Nice est désormais inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco comme « ville de la villégiature d’hiver de Riviera ». À cette occasion, nous nous sommes entretenus avec le président de la mission Nice patrimoine mondial et ancien ministre, Jean-Jacques Aillagon.
1 121 sites répartis dans 167 pays étaient proposés lors de la 44e session du Comité du patrimoine mondial organisée par l’Unesco, tenue en juillet 2021 à Fuzhou (Chine). À l’issue de cette session, 33 nouveaux sites culturels et naturels ont rejoint la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. La France compte désormais 48 sites classés.
Afin de figurer sur la liste du patrimoine mondial, les sites doivent aussi démontrer leur fameuse « valeur universelle exceptionnelle ». L’Unesco définit cette dernière comme « l’importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité ». Afin de parfaire son inscription, le site doit également répondre à au moins un des dix critères de sélection, notamment « représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain », « apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue » ou encore « offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l’histoire humaine ».
La zone correspondant à cette inscription comprend la commune de Nice et 4 243 hectares aux alentours de la ville. Comment cette reconnaissance mondiale va-t-elle bénéficier aux Alpes-Maritimes ?
L’inscription sur la liste du patrimoine mondial confère un immense prestige à un site, une ville ou un monument mais aussi une grande responsabilité. À ce titre, l’ensemble urbain spécifique, façonné à Nice par près de deux siècles de villégiature d’hiver cosmopolite, de 1760 à 1939, exemple éminent de fusion d’influences culturelles, architecturales et urbanistiques internationales, désormais consacré par l’UNESCO, est maintenant confié à l’attention et à la protection non seulement de ceux qui ont la chance d’y vivre mais également de toute l’humanité.
Ce qui rend exceptionnel le concept de patrimoine mondial, c’est son application universelle. Les sites du patrimoine mondial appartiennent à tous les peuples du monde et pas seulement au territoire sur lequel ils sont situés, constituant pour tous une source d’identité, de cohésion et de civilisation.
Comment Nice s’est-t-elle développée culturellement ces dernières années ?
En matière de patrimoine culturel, Nice, sous l’impulsion de son maire Christian Estrosi, a mis en œuvre ces dernières années une politique volontariste qui a contribué à la crédibilité de la candidature à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial.
Orientée de manière prioritaire vers le patrimoine de villégiature qui constituait l’objet même de cette candidature, cette politique s’est notamment traduite par un programme d’inventaire et par l’obtention du ministère de la Culture de plusieurs classements ou inscriptions au titre des Monuments historiques. En outre, elle a donné lieu à la restauration d’architectures de villégiature, telles que la villa La Luna sur la promenade des Anglais, par la mise en valeur d’éléments majeurs de l’urbanisme niçois comme la place Masséna ou encore par le plan de végétalisation de la ville dont l’emblème a été la création, au cœur de la cité, de la promenade du Paillon.
En restituant ainsi l’intégrité des attributs principaux de l’objet patrimonial candidat, l’architecture, l’urbanisme et la végétalisation de la ville, ces actions ont aidé à démontrer la valeur universelle exceptionnelle de « Nice, la ville de la villégiature d’hiver de riviera ».
Cette inscription sur la liste du patrimoine mondial a du sens car elle suit une tradition : celle de Nice, ville touristique cosmopolite. Comment la ville cultive-t-elle toujours cette caractéristique ?
En effet, l’inscription de Nice sur la liste du patrimoine mondial s’est fondée sur le critère (II) des orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial. Ce critère requiert de « témoigner d’un échange d’influences considérables pendant une période donnée sur le développement de l’architecture et de la planification des villes ».
À Nice, de multiples influences culturelles se sont exercées en matière d’architecture, d’urbanisme et de plantation de jardins en raison du développement, à partir de 1760, de la villégiature d’hiver cosmopolite.
L’imposante façade de l’Excelsior Regina Palace. Le bâtiment s’élève sur les flancs de la colline de Cimiez et domine toute la ville. © Michel Vialle À l’entrée sud de l’ancien jardin de l’Excelsior Regina Palace, une statue de la reine Victoria rappelle les séjours fréquents de cette dernière à Nice, de 1895 à 1899. La souveraine séjournait alors à l’Excelsior Regina Palace. © Michel Vialle
C’est le résultat harmonieux de ces diverses influences anglaise, piémontaise, russe, française et bien d’autres encore qui constitue la valeur universelle exceptionnelle du patrimoine niçois.
Et pour répondre complétement à votre question, force est de constater qu’aujourd’hui encore la fréquentation touristique se caractérise à Nice par la diversité de ses origines internationales.
Comment cohabite et coexiste l’être humain avec la culture et l’expression créatrice à Nice ? Et plus généralement dans la région ?
La définition même du patrimoine mondial vise à reconnaître et protéger des sites qui sont des preuves universelles de la coexistence harmonieuse et féconde de l’être humain et de la terre, au travers des interactions entre, d’une part, l’humain, la culture, l’architecture, l’expression créatrice et, d’autre part, la nature, la géographie, les sites naturels.
À cet égard, Nice est particulièrement représentative. L’invention et le développement de la ville de villégiature d’hiver n’y ont été possible qu’en tirant parti, sans jamais le faire disparaître, d’un site naturel. L’amphithéâtre des monts et collines entourant la baie des Anges, le grand paysage des montagnes à l’arrière-plan, le bleu azur de la Méditerranée et enfin le climat doux et ensoleillé, ont fait la fortune de Nice et sont encore ses principaux atouts. Ces caractéristiques du site et du climat, appréciés à Nice dès le XVIIIe siècle, deviendront d’ailleurs, à la fin du XIXe siècle, emblématiques du paysage de riviera.
Quel futur pour Nice ? Quels sont les plans pour la ville et sa région qui accompagnent cette inscription ?
L’une des finalités de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial est de placer le patrimoine concerné sous la protection de la communauté internationale des Nations. C’est pourquoi l’Unesco demande que tout dossier de candidature comporte un plan de gestion du bien dont l’application est régulièrement contrôlée par l’Unesco.
Ce plan est constitué par un ensemble de mesures patrimoniales, culturelles, urbanistiques, paysagères et économiques. Il est l’instrument qui garantit la bonne conservation du bien inscrit en vue de sa transmission aux générations futures. La clef de voute de ce plan de gestion est la création d’un Site patrimonial remarquable, servitude d’utilité publique dont le périmètre englobe celui du bien inscrit avec pour but la protection de sa valeur universelle exceptionnelle.
L’inscription sur la liste du patrimoine mondial est à double sens : elle permet de conserver un lieu de prestige mais encourage aussi le tourisme. La préservation est tout de même le mot d’ordre de ce titre car seuls les pays qui ont signé la Convention du patrimoine mondial et se sont engagés à protéger leur patrimoine naturel et culturel peuvent soumettre des propositions d’inscription de biens situés sur leur territoire. L’Unesco fait l’honneur à Nice de reconnaitre son patrimoine de prestige, une gratification qui, par la même occasion, confère aux Niçois la responsabilité de préserver le patrimoine de la ville pour les générations à venir.
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