En bordure de la haute vallée de l’Orb, le village médiéval fortifié de Boussagues (Hérault) recèle un riche patrimoine, témoin de sa grandeur passée. Au cœur de la cité, la maison du Bailli, inscrite au titre des Monuments historiques en 2018, se distingue par sa tour ronde, ses fenêtres à meneau et ses toits en lauze.
Sur les contreforts des Cévennes, dans l’ouest de l’Hérault, le village de Boussagues, dont l’apogée remonte au milieu du XIVe siècle, possède encore deux châteaux du XIIe siècle, deux églises des XIIe au XVIe siècles, ses fortifications et ses ruelles médiévales.
Un peu d’histoire
En 1348, Boussagues, qui compte plus de 1 300 âmes, est le centre politique de la haute vallée de l’Orb et un centre religieux séculier important. Ses seigneurs dominent la région grâce aux richesses minières voisines (argent, puis charbon) et la cité est dotée d’une administration complète, liée à son statut, avec consuls, notaires, prison, garnison et archiprêtre. Dans la bordure intérieure nord du rempart se loge un hôtel particulier : la maison du Bailli, ou manoir de Toulouse-Lautrec. Celle-ci abrite, comme son nom l’indique, le baile ou bailli, représentant des seigneurs en charge de la justice. Mais elle est surtout la propriété, pendant des siècles, de la famille d’Alichoux de Sénégra, coseigneurs de Boussagues, barons de Sénégra, Rocassels et autres lieux. Plusieurs familles de coseigneurs de Boussagues s’y succèdent ensuite (les Villechoy (1664), les Clermont-Rieussec (1698), barons de Bezouls), avant le retour, en 1714, des barons de Sénégra.
Mais les événements du milieu du XIVe siècle, dont des épidémies, stoppent le développement du village qui n’avait cessé depuis trois siècles. La baronnie et le village déclinent alors lentement. Déclarée Bien national à la Révolution, la maison du Bailli est rachetée par ses anciens propriétaires vers 1860. Armandine de Sénégra ordonne des travaux intérieurs pour installer une petite congrégation de sœurs et ouvrir une école de jeunes filles. En 1894, elle lègue la propriété à son petit neveu et filleul, le célèbre Henri de Toulouse-Lautrec. Ses héritiers la vendent en 1941 aux actuels propriétaires.
À la fin des années 1950, après l’effondrement du toit des parties sud qui laisse deux trous béants jusqu’au premier étage, une campagne complète de restauration du manoir débute. Toutes les zones faibles sont progressivement renforcées : injections de ciment et installation de tirants dans les murailles, révision des charpentes et de toutes les ouvertures. Les sols sont restitués à l’identique et les cheminées remontées.
L’esprit des lieux
Attachée à l’un des remparts du village, la maison du Bailli est composée de neuf pièces réparties sur deux étages et de combles reliés par une tour.
On pénètre dans la demeure seigneuriale (XIIIe-XVIIe siècles) par une porte au bel encadrement de pierre située au rez-de-chaussée de la tour, qui abrite un escalier en vis aux marches monolithes. Deux fenêtres à encadrement mouluré et larmier marquent les étages tandis que deux fenêtres simples, plus petites, éclairent la montée aux combles et au pigeonnier. Le haut de la tour, reconstruit au XVIIe siècle, abrite un pigeonnier de 172 alvéoles de facture médiévale et neuf boulins, accessible par une échelle de meunier. Le pigeonnier était l’apanage du seigneur des lieux et son importance témoignait de la richesse de ce dernier. Accolé à la tour, un petit pont enjambe la rue à hauteur du deuxième étage. Il rejoignait une maison disparue à la fin du XIXe siècle. Les deux étages de la maison et les caves sont conçus sur le même schéma et remontent aux XIIIe, XIVe et XVIe siècles. Les combles, quant à eux, occupent la moitié nord de la demeure. Entre la tour et le rempart nord, se trouvent superposées à chaque étage une pièce avec, à l’ouest, une fenêtre à meneaux et, au nord, une autre de même genre, à larmier sculpté.
La cuisine est dotée d’une cheminée haute traditionnelle et d’un potager. Des coussièges (ou « causeuses ») garnissent l’intérieur de la fenêtre en croix à meneaux. © Siwan Bessie Les deux étages de la maison et les caves sont conçus sur le même schéma et remontent aux XIIIe, XIVe et XVIe siècles. © Siwan Bessie
La porte de la tour permettant d’accéder au premier étage donne sur une partie reconstruite à la Renaissance (XVIe siècle). La première pièce est aménagée en cuisine et ouvre sur les autres pièces. Elle est dotée d’une cheminée haute traditionnelle et d’un potager. Des coussièges (ou « causeuses ») garnissent l’intérieur de la fenêtre en croix à meneaux. Les pièces nord sont séparées par de simples cloisons en brique modifiées au cours du temps, notamment au XIXe siècle, pour séparer deux cellules de nonnes de deux salles de classe. Elles sont dotées de hautes fenêtres ornées de larmiers incomplets. Le prolongement sud-est est le plus ancien (XIVe siècle), avec un guichet gothique et deux fenêtres à simple encadrement de pierre. Au deuxième étage, deux portes donnent accès, au sud, à deux chambres aménagées également à la Renaissance, avec coussiège, évier en pierre et cheminée, et, au nord, à une grande salle donnant sur le rempart et desservant un petit salon près de la tour. Les combles, accessibles par l’escalier à vis, couvrent en une seule pièce toute la partie nord et sont éclairés par deux petits fenestrons. La toiture à faible pente en lauze est soutenue par une charpente massive en châtaigner.
On pénètre dans la demeure seigneuriale par une porte au bel encadrement de pierre située au rez-de-chaussée de la tour, qui abrite un escalier en vis aux marches monolithes. © Siwan Bessie La porte de la tour permettant d’accéder au premier étage donne sur une partie reconstruite à la Renaissance. © Siwan Bessie
Le fantôme de Toulouse-Lautrec ?
Aujourd’hui complètement remeublée, la maison du Bailli conserve toutefois une étonnante horloge… La mère de Toulouse-Lautrec entretenait dans ce manoir une petite congrégation de religieuses, chargée de faire l’école aux enfants du pays et de prier pour l’âme de son fils. Après la mort du peintre, en 1901, ces nones restèrent dans le manoir jusqu’à leur mort. La dernière d’entre-elles, Sœur Delphine, en 1914, eut plusieurs apparitions d’un homme lui faisant le signe de la soif. Après quelques refus, cet homme tordit de rage le marteau du balancier de l’horloge de la chambre et s’en fut. Le récit et la description de cette aventure, qu’elle fit au curé du village, rappelait étrangement la tenue et l’allure physique caractéristique du peintre qu’elle n’avait pourtant jamais vu ! Le curé du village confirma l’histoire et assura que ce ne pouvait être la seule force de Sœur Delphine qui avait pu dégrader l’horloge. Il fut alors chargé de nouvelles prières pour l’âme du peintre…
Aujourd’hui complètement remeublée, la maison du Bailli conserve toutefois une étonnante horloge… © Siwan Bessie Au deuxième étage, deux portes donnent accès, au sud, à deux chambres aménagées à la Renaissance, et, au nord, à une grande salle donnant sur le rempart et desservant un petit salon près de la tour. © Siwan Bessie
La maison du Bailli se visite sur rendez-vous.
Réservations au 06.58.10.72.84.