À Mellionnec, en pays Pourlet, tout près de la frontière entre les Côtes-d’Armor et le Morbihan, le parc du château de Trégarantec est serti dans une campagne qui a vu naître le festival Lieux Mouvants, une manifestation mariant l’art au paysage. Aujourd’hui, grâce à l’impulsion de la famille propriétaire et du paysagiste Christophe Ponceau, le parc évolue en subtilité vers un aménagement contemporain mais respectueux de l’existant.
À l’image du printemps qui réveille la campagne, les jardins de Trégarantec émergent d’un long sommeil. Une renaissance discrète qui a commencé en 2003. Maïna Danion et ses quatre frères et sœurs, descendants directs des Leguen, de Saint-Brieuc, qui acquirent la propriété en 1819, ont entrepris de rénover dans un premier temps les 720 mètres de mur qui ceinturent le parc, puis de faire appel à un paysagiste pour mettre en lumière ce lieu méconnu du Centre Bretagne. « C’est un château vivant, habité à l’année, avec une activité agricole continue, explique Maïna Danion. La vie y suit son cours. »
Amoureux de passage
Trégarantec se caractérise par une personnalité discrète, avec un aménagement à la française qui contraste subtilement avec la campagne et les bois alentour. Peu d’archives existent mais la tradition dit que Le Nôtre lui-même aurait tracé les plans du jardin. Un axe central court depuis la route jusqu’à la cour d’honneur et au château, bâti en 1698. Un second, perpendiculaire au premier, traverse le parc de part en part. Tout à la fois majestueuse, solide et rustique, la demeure de granit se distingue par son impressionnante toiture, avec une hauteur sous plafond de dix mètres. « Ce jardin qui lui sert d’écrin est un espace intimiste à l’écart des grandes routes », observe Maïna Danion. La lecture de Trégarantec, avec ses jardins répartis en trois terrasses séparées par des balustres, des murets et des escaliers, s’impose avec clarté. Espace minéral entouré de bâtiments, la cour d’honneur, surélevée, forme comme un belvédère dominant cet ensemble paysager laissant transparaître l’ambition des Jégou du Laz, lignée de conseillers au parlement de Bretagne, d’afficher son importance à travers ces jardins contemporains de la construction du château.
Depuis la cour d’honneur du château, un grand escalier à trois volées, s’encadrant entre des piliers, conduit vers une première terrasse où une allée centrale distribue deux parterres. Dans le prolongement, l’allée, bordée de châtaigniers, conduit au puits qui marque le milieu de la composition des jardins. Escalier menant à l’allée principale du jardin.
Situé non loin de la voie romaine Vannes-Carhaix, le château de Trégarantec a régulièrement accueilli des visiteurs de passage. Le château servait de relais, d’où la présence des galeries situées à l’entrée du château et destinées aux voitures à cheval des visiteurs. Une halte à l’occasion de laquelle la promenade était élevée au rang d’un art. « Pour faire un Versailles breton, il aurait fallu emprunter à Kerjean ses façades, à Trégarantec ses jardins et son parc à Coat an Fao disait-on autrefois », explique Maïna Danion. L’étymologie éclaire ce rôle d’étape obligée : Treiz, en effet, signifie passage et Garantec, amoureux. Trégarantec est ainsi « le passage de l’amoureux ».
Une belle rencontre
Depuis longtemps Maïna Danion et sa fratrie souhaitaient restaurer le parc. Regrettant qu’un premier projet n’ait pu aboutir, ils se rapprochent de Jean Schalit. Président de l’association Dialogues avec la nature, cet homme de presse installé en Bretagne a fondé en 2012 et dirige le festival Lieux Mouvants, qui marie l’art contemporain au paysage. Lieux Mouvants a de cette manière offert à Trégarantec l’opportunité d’être redécouvert par les amateurs de parcs et jardins en inscrivant la visite du site au programme de la manifestation, itinérante par essence, qui invite chaque été des musiciens, des plasticiens, des auteurs, des chercheurs ou des photographes à venir partager leur travail.
Dans la prairie méditerranéenne, création récente, où se marient des cheveux d’ange, du carex bronze, de la germandrée arbustive et du lin de Nouvelle-Zélande. Un bouillonnement d’hortensias bleus masque le puits situé dans l’allée principale du jardin et dont on ne distingue ici que le beau couronnement en ferronnerie.
« C’est ainsi que, en 2014, nous avons fait la connaissance de Christophe Ponceau, qui a collaboré entre autres avec le paysagiste Gilles Clément », se félicite Maïna Danion. Christophe Ponceau, qui a réalisé le jardin du Frac (Fonds régional d’art contemporain) Centre à Orléans, est par ailleurs commissaire, avec Adrien Rovero, de Lausanne Jardins, une manifestation quinquennale qui mêle paysagisme et réflexion sur la ville. Pour le paysagiste, il s’agissait de créer à Trégarantec un jardin contemporain à partir de la structure existante : l’axe central et les trois jardins. Christophe Ponceau a travaillé dans un premier temps sur le minéral, très présent avec le puits, l’escalier en grès, la balustrade, les murs ou encore la chapelle (édifiée en 1755).
« Retrouver l’étendue du ciel »
Au pied de l’impressionnant escalier qui mène au parc, de magnifiques rhododendrons déploient leurs branches vénérables, couvertes de fleurs d’un rouge éclatant. Le soleil inonde de chaleur l’orangerie et la prairie méditerranéenne qui lui fait face, une création récente. Des cheveux d’ange (Stipa tenuifolia), du carex bronze (Carex buchananii), de la germandrée arbustive (Teucrium fruticans) et du lin de Nouvelle-Zélande (Phormium tenax) apportent une touche exotique à la palette végétale locale. Des châtaigniers centenaires, arbres vénérables qui subissent les affres des grosses tempêtes, bordent l’axe central. Au milieu de cet axe, le puits en pierre de taille a servi de point de départ à Christophe Ponceau pour concevoir un nouvel aménagement. L’ouvrage se trouve au centre d’une composition circulaire, délimitée par une bordure en pierre : le « radeau de pierre ». Le rodgersia (Rodgersia), l’osmonde royale (Osmunda regalis), l’acanthe (Acanthus mollis) et l’helxine (Soleirolia soleirolii) déploient leur présence avec finesse dans cet univers de sous-bois.
Une fois dépassé le puits, le jardin s’ouvre sur un champ de colza, un vaste espace conçu « pour retrouver l’étendue du ciel et la forêt alentour ». Un chemin haut et ombragé par les charmes longe ce même champ. Depuis ce belvédère les dames venaient jadis contempler les jardins de fleurs et de légumes qui existaient en contrebas. Ce carré cultivé raccordait l’activité agricole au jardin d’agrément. En remontant vers le château et la cour d’honneur, une roseraie sauvage et un labyrinthe d’hortensias voient peu à peu le jour et traduisent la transformation du site. Les travaux d’aménagement sont menés notamment grâce à l’intervention des étudiants en BTS aménagement paysager du lycée horticole de Saint-Ilan, à Langueux. Les élèves viennent réaliser leurs travaux pratiques à Trégarantec, sous la direction de leurs responsables de formation, les paysagistes Olivier Samica et Mélanie Drevet. Une manière de sensibiliser les plus jeunes aux enjeux de la restauration pour ce parc tricentenaire et champêtre qui s’ouvre à son époque et vient à la rencontre du public.
© VMF/MAP
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