Au printemps 2023, l’abbaye de Fontevraud (Maine-et-Loire) accueillera sa quatrième nouvelle cloche, baptisée Gabrielle, en hommage à Gabrielle de Rochechouart, 33e abbesse de Fontevraud. L’artiste parisien Paul Cox a été sollicité pour imaginer le décor de la cloche, qui a été « décochée » le 14 février dernier, à la fonderie Cornille-Havard, de Villedieu-les-Poêles (Manche).
Depuis 2019, l’abbaye royale de Fontevraud s’est lancée dans un programme campanaire, avec la fonderie Cornille-Havard, qui coule chaque année une nouvelle cloche, et ce jusqu’en 2025, au moment de Pâques. Située au sud-est du département du Maine-et-Loire, à une quinzaine de kilomètres de Saumur, l’abbaye se prépare à découvrir le tintement de Gabrielle (1 200 kg), quatrième d’une série de six cloches.
Paul Cox, artiste parisien âgé de 63 ans, auteur de livres pour enfants, créateur d’affiches, de costumes et d’installations interactives, et peintre paysagiste, a réalisé son décor. Pour cet autodidacte en art, décorer une cloche est un exercice inhabituel : “C’est ma première cloche, mais je n’ai pas hésité une seconde, lorsque le directeur artistique Emmanuel Morin m’a proposé le projet. C’est un ami cher. Je suis très friand de nouveaux projets, même si cela représente des difficultés particulières”.
“Je n’avais jamais travaillé le bronze”.
Une fois le projet accepté, l’artiste s’est rendu à la fonderie Cornille-Havard, afin de connaître les techniques de sculpture : “Je ne suis pas sculpteur, alors je suis allé à la fonderie en Normandie pour apprendre les étapes de fabrication d’une cloche. Ainsi, j’ai pu découvrir que le décor en léger relief ne peut pas être trop chargé en matière pour une question de son, soit 3 mm d’épaisseur”. Après deux mois de travail, au printemps dernier, la cloche révèle ses formes et ses motifs imaginés par l’artiste.
Avant-gardiste, Paul Cox, a décidé de traiter les filets non pas de manière parallèle à la cloche, comme c’est le cas dans les épigraphies, mais en spirale : “L’idée de la spirale, c’est intuitif. Cette forme est belle et m’évoque l’élévation spirituelle. Je voulais faire un filet ascendant pour ajouter une dynamique qui me rappelle les enseignes de barbier, marquées de bandes en spirales bleues, blanches et rouges”. Les références de l’artiste sont éclectiques : “d’abord les « poyas », ces papiers suisses découpés qui montrent l’ascension des vaches vers les alpages, la Tapisserie de Bayeux, la colonne Trajan, les hiéroglyphes égyptiens et les pictogrammes de Matt Mullican”. Les visiteurs pourront bientôt profiter de la cloche en deux temps : d’abord, de loin, ils percevront le motif de la spirale, puis, en s’approchant, ils découvriront les symboles répartis sur sept étages.
La signification symbolique de la cloche
Paul Cox s’appuie principalement sur l’historien du XIXe siècle Pierre Clément, qui a écrit la biographie de Gabrielle de Rochechouart de Mortemart, 33e abbesse de Fontevraud. Sa cloche représente un enroulement de symboles portant sur la vie de celle qui fut abbesse de Fontevraud de 1670 à 1704. “J’ai voulu raconter l’histoire d’une femme liée aux auteurs de son temps, polyglotte avec la figure de la Tour de Babel, et omniprésente à la cour de Louis XIV et dans ses intrigues”. Pour l’artiste, la cloche est comme le reflet d’une cohabitation entre la vie de cour et le monde rural que l’on reprochera pendant longtemps à l’abbesse. Paul Cox ajoute que son récit n’a pas de chronologie précise, car la religieuse menait une vie monotone.
Plus de cent-quarante éléments composent la cloche : la religieuse et le religieux, le paysan, les personnages de la Cour, comme Madame de Montespan et Louis XIV, des éléments d’architecture de l’abbaye, des animaux, la forêt, l’évocation des saisons et du temps. À travers ces symboles figuratifs, Paul Cox décrit l’ascension spirituelle de la vie monastique, de la base au sommet de la cloche, marquée notamment par les icônes du coucher du soleil et de la procession funèbre. “Chaque figure a été réalisée séparément sur des plaques de cire, puis collée sur un moule à la fonderie”, nous explique Paul Cox.
Quant au son de la cloche, c’est à Guido d’Arezzo que la gamme a été confiée. Son choix s’est porté sur le “ré”, première syllabe de « résonner ». Une fois que la patine sera terminée, les visiteurs pourront admirer la cloche dans le jardin de l’abbaye, avant qu’elle n’intègre le beffroi, au moment de Pâques. Paul Cox est l’un des artistes collaborant à ce programme de six nouvelles cloches, projet qui laissera son empreinte dans l’histoire de l’abbaye pour les trois prochains siècles.