la ville par le commerce. Rien n’est trop beau pour la cathédrale Sainte-Cécile, patronne des musiciens ! Sainte-Cécile d’Albi demeure aujourd’hui, la seule cathédrale d’Europe entièrement peinte sur une surface d’environ 18 000 mètres carrés. Si vous passez un jour du côté d’Albi, arrêtez vous contempler ce chef d’œuvre d’architecture !