Construite en 1816 à la demande de la duchesse d’Orléans, la chapelle royale de Dreux est agrandie à partir de 1839, par décision de Louis-Philippe, fils de la duchesse et dernier roi des Français, et devient la nécropole de leur famille. Cet emploi lui vaudra le surnom de « Saint-Denis des Orléans ». Ce charmant monument néogothique est sublimé par des vitraux admirables, représentatifs du goût du souverain pour cet art délaissé aux siècles précédents, et qui connaît alors un nouvel essor stylistique et technique.
Un ensemble exceptionnel au goût du XIXe siècle
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, afin de mieux laisser passer la lumière brute et pure du soleil, qui symbolise la présence de Dieu dans l’édifice, la plupart des fenêtres des édifices religieux se composent de vitres blanches ou claires, sans motifs figuratifs. Le XIXe siècle remet le vitrail au goût du jour, et de nouveaux ateliers ouvrent leurs portes.
Le siècle de l’industrialisation, qui se passionne pour la recherche scientifique, permet la mise au point des peintures à la composition renouvelée, grâce auxquelles des œuvres d’une grande variété voient le jour. La chapelle royale de Dreux en est un exemple incontournable : le développement de la peinture fusible permet d’appliquer la couleur directement sur de larges plaques de verre, sans morceler le dessin en plaques colorées soudées par des baguettes de plomb, comme il l’était traditionnellement. C’est ce procédé qui est employé dans la crypte. Cinq « vitres peintes », à proprement parler, narrant le cycle de la Passion et dont les cartons ont été réalisés par Larivière, sont frappants par l’intensité émotionnelle qui s’en dégage et la force du contraste lumineux, signe d’une grande maîtrise de l’artisan verrier. Subtil et étonnant équilibre entre le tableau et le vitrail.
Tous les vitraux de la chapelle, sauf celui de la coupole qui est antérieur à l’agrandissement du lieu, ont été réalisés par la manufacture royale de Sèvres. Son directeur Alexandre Brongniart y avait créé l’atelier de peinture sur verre en 1827, encouragé par le roi qui appréciait fortement cet art. Les grandes commandes du souverain sont un soutien primordial à son développement. L’atelier existera jusqu’en 1854. C’est dans ce prestigieux établissement qu’est élaboré le bleu de Sèvres, marque de fabrique luxueuse d’abord utilisée sur la céramique de la manufacture. L’employer sur les vitraux de Dreux est une revendication du savoir-faire historique dont ils sont issus.
Un programme médiéval et romantique
Le bleu de Sèvres n’est pas sans rappeler le bleu de Chartres qui décore les vitraux de la cathédrale médiévale éponyme. Ce n’est pas un hasard : l’époque romantique du début du XIXe siècle aime le Moyen Âge et son héritage artistique, qui s’exprime fréquemment dans les édifices néogothiques comme la chapelle royale.
Pour donner les meilleures chances de succès à ces réinterprétations, les commandes de cartons pour les vitraux se font aux meilleurs peintres romantiques du temps : Larivière bien entendu, mais aussi Wattier, qui réalise le dessin pour Saint Louis remettant la régence à sa mère (1842), Delacroix, qui livre celui de la Bataille de Taillebourg, célèbre épisode de la Guerre de Cent Ans, et surtout Ingres, qui produit les cartons des douze fenêtres ogivales de la chapelle, traçant les portraits de différents saints, rois et reines de France. Honorable touche finale, Viollet-le-Duc est intervenu dans le dessin des architectures néogothiques peintes sur verre qui surplombent les personnages d’Ingres ! Tout est fait pour souligner le prestige du lieu. La renommée des artistes employés est un écho à celle des illustres inhumés, leurs gloires se répondent.
Une iconographie politique
L’attachement à l’imagerie médiévale n’est cependant pas qu’une question d’esthétique romantique ou de goût personnel de Louis-Philippe. C’est également un moyen fort pratique pour le roi de replacer sa famille, qui régna seulement quelques décennies sur la France, parmi la lignée des grands souverains historiques. Cela explique le choix d’un cycle de saint Louis, qui donne son nom à la nécropole, et dont Louis-Philippe est un lointain descendant. Ce roi très pieux, modèle de souverain à travers les siècles, est un aïeul dont il est bon de se revendiquer. Un vitrail dessiné par Hippolyte Flandrin représente le saint prenant l’oriflamme avec ses fils, symbole de la continuité dynastique. Et comment ne pas voir, dans la reproduction du style gothique et l’utilisation prégnante du bleu royal, un hommage à la Sainte-Chapelle voulue par Louis IX ?
Le perfectionnement de la technique du vitrail est par ailleurs l’occasion de s’inclure parmi les personnages honorés. La grande possibilité de détails permet au roi de se représenter, de manière très ressemblante, sous les traits de l’apôtre saint Philippe.
Les vitraux de la chapelle royale de Dreux forment un ensemble remarquable, d’une immense habileté technique et d’un luxe infini, tant par la qualité de leur réalisation que par la renommée des artistes les ayant créés. Répondant aussi bien à l’intérêt des romantiques pour le Moyen Âge qu’à la volonté de Louis-Philippe de créer un écrin digne de sa valeureuse lignée, ils préfigurent l’amour de l’Art nouveau, qui produira des œuvres d’une grande élégance, pour l’art du vitrail.
Pour en savoir plus : lire l’article « Chapelle de Dreux, le repos des rois » paru dans le magazine VMF n° 299 de septembre 2021, pages 60 à 65.
© VMF/MAP
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